Le logement social de Londres s'écroule

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Manifestation contre l'embourgeoisement de Brixton, 2013. Photo : John Lubbock

De 2013 à 2014, j'ai travaillé en tant qu'organisateur communautaire dans un quartier de logements sociaux dans le sud de Londres. Si vous n'avez jamais vu la pauvreté dans le “Premier Monde”, vous pensez probablement qu'être pauvre en Occident n'est pas un si gros problème. Vivre à Londres coûte cher. Si votre travail vous paye mal, il va vous falloir être incroyablement bien organisé et attentif à votre argent (en plus des travaux ménagers, de votre travail et de l'éducation de vos enfants) pour pouvoir payer toutes vos factures et obtenir les aides auxquelles vous avez droit.

Le vieux système de logement social de Londres est en train de s'effondrer. Depuis que le gouvernement Thatcher a encouragé les locataires à devenir propriétaires de leur logement social dans les années 80, le nombre de logements sociaux a chuté mais l'argent que le gouvernement a reçu de ces achats n'a pas été réinvesti dans la construction de nouveaux logements. Depuis cette époque, les gouvernements se sont basés sur l'hypothèse que le secteur privé pouvait répondre à cette demande.

Sauf que ce dernier en est incapable. Les entreprises privées veulent faire du profit, et les marges à court terme sur les logements sociaux sont faibles. A la place, la location privée a explosé et la facture des aides au logement avec elle. Au lieu de loger ces gens lui-même, le gouvernement transfère maintenant l'argent directement dans les poches des propriétaires. Certains politiciens ayant soutenu cette politique sont eux-mêmes propriétaires immobiliers.

Le coût de la vie s'élève à travers tout Londres, surtout pour les locataires et beaucoup, incapables de suivre, se sont retrouvés à vivre sous le seuil de pauvreté.  Cet effet a été exacerbé par l'impôt sur la sous-occupation des logements (“Bedroom Tax“), qui supprime 25 % d'une aide au logement d'un locataire de logement social si celui ou celle-ci vit dans un logement dont au moins deux pièces sont inoccupées. Lors d'une réunion publique à laquelle j'ai assisté à l'Hôtel de Ville de Brixton, une femme a ainsi expliqué comment ses aides avaient été réduites après qu'elle a été diagnostiquée d'un cancer en phase terminale, parce que sa fille avait quitté la maison pour aller à l'Université et qu'elle avait donc une chambre libre. Son association d'aide au logement lui a proposé un nouvel appartement dans une ville à plusieurs heures de Londres.

Ceci est en train d'arriver dans toute la ville, dans un mouvement que les gens appellent du “nettoyage social”. Alors que l'argent coule à flot dans les quartiers centraux de Londres, les gens aux revenus réduits sont poussés dehors quand de riches investisseurs achètent des propriétés dans ces quartiers. Parmi ces achats, beaucoup sont une forme de “réserve d'argent internationale” utilisés pour blanchir de l'argent. Ce problème est largement reconnu, comme dans le cas d'officiels étrangers douteux venant de dictatures partout dans le monde, qui enfouissent leurs gains mal acquis dans d'immenses portfolios immobiliers. La plupart de ces propriétés restent vacantes.

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Les murs humides d'un appartement de Clapham Park Estate, dans le sud de Londres. Photo : John Lubbock.

Les conséquences de l'embourgeoisement génèrent une colère en grande partie dirigée contre les autorités locales. Ceci frustre les élus locaux à qui j'ai parlé et pour qui cette colère se trompe de cible. Les mairies sont à court d'argent et doivent faire des choix douloureux, disent-ils. Et en l'absence de tout mécanisme de contrôle des loyers, les conseillers municipaux ne peuvent pas faire grand chose quand un quartier devient à la mode et que les loyers privés montent en flèche.

Il n'est donc pas surprenant que le Fonds Trussel, qui aide à gérer un réseau d'environ mille trois cent banques alimentaires dans le Royaume Uni (qui représente environ 40% des banques alimentaires du pays) ait vu une énorme augmentation du nombre de gens qui les utilisent. Selon Trussel, le nombre total d'utilisateurs des banques alimentaires qu'ils aident a augmenté de 25 899 en 2008-2009 à plus de un million en 2014-2015.

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Aujourd'hui, la compagnie d'électricité nPower travaille avec le Fonds Trussel pour fournir des bons aux gens vivant dans la pauvreté énergétique afin qu'ils puissent chauffer leur maison l'hiver. Les essais des banques énergétiques ont déjà aidé environ sept cent cinquante personnes qui avaient déjà été envoyées aux banques alimentaires. NPower considère cette initiative comme faisant partie de sa responsabilité d'entreprise et de l’Energy Company Obligation, sous laquelle il a dépensé soixante-cinq millions de livres sterling l'hiver dernier en travaux d'amélioration de l'isolation et de réparations de chaudières.

Mais cette aide n'est disponible que pour les locataires du secteur privé et les propriétaires. J'ai vu moi-même la façon dont la pauvreté énergétique affecte les gens vivant dans des logements sociaux à cause du coût élevé du chauffage d'appartements sans isolation. Souvent, les associations de logements privées veulent démolir les vieux immeubles pour construire de nouveaux appartements. Certains pourraient être vendus comme investissement locatif pour financer les unités à bas coût qu'elles sont obligées d'offrir. Les locataires sont des années sans savoir si ou quand leurs maisons vont être démolies ou s'ils seront relogés de façon adéquate. Logement, nourriture, pauvreté énergétique sont imbriqués et rendent les vies de ceux qui vivent dans la pauvreté insoutenable.

Le directeur du réseau de banques alimentaires du Fonds Trussel, Adrian Curtis, explique que l'objectif de son organisation n'est pas de remplacer les aides sociales, et que le Fonds cherche à influencer les politiques uniquement à travers la publication de données sur l'utilisation des banques alimentaires. Mais on peut vraiment se demander si le nouveau gouvernement conservateur est capable d'identifier, et encore moins de s'attaquer aux causes de la pauvreté. Leur politique actuelle consiste à continuer de vendre les logements sociaux et  espérer que le secteur privé construira davantage de “logements abordables”, qui peuvent coûter jusqu'à 80% du taux du marché immobilier.

Mais ceci ne serait pas d'une grande aide à tous ceux qui vivent dans des logements de mauvaise qualité. Le gouvernement du New Labour de Tony Blair avait promis un standard de “maisons décentes”, lequel imposait aux autorités locales de s'assurer que leurs logements sociaux atteignaient le niveau minimum en 2010. Cette promesse n'a jamais été tenue.

Si les gouvernements qui ont suivi s'étaient un tant soit peu préoccupés d'investir dans des logements à bas coût, il n'y aurait pas autant de gens à faibles revenus qui luttent pour payer leur loyer. Vivre à Londres coûte maintenant tellement cher que cette ville pourrait tout aussi bien être un parc d'attractions pour oligarques et afficher des pancartes avertissant que “Vous devez être riches pour entrer”.

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