[Liens en anglais sauf mention contraire]
L'original de cet article de Elizabeth Royte a été publié sur Ensia.com, un magazine qui regroupe les solutions internationales environnementales en action, et est republié ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu. Il a été produit en collaboration avec le Food & Environment Reporting Network, une organisation non-gouvernementale de journalisme d'investigation.Au milieu du printemps, les plates-bandes presque dénudées des Rising Pheasant Farms (“Fermes du faisan prometteur”) de Carolyn Leadley, dans le quartier Poletown de la ville américaine de Détroit, annoncent à peine l'abondance à venir. Passeront plusieurs mois avant que Carolyn Leadley puisse vendre la production [des 810 mètres carré] (un cinquième d'acre) de sa parcelle. Mais la jeune agricultrice affable est rarement restée inactive, même pendant les jours les plus neigeux de l'hiver. Deux fois par jour, elle a marché de sa maison jusqu'à sa petite serre située sur le côté de son jardin, où elle a agité sa lance d'arrosage sur environ 100 plateaux de pousses et verdurettes. Elle vend cette abondance miniature, toute l'année, au marché de l'est de la ville et aux restaurants ravis d'incorporer quelques feuilles vertes hyper-locales aux assiettes de leurs clients.
Leadley est un acteur-clé de la vibrante communauté communale et agricole de Détroit qui a produit en 2014 près de 180000 kg (400 000 livres) de produits — suffisamment pour nourrir 600 personnes — dans les plus de 1300 jardins communautaires, maraîchers, familiaux et scolaires. D'autres fermes de villes américaines post-industrielles sont aussi prolifiques : en 2008, les 226 jardins communautaires et squattés de Philadelphie ont fait poussé environ 900 tonnes (2 millions de livres) de légumes estivaux et herbes aromatiques, pour un valeur de 4,9 million de US dollars. A fond, la Added-Value Farm de Brooklin qui occupe 1,1 hectare, a fourni 18 000 kg de fruits et légumes dans la banlieue à faibles revenus de Red Hook. Et à Camden, dans le New Jersey – une ville extrêmement pauvre de 80,000 habitants avec seulement un supermarché multi-services – les jardiniers communautaires répartis sur 44 sites ont récolté presque 14,000 kg de légumes durant un été exceptionnellement humide et froid. Cela représente assez de nourriture pendant la période de croissance pour nourrir 508 personnes avec trois repas par jour.
Que les chercheurs se préoccupent de quantifier les quantités de nourriture produite par de toutes petites fermes citadines — que ce soit des jardins communautaires, tels que ceux de Camden et Philly, ou des opérations sans but lucratif, comme celle de Leadley – est un témoignage pour le mouvement de nourriture locale naissant et ses supporters affamés de chiffres. De jeunes agriculteurs sont de plus en plus nombreux à planter des jardins maraîchers dans les villes, et la production “locale” (un terme sans définition formelle) occupe maintenant des étales dans tous les Etats-Unis, de Walmart à Whole Foods, et est mis en avant dans plus de 150 pays dans le monde.
Avantages urbains
Comme tous ceux qui cultivent dans une ville, Carolyn Leadley parle avec éloquence de la fraîcheur de ses produits. Les pousses de pois mange-tout qui ont voyagé 4.8 km (3 miles) pour agrémenter une salade sont dits plus savoureux et nutritifs, dit-elle, en comparaison à ceux qui ont voyagé un demi-continent ou plus. “Un des restaurants que je livre achetait des pousses provenant de Norvège”, explique Leadley. Les aliments plus frais durent également plus longtemps sur les étals et dans les réfrigérateurs, réduisant ainsi les déchets.
La nourriture cultivée et consommée dans les villes a d'autres avantages : durant les périodes d'abondance, elle coûte moins cher que dans les supermarchés dont les produits viennent de loin, et durant les périodes d'urgence — quand les réseaux de transport et de distribution sont interrompus — elle peut combler un vide végétal. A la suite d'importantes tempêtes telles que l'ouragan Sandy et les blizzards de l'hiver précédent, explique Viraj Puri, cofondateur du Gotham Greens basé dans la ville de New-York (qui produit plus de 300 tonnes [272 tonnes metriques] d'herbes et légumes feuillus par an sur deux opérations hydroponiques sur des toits et a une autre ferme en projet à Chicago), “nos produits était les seuls produits sur les étales de beaucoup de supermarchés de la ville.”
Malgré leur relative petite taille, les fermes urbaines cultivent des quantités étonnantes de nourriture, avec des rendements qui souvent surpassent ceux de leurs voisins ruraux. Ceci est possible pour plusieurs raisons. Premièrement, les fermes des villes ne subissent pas une forte pression des insectes, et n'ont pas affaire à un chevreuil ou des marmottes affamés. Deuxièmement, les agriculteurs urbains peuvent parcourir leurs parcelles en quelques minutes, au lieu de quelques heures, résolvant les problèmes dès leur apparition et récoltant leur production à son optimum. Ils peuvent aussi planter à une densité supérieure puisqu'ils cultivent manuellement, nourrissent leur sol plus fréquemment et gèrent de près les applications d'eau et de fertilisants.
Entreprises sociales, les jardins communautaires opèrent dans un univers financier alternatif : ils ne se maintiennent pas grâce aux ventes et ne nécessitent pas de payer des employés.
Même s'ils n'ont pas autant d'attention de la presse que les fermes à but lucratif et les opérations sur toits lourdement capitalisées, les jardins communautaires — qui sont entretenus collectivement par la population sur des parcelles individuelles ou partagées de terrains publics ou privés, et qui existent dans les villes américaines depuis bien plus d'un siècle — sont la forme la plus commune de l'agriculture urbaine du pays, produisant réunis bien plus de nourriture et nourrissant plus de monde que leur contreparties commerciales. Entreprises sociales, les jardins communautaires opèrent dans un univers financier alternatif : ils ne se maintiennent pas grâce aux ventes et ne nécessitent pas de payer des employés. A la place, ils s'appuient sur une jeune main d'oeuvre volontaire et bon marché, ils paient très peu ou rien de loyer, et ils sollicitent l'aide extérieure des programmes gouvernementaux et des fondations qui encouragent leurs missions sociales et environnementales. Celles-ci incluent la formation professionnelle, l'éducation à la santé et à la nutrition, et l'augmentation de la résilience de la communauté au changement climatique en absorbant les eaux des orages, contrebalançant l'effet d'ilôt thermique urbain et transformant les déchets alimentaires en compost.
Les fondateurs ne s'attendent pas nécessairement à ce que les jardins communautaires deviennent auto-suffisants. Ces fermes peuvent augmenter leurs flux de recettes en vendant à des marchés fermiers ou à des restaurants, ou ils peuvent également collecter de l'argent des restaurants ou d'autres générateurs de déchets alimentaires pour la récupération des résidus qu'ils transforment en compost, explique Ruth Goldman, un agent du programme du Fond Merck Family, qui finance des projets d'agriculture urbaine. “Mais les marges sur la culture maraîchère sont très faibles, et comme ces fermes font de l'éducation communautaire et forment des leaders adolescents, elles ne peuvent opérer dans l'illégalité.”
Il y a quelques années, Elizabeth Bee Ayer, qui jusqu'à récemment gérait un programme de formation pour les agriculteurs urbains, examina les betteraves qui poussaient à sa Youth Farm (“Ferme des Jeunes”), dans les jardins Lefferts dans le voisinage de Brooklyn. Elle compta les mouvements de mains nécessaires à la récolte des racines et les minutes passées à les laver et à les préparer pour la vente. “Des détails peuvent causer la réussite ou l'échec d'une ferme,” Ayer explique. “Nos betteraves coûtent 2.50 US Dollar pour une botte de quatre, et les gens du voisinage les adorent. Mais nous perdons 12 cents sur chaque betterave.” Dernièrement, Ayer a décidé de ne pas augmenter le prix : “Personne ne les auraient achetées,” dit-elle. A la place, elle a doublé le callaloo, une herbe des Caraïbes qui coûte moins cher à produire et est vendu assez cher pour couvrir les betteraves. “Les gens adore ça, ça pousse comme de la mauvaise herbe, ça demande peu de maintenance et très peu de main d'oeuvre.” Finalement, elle explique, “Nous sommes sans but lucratif et nous ne voulons pas faire de profit.”
Durable et résilient
Peu s'opposeront à Ayer pour sa promotion, mais de telles pratiques peuvent miner les fermes urbaines à but lucratif qui luttent déjà pour rivaliser avec les agriculteurs régionaux sur les marchés urbains bondés et avec les produits à bas prix envoyés de Californie ou du Mexique. Leadley, de Rising Pheasant Farms, s'est rendu compte depuis longtemps qu'elle ne survivrait pas en vendant seulement des légumes de son potager extérieur, c'est pourquoi elle a investi dans une serre couverte de plastique et un système de chauffage. Ses minuscules pousses, feuilles d'amarante et choux-raves poussent toute l'année; elles croissent rapidement — en été, Leadley peut faire une récolte après sept jours — et elles se vendent pour plus de un dollar l'once [28g].
Désignant de la tête la parcelle derrière elle, Leadleys explique, “Je cultive ses légumes parce qu'ils ont une belle apparence sur le stand de la ferme. Ils attirent plus de clients à notre table, et j'aime vraiment cultiver dehors.” Mais ce sont les verdurettes qui évitent à Leadley de rejoindre les rangs de la vaste majorité des agriculteurs américains qui ont un second emploi.
Mchezaji Axum, un agronome de l'Université du District de Columbia (DC), la première université du pays exclusivement située dans une zone urbaine, aide les agriculteurs urbains à augmenter leurs rendements, qu'ils vendent sur des marchés plus riches comme Leadley, ou sur des marchés pauvres comme Ayer. Il promeut l'utilisation de variétés de plantes adaptées aux conditions urbaines (maïs de petite taille qui produit quatre épis au lieu de deux, par exemple). Il recommande aussi des méthodes biointensives, comme de planter en forte densité, les cultures intercalaires, l'application de compost, la rotation des cultures et l'emploi de méthodes d'extension des saisons (cultiver des légumes tolérant au froid tels que le chou frisé, les épinard ou les carottes dans des tunnels-abris à armatures à arceaux, par exemple, ou planter au départ dans une structure anti-froid — des boîtes avec des couvercles transparents qui laissent passer la lumière du soleil mais protègent les plantes du froid extrême et de la pluie).
“On apprend à améliorer la santé de son sol, et comment espacer les plantes pour qu'elles reçoivent plus de rayons du soleil”, explique Axum. Etudiant les résultats des jardins communaux de DC [District of Columbia], Axum a été surpris par la quantité si petite qu'ils cultivent réellement. “Les gens n'utilisent pas bien leur espace. Plus de 90 pourcents ne produisent pas de manière intensive. Certains souhaitent seulement cultiver et qu'on les laisse tranquilles.”
“Utiliser des méthodes biointensives peut ne pas faire partie de votre tradition culturelle”, dit Laura J. Lawson, professeur d'architecture paysagère à l'Université de l'état de Rutgers et auteur de “City Bountiful: A Century of Community Gardening in America” [Ville abondante : Un siècle de jardinage communautaire en Amérique]. “Cela dépend de qui vous a appris à jardiner.” Lawson rappelle l'histoire d'un visiteur bien intentionné au jardin de Philadelphia qui a suggéré aux cultivateurs que leur maïs était planté dans un endroit qui n'était pas idéal pour la photosynthèse. Les femmes expliquèrent à leur visiteur, “Nous le plantons toujours ici; ainsi, nous pouvons faire pipi derrière.”
Axum se préoccupe d'agrandir et de rassembler la nourriture hyper-locale pour répondre à la demande des gros acheteurs tels que les écoles de la ville, les hôpitaux ou les épiceries. Vendre aux institutions proches, disent les Conseils de politique alimentaire — établis par les associations et les gouvernements locaux pour renforcer et soutenir les systèmes alimentaires locaux — est la clé pour rendre les systèmes alimentaires urbains plus durables et résilients, sans parler de fournir un revenu aux cultivateurs locaux. Mais agrandir demande souvent plus de terres, et donc des coûts de main d'oeuvre supérieurs pour les cultiver, en plus des changements dans l'utilisation des terres locales et autres réglementations, expertise marketing et réseaux efficaces de distribution.
“De nombreuses institutions locales souhaitent acheter leur nourriture ici,” explique l'agriculteur de Détroit Noah Link, dont Food Field, une installation commerciale, inclut un jeune verger, de vastes zones de plates-bandes, deux serres-tunnels solidement enveloppées de [45 mètres] (150 pieds) de long (l'une d'elle abritant un long et étroit circuit rempli de poissons-chats), des poulets, des ruches et assez de panneaux solaires pour alimenter le tout. “Mais les agriculteurs locaux ne produisent pas encore assez. Il nous faudrait un agrégateur pour mettre tout ensemble et vendre en vrac.”
Link ne cultive pas de verdurettes — la sauce secrète pour tant d'installations commerciales — parce qu'il peut compter sur les volumes : son exploitation occupe un pâté de maison entier. Annie Novak, qui a co-fondé la première ferme sur toit sans but lucratif de la ville de New York en 2009, n'a pas le luxe de l'espace. Elle a réalisé très tôt qu'elle ne pourrait pas cultiver une variété suffisante de produits pour satisfaire les clients de l'agricuture soutenue par la communauté sur seulement [540 mètres carré] (5,800 pieds carré) de plate-bandes surélevées et peu profondes. “Je me suis donc associée avec une ferme capable de compléter et diversifier les boîtes,” explique-t-elle. Actuellement, Novak se focalise sur des produits de niche et à valeur ajoutée. “Je fabrique et vends une sauce épicée avec mes piments,” dit-elle. Elle cultive également des verdurettes pour les restaurants plus du miel, des herbes, des fleurs et “des cultures intéressantes telles que les carottes violettes, ou les tomates patrimoniales, qui nous donnent l'opportunité de transmettre aux gens la valeur de la nourriture, des espaces verts et de notre connection à la nature,” explique-t-elle.
Parfois une sélection stratégique des produits agricoles ne suffit pas. Brooklyn Grange, une ferme sans but lucratif située sur deux toits de la ville de New York, cultive plus de 23 000 kg de tomates, choux frisés, laitues, carottes, radis et pois, entre autres, chaque année. Elle les vend à travers son CSA [Community Supported Agricuture], aux stands de la ferme et dans les restaurants locaux. Mais pour augmenter encore ses revenus, Brooklyn Grange propose également un programme de formation durant tout l'été pour les apiculteurs (au prix de 850 US Dollars), des cours et des séjours de yoga, et elle loue ses espaces de jardin d'Eden, qui ont des vues de millions de dollars sur les tours de Manhattan, pour des séances photos, des mariages, des dîners privés et autres évènements.
“Les fermes urbaines sont comme de petites fermes dans les zones rurales,” explique Carolyn Dimitri, économiste appliqué qui étudie les systèmes alimentaires et les réglementations alimentaires à l'Université de New York. “Elles ont le même ensemble de problème : les gens ne veulent pas payer trop pour leur nourriture et la main d'oeuvre est chère. Elles doivent donc vendre des produits à haute valeur ajoutée et proposer de l'agro-tourisme.”
Sous contrôle
Un jour triste de mars, avec une fine couche de glace luisante au-dessus de [30 cm] (un pied) de neige souillée, un groupe d'agriculteurs urbains de Chicago travaille en manches courtes et salopettes, les ongles apparemment propres. Dans leurs jardins, pas de déchets de métal ou de bois dans les coins, pas d'égratignure de poulet dans le sol des serres-tunnels. En fait ces agriculteurs n'utilisent pas de terre du tout. Ils ont densément planté des pousses de feuilles de basilic et de roquette dans un milieu de culture à l'intérieur de bacs à barre-codes. Ces bacs sont posés sur des étagères empilées sur [3.7 mètres] de haut (12 pieds) illuminées, comme des cabines de bronzage, par des lumières violettes et blanches. Bourdonnement de ventilateur, gargouillis d'eau, lueur d'écran d'ordinateur.
FarmedHere, le plus important acteur de l'agriculture en milieu contrôlé des Etas-Unis produit environ 500 000 kg par an de pousses de jeunes salades, basilic et menthe dans son entrepôt de 8 000 mètres carrés dans la banlieue industrielle de Chicago. Comme beaucoup d'opérations hydroponiques ou aquaponiques (dans lesquelles, l'eau de bassins à poissons nourrit les plantes qui filtrent l'eau, avant qu'elle ne retournent aux poissons), la ferme donne une impression futuriste — tout en lumières éclatantes et acier inoxydable. Les employés portent des filets à cheveux et des gants de nitrile. Mais, à l'abri des interférences de la météo, des insectes ou même de trop de personnes, la ferme a rempli rapidement et de manière fiable des contrats sur toute l'année avec des supermarchés locaux, y compris 50 [magasins de la chaîne de supermarché] Whole Foods Markets.
“Nous ne pouvons répondre à la demande” explique Nick Greens, un DJ devenu responsable de production.
A la différence des fermes en extérieur, l'agriculture en milieu contrôlé n'a pas besoin de pesticides et ne rejète pas de nitrogène dans les eaux usées. Son système d'irrigation en circuit fermé consomme 10 fois moins d'eau que des systèmes conventionnels. En plus, avec 25 récoltes à haute-densité par an, contre environ 5 pour les exploitations conventionnelles, l'agriculture en milieu contrôlé obtient un rendement 10 à 20 fois supérieur que pour la même culture produite en extérieur — épargnant en théorie forêts et zones humides de la transformation en zones agricoles.
L'agriculture hors-sol est-elle le futur de l'agriculture urbaine ? Certes, elle produit beaucoup de nourriture dans un petit espace. Mais à moins d'économies d'échelle, ces exploitations — dont la construction et la maintenance nécessite des capitaux importants — doivent se concentrer exclusivement sur les cultures à forte valeur telles que les verdurettes, les tomates d'hiver et les herbes aromatiques.
La réduction de la distance des zones de productions alimentaires réduit les coûts relatifs au transit, de même que les émissions carbonées associées au transport, aux emballages et à la réfrigération. Cependant, la croissance en intérieur sous des lampes, avec chauffage et réfrigération alimentés par des énergies fossiles, peut annuler ces bénéfices. Louis Albright, professeur émérite d'ingénieurie biologique et environnementale de l'Université de Cornell, a étudié les chiffres et conclut qu'un système agricole fermé coûte cher, consomme beaucoup d'énergie et, sous certaines latitudes, ne peut être maintenu en s'appuyant sur l'énergie solaire ou éolienne. La culture de [500g] (1 livre) de laitue hydroponique à Ithaca, New York, génère, d'après Albright, 4kg (8 livres) de dioxide de carbone à travers la centrale électrique locale.[500g] (1 livre) de tomates génèrerait le double. Cultiver cette laitue sans lumières artificielles dans une serre réduit les émissions des deux tiers.
Sécurité alimentaire
Dans pays les plus pauvres du monde, les citadins ont toujours cultivé pour leur subsistance. Mais aujourd'hui, ils sont plus nombreux que jamais. En Afrique sub-saharienne, par exemple, il est estimé que 40 pourcent de la population urbaine est impliquée dans l'agriculture. Anciens et nouveaux résidents repiquent comme à la ferme parce qu'ils ont faim, ils savent comment cultiver de la nourriture, la valeur des terrains des zones de banlieues est faible et les intrants tels que les déchets organique – fertilisant – sont bon marché. Un autre facteur est le prix de la nourriture : la population des pays en développement paie une part bien plus importante de leur revenu total pour la nourriture que les Américains, et le manque d'infrastructure de transport et de réfrigération rend les denrées périssables, tels que les fruits et légumes, d'autant plus précieuses. En se focalisant sur ces cultures à haute valeur, les agriculteurs urbains se nourrissent eux-mêmes et en même temps perçoivent des revenus supplémentaires.
Aux Etats-Unis, l'agriculture urbaine aura probablement son impact le plus marquant en terme de sécurité alimentaire dans les zones qui, d'une certaine manière, ressemblent au “Grand Sud” — c'est-à-dire, dans les villes ou banlieues où les terrains sont peu chers, le revenu moyen bas et le besoin de nourriture fraîche important. Détroit, selon ce mode de mesure, est un sol particulièrement fertile. Michael Hamm, professeur d'agriculture durable à l'Université de l'Etat du Michigan, a calculé que la ville, qui possède juste un peu moins de 700,000 habitants et plus de 100,000 terrains vacants (la plupart d'entre eux pouvant être acheté pour moins du prix d'un réfrigérateur, grâce à la faillite récente de la ville), pourrait cultiver les trois quarts de sa consommation actuelle de légumes et près de la moitié de sa consommation de fruits sur les parcelles disponibles en utilisant des méthodes biointensives.
Personne ne s'attend à ce que les fermes urbaines aux Etat-Unis ne remplacent les exploitations maraîchères péri-urbaines ou rurales : les villes n'ont pas la surface ou les cultivateurs formés, et la plupart ne peuvent pas du tout produire de la nourriture tout au long de l'année. Cependant, les fermes urbaines pourraient-elles prendre une bouchée des chaînes d'approvisionnement longue-distance ? Dimitri de l'Université de New York ne le pense pas. En tenant compte de la taille et de la nature globale de l'approvisionnement alimentaire du pays, elle pense que l'agriculture urbaine dans les villes américaines “est tout à fait insuffisante. Et elle est complètement inefficace économiquement. Les agriculteurs urbains ne peuvent appliquer les tarifs qu'ils devraient, et ils sont trop petits pour profiter des économies d'échelle et utiliser leurs ressources de manière plus efficace.”
Cela ne signifie pas que les jardins communautaires, qui n'essaient même pas d'être rentables, n'apportent pas une importante contribution dans les communautés alentours. Les 14,000 kg de produit de Camden ne semble pas grand chose, mais c'est très important pour les chanceux qui réussissent à les récupérer. “Dans les communautés pauvres où les ménages gagnent très peu”, explique Domenic Vitiello, professeur associé en aménagement urbain et régional de l'Université de Pennsylvanie, “quelques milliers de dollars de fruits et légumes produits dans le jardin apportent beaucoup plus que pour des ménages aisés.”
L'histoire nous montre que les jardins communautaires – soutenus par des individus, des organisations gouvernementales et associatives – sont là pour durer. Et qu'il s'agisse finalement pour ces jardins de produire plus de nourriture ou plus de savoir sur l'alimentation – son origine, ce que suppose de la produire, comment la préparer et la manger – ils ont toujours une valeur énorme en tant que lieux de rencontre et salles de classe et aussi comme liens entre la population et la nature. Que cultiver des fruits et légumes dans des espaces urbains minuscules aie du sens ou non sur le plan économique ou de sécurité alimentaire, les gens qui souhaitent faire pousser de la nourriture en ville trouveront une manière de le faire. Comme le dit Laura Lawson, “les jardins urbains font partie du sentiment idéal de ce que doit être une communauté. Et de ce point de vue, leur valeur est inestimable.”