Un pionnier allemand des libertés numériques accusé de “trahison de secret d'Etat”

Markus Beckedahl in 2014. Photo by Agnieszka Krolik via Wikimedia (CC BY-SA 4.0)

Markus Beckedahl durant le Wikimedia Salon en 2014. Photo Agnieszka Krolik via Wikimedia (CC BY-SA 4.0)

Markus Beckedahl, un militant de premier plan des libertés numériques, et Andre Meister, ainsi qu'une “personne inconnue” sont sous enquête pour “trahison de secret d'Etat”, et accusés d'avoir publié des documents détaillant les projets de surveillance de l'internet national en Allemagne.

Ces deux blogueurs ont reçu une lettre officielle du Procureur général de l'Allemagne, les informant qu'il avait “mandaté une enquête criminelle pour des soupçons de trahison de secret d'Etat contre (les accusés) aux termes du code pénal allemand (§§ 94 Abs. 1 Numéro 2, 25 Abs. 2, 53)  après dépôt d'une plainte au pénal par l'Office fédéral pour la protection de la Constitution.”

Netzpolitik.org est un site d'investigation allemand où plus de trente auteurs couvrent principalement les questions de la surveillance d'internet et de la protection de la vie privée depuis 2004. Le site a reçu le prix Grimme Online Award en 2014. Markus Beckedahl est également le co-fondateur et l'un des directeurs de la conférence annuelle allemande Re:Publica à Berlin,  qui a pour thèmes les libertés numériques et la culture.

Sur le site, netzpolitik.org a annoncé:

Aujourd'hui, nous avons reçu une lettre du bureau du Procureur général de l'Allemagne confirmant que des enquêtes sont en cours contre nos reporters   Markus Beckedahl, Andre Meister et une “personne inconnue”. Ils sont soupçonnés de trahison de secret d'Etat aux terme du Code pénal allemand.

Dans son communiqué, netzpolitik.org a condamné les enquêtes en cours comme une attaque contre la liberté de la presse :

Depuis le tout début, les accusations contre notre (nos) source(s) supposée(s) ont des visées politiques et ont pour but d'écraser le débat public nécessaire sur la surveillance de l'internet dans l'ère post Snowden. Les lanceurs d'alertes qui agissent pour l'intérêt public ont besoin d'être protégés et non d'être poursuivis pour “trahison de secret d'Etat”.  Mettre sous enquête le célèbre site netzpolitik.org comme complice dans des accusations de trahison de secret d'Etat est une attaque directe contre la liberté de la presse. Nous pensions que ce chef d'accusation n'avait plus cours depuis la décision de la Cour constitutionnelle sur l'affaire Cicero en 2007.

Ce chef d'accusation a en effet été utilisé pour la dernière fois contre un journaliste allemand en 1962. Le rédacteur en chef de Der Spiegel avait été accusé de trahison de secret d'Etat pour avoir publié des documents secrets sur les forces armées allemandes.

Les auteurs du site netzpolitik.org ont clairement fait savoir qu'ils ne se laisseraient pas intimider par les enquêtes en cours et qu'ils poursuivront leurs activités de journalistes indépendants et critiques :

Le Procureur général allemand doit abandonner l'enquête contre nous et nos sources supposées et enquêter au contraire sur des services secrets hors de contrôle qui généralisent la surveillance de masse sans débat public préalable.

L'enquête contre  netzpolitik.org a provoqué un tollé dans les médias et sur les médias sociaux allemands. #Landesverrat (#trahison) est immédiatement devenu un mot Tendance en Allemagne. De nombreux internautes expriment leur inquiétude.

##Landesverrat sous cadre, à côté du Prix Grimme et du Prix du “Journaliste de l'année 2014″.

La liberté de la presse est en danger en Allemagne (BBC).

Vous pourriez aussi appeler #Landesverrat (Trahison) le fait de mettre sous surveillance les citoyens. Vous pourriez.

Vous pourriez aussi appeler #Landesverrat (Trahison) le fait de mettre sous surveillance les citoyens. Vous pourriez.

“Punissez-en un pour faire obéir des centaines d'autres”.

‘Punissez-en un pour faire obéir des centaines d'autres”.

L’Association de la presse allemande a également vivement critiqué cette enquête judiciaire. Michael Konken, président de l'Association des journalistes allemands, a déclaré : “Les enquêtes contre ces deux journalistes montrent que le Bureau de la protection de la Constitution n'a rien appris sur la liberté d'expression”. Il assure qu'à ses yeux les deux auteurs ont simplement livré des informations d'intérêt public que la population est en droit de connaitre. Il demande au Procureur général de clore immédiatement cette enquête.

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