Voici la première d'une série d'interviews qui vont à la découverte des expériences de Latino-Américains qui quittent leur pays en quête d'opportunités nouvelles. Dans ce post, Ana Hernández converse avec Jesús Antonio García, un homme d'affaires de République Dominicaine qui vit en Espagne. Cette interview a été publiée à l'origine sur le blog d'Ana et dans le journal en ligne El Crisol de Ciudad Real.
Des maisons basses et indépendantes. Des plafonds ouverts, clairs et dégagés. Des routes goudronnées, des avenues très fréquentées. Beaucoup de boutiques dans les rues. Des gens qui achètent, vendent, crient au croisement des rues de Duarte et de Paris comme l’avaient fait il y a quelque temps de cela les danseurs d’Enrique Iglesias dans son vidéoclip “Bailando“, tourné au coeur de Saint Domingue.
Des odeurs qui se mélangent et qui invitent à un difficile jeu d’identification : avocats mûrs, riz, haricots et beaucoup de veau. À trente kilomètres de là, Boca Chica, une bouffée d’oxygène, un espace naturel sur la côte Sud de l’île La Española. “Les rues de la capitale dominicaine sont trop fréquentées”, explique Jesús Antonio García, habitant de la capitale qui a acquis une propriété dans la ville espagnole de Ciudad Real, où il est connu sous le nom de “Alfarero” (potier), comme son commerce.
La poterie a besoin d’au moins deux éléments : un moule et un moulé, « et moi, je préfère les seconds parce que c’est Dieu qui me modèle », dit cet homme d’affaires âgé de cinquante-huit ans, qui se montre joyeux en souriant à peine.
Jesús Antonio, qui se bat tous les jours avec les mesures bureaucratiques et les formalités qui lui seraient étrangères dans son pays, parle maintenant de la République Dominicaine avec l’assurance que lui confère la distance :
Comme d'autres présidents d'Amérique Latine, Danilo Medina [Président de la République Dominicaine] encourage les petites et moyennes entreprises. Le gouvernement finance et se porte garant. Cela fait du bien. Surtout pour le tourisme et le commerce, où les investissements sont évidents. Ce sont les points forts de l'avenir de la République Dominicaine.
“Il s'agit de rendre les choses plus faciles et donner des opportunités”, explique avec conviction le propriétaire de “Alfarero”, entreprise dans laquelle il a voulu insuffler un peu de l'air que l'on respire dans son pays.
Mon point fort, c'est la vente de produits latino-américains, mais j'ai beaucoup de variété. Jusqu'à vingt services différents disponibles 24h/24 sans interruption. Photocopies, fax, Internet, cabine téléphonique, transfert d'argent et envoi de colis.
Bien que Jesús Antonio García déclare avoir le mal du pays, il admet se sentir bien en Espagne. Il se remémore comment il y a trouvé le bien-être :
Au début, je dormais dans la rue, toujours dans des parcs, mais je n'avais jamais peur car, quand on n'a rien, on n'a rien à craindre non plus. Les choses se sont améliorées ensuite. Avec beaucoup d'intérêt, un petit coup de pouce de ma soeur, des objectifs clairs, la foi, le courage et la persévérance, on arrive à atteindre de petites choses qui en amènent d'autres, plus grandes.
Il se définit lui-même comme honnête. Il ne ment donc pas en disant qu'après avoir tenté sa chance en Espagne, au Royaume-Uni, à Cuba, au Venezuela ou aux États-Unis, les choses peuvent s'améliorer, même si ce n'est pas facile du tout :
On peut arriver sans rien et obtenir quelque chose.
Il parle de l'Amérique Latine de loin, mais il assure qu'elle est en train de beaucoup se développer. “Son heure est venue, le quotidien là-bas est changeant et le mouvement te maintient en vie.”
Jesús Antonio, qui est arrivé en octobre, comme la saison des cyclones, a déjà passé trois ans en Espagne. Il partira au cours de la quatrième année. Il reviendra pour prendre sa retraite et se retirer de ses affaires personnelles, “qui demandent beaucoup de sacrifices” pour se lever de nouveau à l'aube et gagner sa vie sans pause jusqu'au soir, “quand la fête a déjà commencé”. L'”Alfarero” de Ciudad Real explique alors :
Je reviendrai pour être conscient des changements, parce qu'on ne perçoit pas toujours autant que lorsqu'on arrive soudainement. Pour cette raison, et parce qu'on revient toujours à ce qui a été.