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Pérou : premières archives numériques pour la langue Nomatsigenga

Catégories: Amérique latine, Pérou, Arts et Culture, Langues, Médias citoyens, Peuples indigènes, Rising Voices

 

Imagen usada com permiso del proyecto.

Un membre du peuple indigène nomatsigenga. Image utilisée avec autorisation.

Les nomatsigenga [1] [nomatsi'geŋa] comme on prononce ce mot dans cette langue, sont un peuple qui vit dans 33 communautés de la vallée de Pangoa, dans le centre de l'Amazone péruvienne et dont la langue est en danger de disparition. Pour Alexandra Aikhenvald [2], linguiste spécialisé dans les langue amazoniennes, elle appartient à la branche ethnolinguistique Kampa, qui fait elle même partie de  la famille Arawak.*

Cette grande richesse culturelle qui recouvre des savoirs multiples est en voie de disparition. Pour la protéger, on a créé le Portail numérique de la culture et de la langue Nomatsigenga, comme on le précise sur le site Nomatsigenga [3] :

[…] la première archive numérique créé de façon conjointe et participative dans le but d'enregistrer, de rendre visible et faire perdurer la langue et la culture de notre peuple. Cette initiative est le résultat d'une collaboration entre les membres du peuple nomatsigega, le projet Documentation de la langue  Nomatsigenga (DLN), l'organisation KANUJA, Firebird Foundation et le Ministère de la Culture.

Global voices en a discuté avec Gerardo Manuel García, directeur du projet.

Global Voices (GV): Comment est né le projet d'archive numérique et quelles étapes ont été franchies à ce jour vers la matérialisation du projet ?

Gerardo Manuel Garcia (GMG): Lorsque les scientifiques font, sur le terrain, un travail d'investigation et de collecte, ils enregistrent l'information dans une langue indigène. Dans le meilleur des cas, ils conservent l'information dans un lieu contrôlé par une institution basée à l'étranger, comme par exemple  les Archives des langues indigènes de l'Amérique latine  [4]de l'université du Texas ou le Catalogue Dobes [5]. L'inconvénient de  ce système est que la communauté des locuteurs de cette langue n'a pas accès aux vidéos, audios et photographies du chercheur. Nous avons donc eu l'idée de proposer des archives numériques d'accès libre pour que les locuteurs de ces langues se les approprient et puissent les actualiser avec des informations issues de leur peuple. C'est ainsi qu'est née début 2015 le Conservatoire numérique de la culture et de la langue Nomatsigenga [3].

GV:  Que pouvez-vous nous dire sur cette langue ?

GMG: Pour l'UNESCO, le nomatsigenga  est en danger d'extinction, seulement 8000 personnes l'utilisent dans la forêt centrale du Pérou, dans le département de San Martín de Pangoa [6], province de Satipo [7], région Junín [8]. C'est pour cela que nous avons décidé de créer une base de documentation sur cette langue en recueillant des mythes, des légendes, des chansons, des contes, des discours, des autobiographies, pour créer une archive numérique où sauvegarder des informations  allant de la tradition orale à la médecine traditionnelle. Le conservatoire numérique de la culture et de la  langue Nomatsigenga est le produit d'un travail en commun réalisé par le Projet de documentation de la langue Nomatsigenga, les communautés natives, l'organisation indigène KANUJA, le ministère de la culture, la municipalité de San Martín de Pangoa et l'appui financier de la fondation Firebird.

GV: En quoi consiste la participation à ce projet des jeunes nomatsigengas?

GMG: Les locuteurs des langues amazoniennes sont, en majorité, des jeunes, et la langue nomatsigenga ne fait pas exception à cette règle. Dans ce projet sont directement investis des jeunes comme María Manay Chimanga et Magadalena Chimanga Chanqueti. En participant à cette collecte d'informations traditionelles sur leur peuple, ils se sont retrouvés eux-mêmes. Ils estiment que “Les savoirs sont en train de mourir et les connaissances, la langue, meurent avec eux, c'est pour cela que nous devons les recueillir et les conserver”.

De la même manière, on trouve les soeurs Guisenia et Herlinda Rodríguez de la communauté de Mazaronquiari qui enrichissent le projet en conversations et propositions. La participation active de jeunes est un élément très imprtant car ils seront un stimulant pour que d'autres jeunes enrichissent aussi la documentation sur leur langue et leur culture.

GV: Quelle est leur principale activité économique?

GMG: les nomentsingas sont en majorité des agriculteurs et commercialisent surtout du cacao et du mais.

GV: A propos de cet archivage, où en est-on et comment peut-on le consulter?

GMG: Les Archives Nomatsigenga [9], qui sont en cours de réalisation, ont été amplifiées. Plus on a de contacts avec les diverses communautés nomatsigenga de Pangoa qui sont près de 36, plus ont découvre des différences linguistiques et culllturellles entre les villages. C'est pour cela que notre archivage est toujours en cours de réalisation. Pendant cette gestation, des documents audiovisuel a été produit, voici pour exemple une vidéo illustrant une rencontre entre les peuples Nomatsigenga et Ashaninka [10].

GV: Merci beaucoup Geraldo!

*Note du traducteur : il y a quelques centaines d'Arawaks en Guyane française, au village de Sainte Rose de Lima, dans le prolongement de la piste de l'aéroport Félix Eboué à Cayenne. J'ai moi-même rencontré en 2008-2009 une famille Arawak vivant très humblement en bordure de la Nationale 1 dans l'ouest guyanais. Nous avons sympathisé. Seuls les grands-parents connaissaient encore la langue Arawak, tous les autres utlisaient entre eux le Sranantongo, la lingua franca du Maroni et du Surinam.