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Pour travailler avec les Israéliens, pas d'amabilités, de la franchise

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Israël, Arts et Culture, Economie et entreprises, Humour, Idées, Médias citoyens, Relations internationales, Technologie
Gvahim FinTech Event at and with Citi. Taken on November 3, 2014, by Flickr user Gvahim.  CC BY-NC-ND 2.0 [1]

Evénement Gvahim FinTech chez et avec Citi. Photo du 3 novembre 2014, par Gvahim sur Flickr. CC BY-NC-ND 2.0

“Les Israéliens adorent généralement débattre et vont typiquement causer passionnément de n'importe quel sujet” “Attendez-vous à être interrompu régulièrement pendant un votre exposé… les Israéliens préfèrent poser des questions et discuter immédiatement plutôt que de patienter jusqu'à la fin d'une communication”.

Ce genre de conseils, extraits du manuel “Travailler avec les Israéliens” par le géant du logiciel Intel, a récolté les rires d'entrepreneurs israéliens à une récente présentation à l'Accelerator Center de Herzliya sur la négociation des différences locales dans le monde des affaires.

Intel USA's guide to "Working with Israelis." Photo credit: Edy Candel and Meir Dudai, courtesy of Israel21C.

Le manuel d'Intel USA du “Travail avec les Israéliens.” Crédit photo : Edy Candel et Meir Dudai, avec l'aimable autorisation d'Israel21C.

Dans une culture où le culot est une altitude plus qu'un affront, faire preuve de chutzpah est prisé, et là où une page entière du dictionnaire suffirait à peine à définir les nuances du mot “pigeon” (ce que personne ne veut être), une chose est sûre : les Israéliens jouent aux durs dans le milieu des affaires.

Meir Dudai, co-fondateur de Jifiti.com et participant à l'événement, a partagé un instantané du manuel sur Facebook. Son post est devenu viral, et Israel21C, lui-même créé [2] par deux chefs d'entreprise israéliens vivant aux USA, a repris le thème.

Ils racontent [3] :

Ceux qui ont publié le post ont ajouté des remarques sur les Israéliens qui aiment avoir sous la main de bonnes choses à grignoter, la probabilité d'hommes d'affaires l'oeil rivé à leurs smartphones pendant toute la réunion au détriment du contact visuel, et les codes vestimentaires décontractés de la culture high-tech (jeans, T-shirt, sandales).

… les gens de l'extérieur sont sûrement rassurés de savoir qu'il est presque impossible de commettre un faux pas de savoir-vivre des affaires en Israël.

Israël doit cette étiquette de “Nation Start-Up [4]” à un livre à succès de 2011 par Dan Senor et Saul Singer, qui cherchait la réponse à la question :

Comment est-ce possible qu'Israël– un pays de 7,1 millions d'habitants, qui n'a que 60 ans d'âge, entouré d'ennemis, en état constant de guerre depuis sa création, sans ressources naturelles– produise plus de start-ups que des grands pays, en paix et stables tels le Japon, la Chine, l'Inde, la Corée, le Canada et le Royaume-Uni ?

Mapped In Israel [5], une cartographie collaborative du hi-tech israélien, recense 1.435 start-ups en Israël avec 65 centres de recherche et développement, et 56 incubateurs d'entreprises.

Uriel Peled, co-fondateur de la start-up Visualead, explore les raisons de la réussite économique israélienne dans un article de Tech In Asia intitulé “Pourquoi Israël est une nation start-up”. Parmi les composantes de l'écosystème du high-tech, il cite [6] les universités de classe mondiale, le financement public au stade précoce, le tutorat par les entrepreneurs de première génération, l'absence de ressources naturelles, et l'esprit pionnier.

Une infographie accompagnant l'article révèle la recette de l'entrepreneur israélien pour l'interprétation des règles du monde des affaires :

Certaines règles sont faites pour être contournées, d'autres pour être brisées.

Pour ceux non familiarisés avec les normes nationales sur le lieu de travail, Aylon Slater d'Israel Employ donne des conseils [7] aux nouveaux immigrants sur le déchiffrage des mots et du comportement :

Communication directe :
Les Israéliens par nature disent ce qu'ils pensent, et attendent des autres qu'ils communiquent de cette manière également. Ils peuvent donc être perçus comme sûrs d'eux et directs, ou à l'inverse, comme agressifs, arrogants, ou impolis.

Initiative :
Dans leurs actes et prises de décision, les Israéliens donnent par nature plus de valeur à l'esprit d'initiative qu'à l'attente de directives. Ils peuvent donc être perçus comme axés sur les résultats, ou à l'inverse, comme imprudents et hâtifs.

Improvisation :
Les Israéliens par nature prisent l'action rapide pour résoudre les problèmes, et tendent à choisir l'improvisation plutôt que la planification soignée et les procédures. Ils peuvent donc être perçus comme prompts à agir et très souples, ou à l'inverse, comme brouillons et désordonnés.

Katrina Jacobs, une immigrante britannique en Israël, illustre [8] comment la nature directe de la communication, même avec des inconnus, imprègne tous les milieux.

Les conversations avec les chauffeurs de taxi israéliens tendent à suivre une voie nettement plus personnelle avec des questions habituelles sur : vos raisons d'être en Israël, votre travail (et salaire), votre famille en Israël, votre statut marital (si vous n'êtes pas mariée, pourquoi, et si vous êtes mariée, mais pas enceinte, pourquoi aussi !). Ces questions ne sont pas perçues comme particulièrement indiscrètes ou choquantes… A beaucoup d'égards les Israéliens traitent chacun comme s'il était de la famille et les questions personnelles sont vues comme amicales, une preuve d'intérêt ou juste un sujet de conversation – rien de plus, rien de moins.

Sur Quora, un site collaboratif de questions-réponses, une discussion sous le titre “Pourquoi les Israéliens sont-ils si difficiles à manier?” fournit les avis les plus nuancés. Tissé d'humour et riche en anecdotes, ce forum [9] est dominé par des Israéliens familiers de la culture américaine, comparativement moins directe dans son langage des affaires.

Ariel Barkan va droit au but [10] (vous vous en doutiez) :

En tant qu'Israélien je voudrais dire quelque chose de plus sur ma façon de voir les choses. Souvent après avoir été au téléphone avec des entreprises américaines, je me fais la réflexion :  “Pourquoi il leur a fallu aussi longtemps pour dire ‘NON’ ?” ou “Si c'est ‘NON’ pourquoi faut-ils qu'ils l'enveloppent dans tellement de paroles positives ?”.

Sagiv Ofek rétorque [11] :

Un véritable Israélien répondra : La question n'est pas là. La vraie question devrait être : pourquoi les Américains sont-ils si susceptibles ?

Ohad Samet, qui a vécu 30 ans en Israël et est le PDG de la start-up TrueAccord, a la réponse la plus populaire de cette discussion, avec 30.000 vues. Il partage [12] un clip du psychologue Gal Szekely analysant “Be'Tipul,” un programme télévisé israélien qui a été repris sous le nom de “In Treatment” pour le marché américain. Le script de l'émission a été gardé tel quel sauf de subtiles différences de langage corporel et des indices verbaux adaptés aux contextes culturels respectifs.

Un autre participant à la discussion, Nate Anderson, indique [13] qu'il a été deux ans ambulancier en Israël pendant la seconde Intifada, une période de plusieurs années qui a débuté en 2000 et marquée par un pic de violences palestino-israéliennes. Il explique que travailler avec les Israéliens nécessite “un cuir un peu plus épais :- )”, et précise : “En Israël il est plus important d'être honnête et direct que de ménager un individu”.

Dans ce genre de société, la politesse feinte est en réalité injurieuse… Les Israéliens sont plus à l'aise si vous les traitez avec la même honnêteté familière que vous utiliseriez avec votre frère ou soeur. La bonne entente en Israël ne se mesure pas aux amabilités. C'est d'être assez à l'aise pour dire à quelqu'un qu'il est [un connard] s'il en est un, tout en sachant que vous pourrez compter dessus en cas de vraie nécessité.

Leah Zakh Aharoni, une consultante transnationale qui pratique la Russie, Israël et les Etats-Unis, décrit [14] comment la culture des affaires se développe à partir des valeurs de l'éducation des enfants, et ensuite, de l'interdépendance d'un pays où le service militaire est à la fois obligatoire et très prisé.

Les gens s'appuient les uns sur les autres pour émettre la critique. Si un enfant se conduit mal, quelqu'un (ami de parents ou total inconnu) va le reprendre, par sentiment de responsabilité envers lui. Cela ne dérange absolument personne. Dans l'armée tout est débriefé immédiatement. Pareil dans le monde de l'entreprise – les gens savent que s'ils font une erreur il y aura quelqu'un pour le leur dire.

En conclusion, si vous vous demandez comment Intel — auteur du manuel qui a lancé cette discussion — se porte en Israël, pas d'inquiétude. Avec quatre centres de développement et deux usines, Intel occupe 10.000 salariés, et a annoncé en mars 2014 un plan d'expansion à 6 milliards de dollars.