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Grèce : la solidarité des gens ordinaires envers les réfugiés

Catégories: Europe de l'ouest, Grèce, Action humanitaire, Cyber-activisme, Droits humains, Guerre/Conflit, Média et journalisme, Médias citoyens, Réfugiés
Piraeus, Greece. 21 August 2015 -- Syrian refugees, 2.176 in total, arrive at Piraeus harbor aboard the Eleftherios Venizelos, a special vessel chartered by the Greek government. Photo by Wassilis Aswestopoulos. Copyright Demotix [1]

Le Pirée, Grèce, 21 aout 2015 – Des réfugiés syriens (2176 au total) arrivent au port du Pirée sur le Eleftherios Venizelos, un bateau spécialement affrété par le gouvernement grec. Photo Wassilis Aswestopoulos. Copyright Demotix

La Grèce devient le principal point d'entrée en Europe des réfugiés fuyant la guerre dans leur pays, surpassant l'Italie. [2] Mais le pays peine à faire face à cet énorme afflux, à un moment ou il n'a pas grand chose à offrir. Son économie reste sévèrement déprimée et suite à la démission du premier ministre Alexis Tsipras, les Grecs devront une fois de plus   voter pour élire leur parlement [3] – les quatrièmes élections organisées en moins de trois ans et demi.

En l'absence d'une politique européenne concertée pour les réfugiés, la Grèce ne peut guère compter sur ses voisins européens.

Presque 1000 vies humaines atteignent les cotes grecques chaque jour. 60% arrivent de Syrie selon l'agence des réfugiés des Nations Unies [4]. Les îles orientales et celles du nord de la mer Egée, Kos, Kalymnos, Leros, Chios et Lesbos sont devenues le refuge temporaire de milliers de personnes arrivant à bord de canots de fortune.

Ces îles, dont certaines sont des destinations touristiques, n'ont pas les infrastructures nécessaires pour gérer tant de personnes. De plus, les habitants [5] ne sont pas toujours [6] d’humeur accueillante [7].

Quoi qu'il en soit, le deus ex machina in dans ce cas n'est pas le gouvernement, mais des habitants des iles et des militants venus de près ou de loin qui se charge de rassembler des vivres, des médicaments, des vêtements et des jouets, et d'autres biens de première nécessité pour les réfugiés. Beaucoup utilisent Facebook et Twitter (#refugeesGr [8]) pour faire campagne.

‘Je le leur dois’

Les anciens de ces îles sont nombreux à se souvenir de la Catastrophe de Smyrne [9] (actuellement Izmir en Turquie), car en 1922, un gigantesque incendie a poussé un nombre incalculable de réfugiés d'Asie mineure à fuir vers ces mêmes îles grecques. La grande majorité des habitants de ces îles sont les descendants de ces réfugiés.

Giorgos Tyrikos-Ergas, membre de l'ONG Agkalia (Hug), a posté sur Facebook le 20 aout un bref récit personnel  [10]de ce qu'il voit chaque jour en aidant les réfugiés qui accostent à Lesbos. Son post a été partagé 2 540 fois et compte plus de 5870 ‘j'aime” :

Nα βάζεις στο χέρι Σύρου πρόσφυγα πενήντα ευρώ και εκείνος να μη τα δέχεται με τίποτα λέγοντας “εγώ είμαι ένας, θα τα καταφέρω, δώσε τα σε μια οικογένεια”. Να συζητάς νύχτα στην Αγκαλιά που δεν έχει ρεύμα για την “Καρδιά του Σκότους” του Κόνραντ παρέα με Πακιστανό καθηγητή Αγγλικής Φιλολογίας από το Πανεπιστήμιο της Λαχώρης. Να σου απαγγέλλει νεαρός Αφγανός στίχους της Σαπφούς και να σου λέει πως λυπάται που ήρθε βρώμικος πρόσφυγας στο νησί της. […] Να σχολάει dj από τη νυχτερινή του βάρδια σε μπαρ, να τον πετυχαίνεις εφτά η ώρα το πρωί ξενύχτη και να σου δίνει εβδομήντα ευρώ, ο,τι έβγαλε ολόκληρο το βράδυ “για να βοηθήσω τους ανθρώπους” και να φεύγει χαμογελώντας κάνοντας και μια σούζα. […] Να έρχεται Έλληνας μετανάστης από Γερμανία και να σου λέει πεταχτά ενώ χάνεσαι πως θα πάει να προπληρώσει φρούτα και να καταλαβαίνεις πως σου πλήρωσε τα φρούτα όλου του επόμενου μήνα και βάλε και να μην ξέρεις καν το όνομά του να πεις ευχαριστώ. Να σου στέλνει μήνυμα ο Σύριος με την υπέροχη οικογένεια που πέρασε από την Αγκαλιά πριν ένα μήνα και να σου λέει “είμαστε Γερμανία, τα καταφέραμε, είμαστε ζωντανοί”. Είπα να μην κάνω άλλη ανάρτηση για αυτήν την εβδομάδα, μα τέτοια πράγματα αν δεν τα μοιραστώ θα σκάσω…Καταστάσεις που δεν είχαμε τη δύναμη να φανταστούμε. Αλήθεια δεν έχω δικαίωμα να μην πω τι ζούμε, τα καλά και τα κακά, δεν έχω το δικαίωμα.

Je tends à un réfugié syrien un billet de 50 euros et il le refuse, disant  “Je suis seul, je vais m'en tirer, donnez le plutôt à une famille”. J'ai parlé de “Au coeur des ténèbres” de Conrad avec un professeur pakistanais de littérature anglaise de l'université de Lahore pendant toute la nuit, dans (le bâtiment)  Agkalia, sans électricité. Un jeune Afghan a récité des vers de Sapho [11] et m'a dit qu'il était désolé de débarquer en réfugié sale. […] Un DJ qui finissait sa nuit dans son night-club, rencontré à 7 heures du matin, sans avoir dormi, et il vous donne 70 euros, sa paye de la nuit, pour “aider les gens”, et il vous quitte en souriant sur sa moto. […] Un Grec immigré en Allemagne vient vers vous et vous dit rapidement qu'il va pré-payer pour les fruits. Quelques minutes plus tard, vous comprenez qu'il a payé des fruits pour le mois entier, et vous ne connaissez même pas son nom pour le remercier. Recevoir un message d'un Syrien avec une famille merveilleuse qui est passé par Agkalia il y a un mois et apprendre que “nous sommes en Allemagne, nous avons réussi, nous sommes  vivants”. J'ai dit que je ne posterai rien d'autre cette semaine, mais je n'arrive pas à m'empêcher de partager ces choses…Nous n'avions pas le pouvoir d'imaginer de telles situations. Honnêtement, je n'ai pas de droit d'arrêter de raconter ce dont nous sommes témoins, bien ou mal, je n'ai pas ce droit.

Sa grand-mère, Eleni Pavlou, lui a parlé des liens entre sa famille et la Syrie. Giorgos a restitué ses souvenirs [12] au journaliste Anthi Pazianou du site d'information Efsyn:

Οι δικοί μου, πρόσφυγες στον Β’ Παγκόσμιο Πόλεμο στη Συρία, έζησαν γιατί επί έξι χρόνια βρήκαν ένα πιάτο φαΐ. Είμαι ζωντανή χάρη στην αλληλεγγύη τους. Δεν ξεχνώ, τους το χρωστώ και είμαι εδώ για να βοηθήσω.

Ma famille, des réfugiés en Syrie durant la Seconde guerre mondiale, ont réussi à survivre parce qu'ils ont eu “un plat à manger” durant ces six ans. Je suis vivant grâce à la solidarité (syrienne). Je n'oublie pas, je le leur dois et je suis là pour les aider.

L'ONG est actuellement gérée par quatre volontaires actifs, conduits par le prêtre Papa-Stratis, que l'on voit dans une courte vidéo, “Un bon Samaritain en Grèce” postée par l'Agence des réfugiés de l'ONU:

‘Ce n'est pas de la charité, c'est de la solidarité de tout le monde pour n'importe qui’

Toujours à Lesbos, un autre collectif citoyen a intensifié ses activités au camp de transit   Kara Tepe, qui abrite 3000 personnes et où la situation en juillet dernier  [13]était décrite comme  “particulièrement grave : jusqu'à ces derniers jours, il n'y avait que cinq toilettes et deux douches qui fonctionnaient”.

La cantine populaire “O Allos Anthropos” [14] (L'autre homme) distribue “De la nourriture gratuite pour tous”:

Le groupe a partagé une série de photos [18] sur leur page Facebook [19] avec ce court commentaire sur leur blog [20]:

Πολλοι το βλεπουν σαν φιλανθρωπια,αλλοι το βλεπουν σαν ελεημοσυνη,αλλοι σαν σισιτιο,αλλοι λυπουντε,αλλοι και τι να κανουμε,αλλοι βριζουν εγω ενα εχω να πω και ας διαφωνητε με αυτο.ΔΕΝ ΕΙΝΑΙ ΦΙΛΑΝΘΡΩΠΙΑ ΕΙΝΑΙ ΑΛΛΗΛΕΓΓΥΗ ΑΠΟ ΟΛΟΥΣ ΓΙΑ ΟΛΟΥΣ ΜΕ ΤΗΝ ΣΥΜΕΤΟΧΗ ΟΛΩΝ ΑΚΟΜΑΚΑΙ ΤΩΝ ΠΡΟΣΦΥΓΩΝ,ΕΙΝΑΙ ΣΕΒΑΣΜΟΣ ΑΠΟ ΟΛΟΥΣ ΓΙΑ ΟΛΟΥΣ ΚΑΙ ΕΙΝΑΙ ΚΑΙ ΑΓΑΠΗ ΑΟ ΑΝΘΡΩΠΟΥΣ ΓΙΑ ΑΝΘΡΩΠΟΥΣ ΧΩΡΙΣ ΔΙΑΚΡΙΣΕΙΣ ΣΤΟ ΧΡΩΜΑ,ΣΤΗΝ ΕΘΝΙΚΟΤΗΤΑ,ΣΤΗΝ ΘΡΗΣΚΕΙΑ.

Beaucoup voient ça comme de la charité, d'autres comme des aumônes donnés aux pauvres, d'autres comme une soupe populaire, certains sont désolés, d'autres disent qu'est-ce que nous pouvons faire, d'autres les maudissent. J'ai juste une chose à dire, même si vous n'êtes pas d'accord, ce n'est pas de la charité, c'est de la solidarité de tout le monde envers n'importe qui, tout le monde participe, même les réfugiés. C'est du respect de tout le monde pour n'importe qui. C'est aussi de l'amour pour son prochain, quelle que soit sa couleur de peau, son groupe ethnique ou sa religion.

‘Humanité et espoir n'ont pas de frontières nationales’

Sur l'île de Kos, les bénévoles de Symmaxia (“Coalition”) ont proposé leur aide [21]dans l'hôtel abandonné Captain Elias, qui sert de refuge pour beaucoup de réfugiés nouvellement arrivés ces dernières semaines :

Σήμερα Κυριακή οι εθελοντές της συμμαχίας μοίρασαν τρόφιμα στους περίπου 700 πρόσφυγες και παράτυπους μετανάστες που βρίσκονται στο καπετάν Ηλίας.
Ελπίζουμε σύντομα να ενημερωθούν και οι υπόλοιποι πρόσφυγες που βρίσκονται στο λιμάνι και πλέον όλοι να σιτίζονται μόνο στο ξενοδοχείο και να μην χρειάζεται να βρίσκονται σε πλατείες κοντά στο λιμάνι

Aujourd'hui, dimanche, les bénévoles de Symmaxia ont distribué de la nourriture à environ 700 réfugiés et immigrés au Captain Elias. Nous espérons que le reste des réfugiés actuellement au port seront informés, pour que tout le monde soit nourri à l'hôtel, il n'est pas nécessaire qu'ils restent dans les jardins publics près du port.

Channel 4 News, la chaine anglaise, invite sur Facebook [22] à “rencontrer l'infirmière britannique à la retraite qui aide dans la crise humanitaire croissante sur l'ile de Kos “:

A Thessalonique, deuxième ville de Grèce, le Mouvement de solidarité avec les réfugiés dit qu'il cherche à “assurer la sécurité alimentaire et des denrées de première nécessité pour les réfugiés [24]“. Lors des récents incidents violents contre les réfugiés à la frontière entre la Grèce et la Macédoine [25], des volontaires se sont rendus dans le village frontalier de Eidomeni pour distribuer de l'eau, de la nourriture, des vêtements et des objets de toilette.

Thessaloniki. We gather food, medicine and first aid items for #refugeesGr [8]

Thessalonique. Nous collectons de la nourriture, des médicaments et des produit de première nécessité pour les réfugiés.

Distribution des vivres aux réfugiés sur la frontière Macédoine-Grèce https://t.co/kQfQsQnBOB

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Environ 170 personnes qui ont cherché refuge le mois dernier dans le parc Pedion Areos à Athène ont maintenant été relogées au Centre d'hébergement des réfugiés de Elaionas. Beaucoup demandent l'asile dans d'autres pays européens et essaient de contacter des amis et parents qui sont déjà à l'étranger.

Dans ce centre, un enfant a illustré ce que c'est que traverser une mer pour un réfugié.  @epan_e_kinisi a partagé le dessin sur Twitter, un rappel que derrière les chiffres, il y a des milliers et des milliers d'êtres humains innocents, qui méritent qu'on les aide :

Dessin d'un enfant réfugié au centre d'hébergement de Elaionas. L'humanité et l'espoir n'ont pas de frontières.