A la veille des élections, la Côte d'Ivoire veut s'extraire de son passé violent

Election posters in Abidjan

Les affiches électorales éclosent dans tout Abidjan. Photo Tanja Schreiner

Plus de 3.000 personnes ont été tuées pendant la violente crise politique qui a suivi l'élection présidentielle en Côte d’Ivoire en 2010. Le 25 octobre 2015, la population ivoirienne sera invitée à retourner aux urnes. A une semaine du scrutin, le pays semble retenir son souffle.

Depuis plusieurs mois déjà, les Ivoiriens ne parlent que de l'élection présidentielle de fin octobre, qui sera décisive pour la stabilisation future de la Côte d'Ivoire. Les violences reviendront-elles ou non ? Telle est sans doute la question la plus importe qui taraude à l'approche du vote.

J'ai parlé ces derniers mois à des amis ivoiriens survivants de la crise en 2010 et 2011, à des gens croisés dans la rue, à des hommes politiques ivoiriens, et à des membres de la diaspora.

Certains se sont dits certains qu'il y aura de nouveau des violences cette année, mais sans qu'elles atteignent la gravité de celles qui avaient suivi la dernière élection présidentielle, et qui avaient cumulé en une guerre civile au prix de quelque 3.000 vies. D'autres, toutefois, ont juré que tout se passerait dans le calme, avec pour argument le plus commun la faiblesse actuelle de l'opposition.

Le principal parti d'opposition, celui de l'ex-président Laurent Gbagbo, qui attend son procès devant la Cour pénale internationale de La Haye pour crimes de guerre pendant la crise post-électorale, est actuellement scindé.

Des dispositions ont aussi été prises pour garantir que les élections se déroulent pacifiquement. En juin 2015, le mandat de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire a été prorogé d'une année.

Dans le mois précédent le lancement le 9 octobre de la campagne électorale de deux semaines, les média, qui avaient largement contribué à enflammer le débat en 2010 et 2011, ont été appelés à traiter l'ensemble des candidats de façon égale.

L’Union Africaine a annoncé ce mois qu'elle va déployer 40 observateurs électoraux de courte durée, et la Plate-forme de la société civile pour l'Observation des Elections en Côte d’Ivoire, qui a déjà surveillé la procédure d'enregistrement des électeurs, vient de former 755 observateurs électoraux.

Le traumatisme est encore présent 

Pourtant, les appréhensions d'un nouvel accès de violences paraissent omniprésentes. Après les atrocités qui ont suivi les dernières élections, beaucoup de gens en Côte d’Ivoire sont toujours aux prises avec les traumatismes. Certains ont toujours des cauchemars de cadavres empilés dans les rues. Une amie m'a dit récemment avoir été incapable pendant trois ans de revenir dans la capitale économique Abidjan à cause de ce qu'elle y avait vécu pendant la crise. Il y a quelques semaines, tous ces souvenirs traumatisants lui sont redevenus présents quand une bande d'individus armés a cambriolé l'hôpital d'Abidjan où elle travaille à présent.

Election poster in Abidjan

Les affiches électorales ont envahi tout Abidjan. Photo Tanja Schreiner

Quand je lui ai demandé son avis sur les élections à venir, elle s'est contenté de répondre : “Il y aura rien”, une phrase que j'ai entendue très souvent ces dernières semaines, prononcée presque comme un serment.

Une affirmation contredite par le comportement des gens. Certains ont déjà acheté depuis des mois leurs billets pour le Ghana, le Togo ou l'Europe. Il y a des sociétés qui ont même renvoyé leur personnel étranger dans leurs pays respectifs le temps des élections. D'autres stockent de la nourriture et recommandent de conserver une somme d'argent chez soi – au cas où.

Par ailleurs, beaucoup de gens n'iront sans doute pas voter. Seuls 300.000 nouveaux électeurs se sont fait inscrire, sur 2 à 3 millions estimés. “Le 25 octobre, je cuisinerai du porc et resterai à la maison avec mes amis, pour fêter le non-vote”, m'a dit une amie.

Messages de paix

Pendant que les uns quittent le pays ou boycottent les élections, d'autres s'engagent en faveur de la paix. Les organisations féminines de l'ouest du pays ont dessiné des tissus traditionnels appelant à des élections pacifiques. Une exposition de photos à l'Université Félix Houphouët-Boigny d'Abidjan vise à sensibiliser les étudiants.

L'association footballistique “Foot’Attitude” a lancé, avec la participation de stars du foot comme Didier Drogba, la campagne “Election C’ Pas Gnaga” (“Les élections c'est pas la guerre”) pour sensibiliser à des élections non-violentes. S'y ajoutent les messages de paix qui s'élèvent dans les médias sociaux ces dernières semaines. Sur YouTube, un groupe d'artistes ivoriens a posté la vidéo “Jeune, ma voix, mon avenir” pour promouvoir la participation des jeunes à des élections pacifiques.

Sur Twitter, les appels à la paix utilisent les mots-dièses #ElectionCpasGnaga et #civpaix. Kamara Kollo Rachel, une blogueuse qui vit à Abidjan, écrit sur Twitter :

Evidemment Facebook, largement utilisé en Côte d’Ivoire, est le lieu où roule une bonne partie de la conversation. Un de mes amis, étudiant à Abidjan, a écrit sur son mur (reproduit avec son autorisation) :

chers amis jeunes, nous sommes proche des élections présidentielles. et le doute s'installe dans le cœur de tous ceux qui aime la côte d'ivoire. si nous aimons notre pays, si notre avenir nous tiens vraiment à cœur, ne nous livrons pas à des actes de violence, ne nous laissons pas manipuler par qui que se soit…

Reste à espérer que tous ces messages de paix guideront la Côte d’Ivoire vers une élection présidentielle sans violences.

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