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Entre la volonté d'aller mieux et une collection d'identités : l'histoire de Cynthia, une jeune Péruvienne d'Italie

Catégories: Amérique latine, Italie, Pérou, Médias citoyens, Migrations & immigrés, Voyages
Cyntia Ramos Perú

Dans son expérience de vie et dans sa formation, Cynthia vit la complexité du processus sans fin de la construction d'identité : “Pour moi, c'est déjà difficile de conjuguer deux langues, deux pays. J'écris en italien mais je pense en espagnol. Quand on s'éloigne d'une quotidienneté, on perçoit plus clairement comment les choses changent.”

Voici la quatrième rencontre de la série d'interviews qui explorent les expériences de Latino-Américains ayant quitté leur pays d'origine en quête d'opportunités nouvelles, que vous pouvez lire ici. [1] L'interview qui suit a été publiée à l'origine sur le blog d'Ana [2] et en annexe de ce blog dédié aux interviews.  [3]À cette occasion, Ana converse avec Cynthia Lizeth Ramos, une jeune Péruvienne qui vit depuis vingt ans en dehors de l'Amérique du Sud. Elle se définit cependant comme “du Pérou”, où elle dit avoir acquis toutes ses valeurs, la base de ce qu'elle est aujourd'hui.

Cynthia Lizeth Ramos a 29 ans et cela fait vingt ans qu'elle a quitté le Pérou. Elle est née à Trujillo, où elle a vécu jusqu'à ses neuf ans. Tout a alors changé lorsque sa mère l'a emmenée vivre en Italie. Elle est bien revenue en visite au cours de toutes ces années, mais elle n'a toujours pas vu Lima ni le Machu Picchu [4] avec l'idée que ce sont des lieux qui lui seront proches pour toujours. Après toutes ces années au loin, Cynthia calcule les distances comme tout Italien. Ainsi, le trajet entre Rome et Venise ressemble à celui entre Lima et Trujillo. Cynthia a aujourd'hui la double nationalité, une nouvelle langue et le coeur partagé.

Nous étions pauvres. Je n'ai pas eu une enfance avec des jouets modernes, je n'ai pas grandi avec un père et une mère. Il me manquait le père, parce que, comme cela peut arriver, il m'a abandonnée quand j'avais un an. Ma mère a dû partir en Italie parce qu'elle n'avait pas d'opportunités de travail au Pérou. J'ai grandi avec ma grand-mère, de qui je tiens toutes les valeurs que je possède aujourd'hui. Aussi, malgré toutes ces années passées au loin, je suis Péruvienne, je garde et je pratique mes racines au quotidien parce que j'ai mes valeurs. L'exemple que j'ai est celui que m'a donné ma grand-mère, celui d'être une personne humble, travailleuse et de surtout avoir le coeur ouvert aux situations bonnes et mauvaises qui arrivent dans la vie.

Cynthia affirme que laisser sa grand-mère fut le plus difficile. Cependant, elle assure aussi que tout ce qu'elle a appris à cette époque lui restera pour le reste de sa vie. Plus positive au fil des ans, elle ne peut aujourd'hui nier le fait qu'à distance, on accumule beaucoup d'autres caractéristiques qu'elle n'aurait pas atteintes si elle était restée dans son pays natal. Elle dit avoir aujourd'hui un esprit plus ouvert :

Souvent, je suis surprise parce que je compare les opinions que j'ai avec celles des jeunes de mon âge et je remarque qu'elles sont très différentes. La mentalité est différente, pour ne pas dire arriérée, parce que le Pérou s'améliore chaque année mais il y a pas mal de différences.

Après l'Italie, les expériences de cette jeune Péruvienne sont maintenant vécues à Bristol, au Royaume-Uni :

Mon parcours est la volonté de m'améliorer moi-même. L'acharnement à dire “ça, je peux le faire par moi-même, sans avoir besoin d'aide familiale, économique ou morale”. Il y a des moments où, naturellement, comme n'importe quel être humain, je pense “je ne peux pas le faire, je n'en ai pas les capacités”. Cependant, je finis par retourner la chose et je me dis : “si tout le monde le fait, je peux le faire aussi.”

Cet effort d'amélioration constante a donné l'élan à Cynthia pour quitter l'Italie et sa famille afin d'apprendre l'anglais. Son objectif est de s'éduquer, pas seulement de manière professionnelle pour les études qu'elle a faites en Relations Internationales, mais aussi en tant que future mère :

Il faut aussi penser au futur. Je me vois avec une famille, des enfants. C'est pour cela que j'essaie de m'améliorer pour pouvoir être un modèle. Si auparavant je n'arrivais qu'à éprouver que de la colère à cause du départ de ma mère pour un autre pays, tout est clair pour moi aujourd'hui. Je suis consciente du pourquoi et du pour quoi. Je sais que je le ferais, moi aussi. Pour mes enfants.

Cynthia fait dialoguer aussi les manières de fonder une famille qui viennent des cultures qui font partie de son identité actuelle, et elle réfléchit aux manières de créer des liens et de fonder une famille :

En Amérique du Sud, différentes générations vivent ensemble et avancent. Je vois là-bas des choses que je n'ai pas ressenties ailleurs. En Amérique Latine, je vois plus d'union au sein de la famille. Ou l'humilité qui, là-bas, est liée à la dépendance, contrairement à l'Italie, où l'on se construit une vie de famille de forme plus indépendante. Il y a plus d'égoïsme aussi.”

Bien que Cyntia Ramos n'ait plus d'amis au Pérou, elle ne se détache pas de son pays d'origine, et elle reste informée par l'intermédiaire de sa famille et des médias comme Marca Perú [5], Perú 21 [6], et le quotidien El Comercio [7].

Malgré tout, elle soutient clairement que son retour au Pérou ne serait qu'une simple visite, en particulier à cause des conventions sociales qui existent avec la place des femmes :

Je pense que je ne me réhabituerais pas. Mes cousins sont très possessifs, ils sont machistes, la femme doit rester à la maison. Mais pour moi, tout cela n'existe plus. Je ne veux pas récupérer ça. Chaque fois que j'y suis retournée en visite, je n'ai pas pu aller dans le centre-ville seule. J'avais toujours un homme à mes côtés. C'est impossible pour moi aujourd'hui, je ne peux pas, tout simplement.

Néanmoins, son futur ne semble pas prévu non plus au Royaume-Uni.

Ce n'est pas que la vie soit dure ici, mais souvent, il faut savoir parler un anglais parfait pour pouvoir avancer, et cela rend tout difficile. Pour moi, c'est déjà difficile de conjuguer deux langues, deux pays. J'écris en italien mais je pense en espagnol. Quand on s'éloigne d'une quotidienneté, on perçoit plus clairement comment les choses changent. Je vois le Pérou changer, mais je suis consciente du fait qu'il manque d'outils. Lui manquent les opportunités que l'Europe a. Cependant, quoi qu'il en soit, chaque pays suis un processus différent.