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Sur la scène thaï des internautes, un “sit-in virtuel” contre le projet de passerelle internet unique

Catégories: Asie de l'Est, Thaïlande, Cyber-activisme, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Advox
From the Facebook page of “Citizens against Single Gateway” [1]

Tiré de la page Facebook de “citoyens contre la passerelle unique”

En Thaïlande le 30 septembre, plusieurs sites internets importants du gouvernement ont été rendus inaccessibles. Des internautes activistes s'étaient organisés pour que des dizaines de milliers [2] de personnes se connectent et actualisent leurs connexions jusqu'à ce que les sites se bloquent à cause d'une surcharge de trafic.

Ainsi les sites du quartier général des Forces Armées Royales Thaïlandaises, du Cabinet du Premier Ministre, du Centre des Opérations de la Sécurité Intérieure, du Ministère de la Technologie et des Communications et du Parlement ont été inaccessibles pendant plusieurs heures. Les activistes ont accompli ce qu'ils décrivent comme un acte de désobéissance civile pour protester contre le récent projet de création d'une passerelle d'accès unique à internet en Thaïlande.

Une passerelle qui permettrait de ‘contrôler les entrées d'informations’

Le public a eu la surprise d'apprendre l'existence de ce projet par la publication [3] d'un compte-rendu d'une réunion de Cabinet sur un site internet du gouvernement. Ce document [4] ne donne aucun détail sur le mécanisme de la passerelle unique, mais précise qu'une réforme est nécessaire pour ‘contrôler les sites internet indésirables et contrôler les entrées d'informations’.

La “passerelle” internet désigne l'infrastructure qui connecte le réseau internet thaïlandais au reste du monde. Depuis la dérégulation du secteur de l'informatique en 2006, la Thaïlande a mis en place 10 passerelles internet internationales, dont une seule appartient à l'état. Une passerelle unique réduirait le débit d'internet, et permettrait au gouvernement de surveiller et censurer plus facilement les contenus. Elle pourrait également peser lourd sur les limitations d'accès à internet en Thaïlande, problème particulièrement préoccupant depuis que, l'année dernière, le pouvoir politique est passé aux mains des militaires qui ont imposé une réglementation très stricte sur les médias [5]. Les manifestations sont interdites et toute critique du gouvernement soutenu par les militaires est sanctionnée par des sessions de “rajustement du comportement” [6].

Le projet de passerelle unique a été surnommé par les critiques le “grand pare-feu  de Thaïlande”, expression qui fait allusion à un programme [7] similaire qui existe en Chine.

Des milliers de personnes ont participé au ‘sit-in virtuel’

La manifestation en ligne qui a eu lieu était organisée [2] par les groupes Facebook Citoyens contre la passerelle unique [8] et Les amateurs de jeux vidéo reprennent le pouvoir [9], qui ont demandé aux internautes de se connecter tous ensemble sur une sélection de sites du gouvernement et de réactualiser continuellement leurs connexions jusqu'à ce  que les sites soient obligés de fermer leur accès en raison d'un trafic trop important.

Les organisateurs de la campagne précisent que l'un des objectifs est de prouver que la passerelle unique n'est pas dans l'intérêt des internautes thaïlandais:

Si le gouvernement n'est même pas capable de protéger ses propres sites internet des hackers, comment peuvent-ils prétendre mettre en place et gérer une passerelle d'accès internet unique à l'échelle de la Thaïlande?

Arthit Suriyawongkul, coordinateur de Thai Netizen Network (Réseau Internet Thaïlandais), qualifie la manifestation de “sit-in virtuel” [10] plutôt que d'attaque DDoS (déni de service):

Une attaque DDoS relève de la criminalité. Il est plus juste de parler de sit-in virtuel ou de blocage virtuel, qui est une forme de désobéissance civile électronique. Bien sûr, au sens propre, la désobéissance civile est illégale, mais cette illégalité a pour but de faire valoir des principes que les gens pensent être plus nobles.

Uttama Savanayana, le Ministre de la Communication et de la Technologie, a confirmé que le nombre de visiteurs sur le site de l'agence est passé de 6.000 visites quotidiennes à 100.000 mercredi soir. Uttama parle de la cyber manifestation comme d'une action symbolique et non d'un piratage criminel. Il insiste [11] aussi sur le fait que le gouvernement n'a pas de projets de censure d'internet:

Le gouvernement ne prévoit pas de mettre en place ces pratiques, mais les étudie uniquement pour préserver la jeunesse. Les gens  n'ont pas à craindre la disparition de la liberté d'internet.

Le gouvernement doit être plus explicite sur ses explications car de nombreux internautes ont déjà exprimé leurs préoccupations sur l'impact négatif du mécanisme de passerelle unique. A l'heure où nous écrivons cet article, plus de 142.000 personnes ont déjà signé [12] la pétition en ligne “Opposez vous à l'utilisation d'une passerelle internet unique par le gouvernement thaï” sur Change.org.

#SingleGateway (Passerelle Unique): que disent les tweets

Le hashtag  #SingleGateway [13] a beaucoup été utilisé en Thaïlande pendant la cyber-manifestation. Certains tweets accusent le gouvernement de ne pas être convaincant sur les raisons qui l'incitent à poursuivre le projet:

Ils ont d'abord dit que #singlegateway [14] (la passerelle unique) était pour la sécurité nationale, puis pour la compétitivité des services informatiques, et maintenant à cause des “jeunes”?!

D'autres conseillent au gouvernement de se focaliser sur d'autres lois liées à internet et à l'innovation:

Plutôt que la #singlegateway [14] la Thaïlande devrait développer le haut débit dans les zones rurales et réfléchir constamment sur la gouvernance d'internet.

Il n'y a pas que les activistes qui s'opposent à l'idée d'une passerelle unique. Les chefs d'entreprises craignent [18] que cela ralentisse les connexions internet et porte atteinte au secteur de l’e-commerce [19]. Ils contestent aussi l'argument du gouvernement qui dit qu'une passerelle unique réduirait le coût des transactions en ligne.

De son côté le responsable de la police Somyot Pumpanmuang pense qu'une passerelle internet unique serait utile pour la securité [20] du pays:

Avec le système utilisé actuellement en Thaïlande, quand les messages entrent nous devons avoir du personnel pour les contrôler, et faire confiance aux médias et aux gens pour qu'ils rapportent individuellement les messages offensants à la police. J'ai alerté plusieurs fois le gouvernement sur ce problème. Il devrait y avoir une passerelle unique en Thaïlande.

Le quotidien le Bangkok Post a publié un éditorial [21] qui démontre l'inutilité d'une passerelle internet unique qui porterait atteinte à la vie privée des internautes en Thaïlande:

Les principaux bénéficiaires est sont les agences gouvernementales de sécurité. Elles pourront secrètement mettre sur écoute, filtrer, censurer et surveiller tout ce que chaque internaute reçoit et envoie.