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En Hongrie, humour, peinture et Photoshop contre les publicités anti-immigration du gouvernement

Catégories: Europe Centrale et de l'Est, Hongrie, Cyber-activisme, Droits humains, Ethnicité et racisme, Médias citoyens, Migrations & immigrés, Réfugiés
Budapest, Hungary. 19 May 2015 -- A sign reads "My best friend is a migrant" during a protest against the immigration policies of Viktor Orban, Hungary's prime minister, organized by the Migrant Solidarity Group (MigSzol) in downtown Budapest. Photo by janoskisphotographer. Copyright Demotix [1]

Budapest, Hongrie. 19 mai 2015 — Sur l'affiche : “Mon meilleur ami est un migrant”, manifestation contre la politique migratoire du premier ministre hongrois Viktor Orban, organisée par le Groupe Solidarité Migrants (MigSzol). Photo janoskisphotographer. Copyright Demotix

Le gouvernement hongrois a voulu récemment asséner, à coup de panneaux publicitaires géants dans tout le pays, ces messages aux migrants et candidats-migrants : “Si tu viens  en Hongrie, ne prends pas le travail des Hongrois”, “Si tu viens  en Hongrie, respecte notre culture” and “Respecte nos lois”.

Une campagne d'affichage s'inscrivant dans le prolongement de la consultation nationale [2] sur l'immigration et le terrorisme, par laquelle le premier ministre Viktor Orban et son parti au pouvoir Fidesz promeuvent aux frais du contribuable l'hostilité aux non-Hongrois.

Dans la mesure où rares sont les migrants qui comprennent la langue hongroise, les critiques font remarquer que ces avertissements s'intègrent plutôt dans une offensive plus générale visant à exciter les peurs et gagner le soutien des citoyens à des lois et mesures anti-immigration déjà prêtes.

Les Hongrois qui refusent les positions populistes du gouvernement ne sont pas restés les bras croisés. Panneaux dégradés, arrachés, repeints, c'est pour les militants à qui arrivera le premier. Une initiative de crowdfunding à l'immense succès a levé plus de 100.000 dollars (90.700 euros) en quelques jours pour monter une contre-campagne [3] d'affichage, en anglais cette fois. Et les médias sociaux grouillent de parodies aussi drôles que poignantes des panneaux. Nos meilleurs choix :

‘Quels emplois ?’

"If you come to Hungary, you can't take away the jobs of Hungarians!" "What jobs?"

Panneau d'origine : “Si tu viens en Hongrie, ne prends pas le travail des Hongrois!”
Corrigé en : “Quel travail ?”
Image largement diffusée en ligne.

‘Pâté’

"You can't gobble up Hungarians' liver [paté]"

Panneau d'origine : “Si tu viens en Hongrie, ne prends pas le travail des Hongrois!”
Corrigé en : “Ne bouffe pas le pâté des Hongrois !”
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‘Connasse !’

"Hungary, you bitch - Hungarian Insultation"

Corrigé en : “Hongrie, connasse  – insulte [au lieu de “consultation”] nationale.”
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‘Si tu viens au pays des chauves-souris…’

"If you come to bat country you have to abide by our laws!" - homage to Hunter S. Thompson and his novel Fear and Loathing in Las Vegas

Panneau d'origine : “Si tu viens en Hongrie, respecte nos lois !”
Corrigé en : “Si tu viens au pays des chauves-souris, respecte nos lois !” (hommage à Hunter S. Thompson et son livre “Las Vegas Parano”).
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‘La Hongrie a besoin de culture’

"Hungary needs culture"

Corrigé en : “La Hongrie a besoin de culture, pas d'une consultation.”
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…'Dans son propre pays, en vain, le fuyard cherchait sa patrie’

"The fugitive hid, and towards him The sword reached into his cave Looking everywhere he could not find His home in his homeland" Excerpt from the Hungarian national anthem. (trans. Laszlo Korossy, 2003)

Sur le panneau d'origine, un extrait de l'hymne national hongrois :
“Fuir ! Mais d'asile il n'est point
Contre le fer et sa furie.
Dans son propre pays, en vain
Le fuyard cherchait sa patrie.”
 (source traduction : http://www.globe-netter.com/pays/hongrie/hymne.php).
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‘Bienvenue !’

"WELCOME!"

Corrigé en : “Bienvenue !”
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‘Aidez ET !’

"HELP ET!"

Corrigé en : “Aidez ET !”
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‘C'est cool’

"If you come to Hungary … It's cool."

Corrigé en : “Si viens en en Hongrie … C'est cool.”
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‘Venez en Hongrie, nous, nous travaillons à Londres !’

Quelques maîtres es-Photoshop sont aussi passés à l'action, et ont créé de nouveaux textes pour les affiches originelles de la campagne gouvernementale. Voici une sélection des plus inspirés.

"Immigrants don't work and they are taking our jobs!"

“Les migrants ne travaillent pas et nous prennent nos emplois !”
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"We hate everyone"

“Nous haïssons tout le monde !”
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"If you come to Hungary, don't steal! The government will not allow competition!"

“Si tu viens en Hongrie, ne vole pas ! Le gouvernement n'admet pas la concurrence !”
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"Come to Hungary, we are already working in London!"

“Venez en Hongrie, nous, nous travaillons à Londres !”
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‘Je suis allée au Chili, ai pris leurs emplois…’

La diaspora hongroise, qui “prend” le travail d'autres pays n'a pas voulu être en reste :

"We came to Germany and we took their jobs, one spot at the nursery, and now we are going after all the beer and pretzels!"

“Je suis allée en Allemagne, ai pris leur travail, une place dans une crèche, et maintenant on va rafler toute la bière et les bretzels !” Source: http://kommentne.tumblr.com

"I came to Chile, took their jobs and in a couple years we will also take vows. Orban can be grateful that I am not provoking at home."

“Nous sommes allés au Chili, leur avons pris leurs boulots et dans quelques années nous allons aussi nous marier. Orban peut dire merci que je ne provoque pas chez moi”. Source: Gyuri More info: http://444.hu/2015/06/14/gyuri-kivandorolt-elvette-egy-chilei-munkajat-es-most-meg-egy-chilei-fiut-is-elvenne/

L'Union Européenne et la communauté internationale ont déploré les mesures de plus en plus droitières en Hongrie. Le Parti Populaire Européen (PPE), conservateur centriste, est le premier parti politique au Parlement Européen, et inclut le Fidesz. Le 10 juin, le Parlement Européen a adopté une résolution soutenue par le PPE, qui critique l'action du gouvernement hongrois en matière d’immigration [4]. La résolution relève que :

[…] ces récents développements ont conduit à des inquiétudes quant aux principes de l'Etat de droit, à la démocratie et aux droits fondamentaux en Hongrie au cours de l'année passée, qui, additionnées, peuvent représenter un danger systémique émergent pour l'Etat de droit dans ce pays membre […]

La campagne d'affichage du gouvernement a aussi coïncidé avec la Journée mondiale des Réfugiés du 20 juin, destinée à sensibiliser aux épreuves des réfugiés à travers le monde. Pour marquer ce jour, le bureau régional du Haut Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés (UNHCR) à Budapest a mis en avant des cas individuels de réfugiés qui se sont intégrés avec succès dans la société hongroise. Des images qui s'inscrivent en faux contre l'attitude alarmiste du pouvoir.

“Le seul problème est que ma famille me manque tellement que c'est parfois douloureux. Mes parents, ma petite soeur, mon frère me manquent” a déclaré à l'opération de l'UNHCR Zeeshant [5], 19 ans, qui joue dans la peu connue équipe nationale hongroise de cricket. Menacé par les talibans, il a été contraint de fuir le Pakistan et a voyagé pendant neuf mois avant d'arriver en Hongrie dans le conteneur d'un semi-remorque.

"I want to play well for this country"

“Voilà le pays pour lequel je veux jouer bien.” Image reproduite avec l'aimable autorisation de l'UNHCR

Sophie [6] vient du Togo, en Afrique de l'Ouest, et travaille dans un jardin d'enfants public. Elle s'est enfuie pour échapper à la mutilation génitale féminine et voudrait devenir citoyenne hongroise, indique la campagne de l'UNHCR, mais sa candidature a été refusée deux fois. “Je contribue à la Hongrie, car je travaille et paie des impôts. J'apprends aux enfants à être ouverts aux étrangers et aux personnes qui sont différentes”, dit-elle.

"Children are full of trust, they are not prejudiced."

“Les enfants sont confiants, ils n'ont pas de préjugés”. Image reproduite avec l'aimable autorisation de l'UNHCR

Faisant fi de la réprobation internationale et de la fronde de nombreux Hongrois, le gouvernement poursuit son programme anti-immigration. Le 17 juin, il a annoncé son projet de construction d'un mur de quatre mètres de haut sur sa frontière avec la Serbie [7]. Comme d'habitude, des mèmes ont vite surgi pour nous rappeler que :

"There is always further down"

“L'on peut toujours tomber plus bas !”
Image largement diffusée en ligne.