
Des motos faisant la queue à la station essence à Pulchowk, Lalitpur, Népal. Image de Kristine Lau. Copyright Demotix (29 septembre 2015)
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Le Népal souffre aujourd’hui d’une pénurie majeure de fuel et de vivres en raison de plusieurs milliers de camions bloqués à la frontière entre l’Inde et le Népal, contenant des marchandises en provenance de l’Inde. La pénurie de fuel est tellement critique que le gouvernement népalais a mis en place un rationnement du fuel dans tout le pays le vendredi 25 septembre 2015. Le Népal est un pays enclavé aux frontières ouvertes avec l’Inde sur trois côtés et qui dépend des vivres en provenance d’Inde, notamment pour les produits alimentaires et le fuel.
Les représentants du gouvernement du Népal ont accusé l’Inde d’imposer des “restrictions économiques non officielles”, empêchant les camions d’introduire des vivres au Népal près de la zone frontalière de Madhes. Par ailleurs, l’Inde s’est défendu en soutenant que les groupes ethniques Madhesis qui protestent contre la Nouvelle Constitution du Népal sont les vrais responsables de l’obstruction à la frontière. Les représentants officiels indiens déclarent qu’ils ont par conséquent seulement arrêté le trafic vers le Népal pour des raisons de sécurité.
Le 20 septembre 2015, la nouvelle constitution du Népal a remplacé la précédente, la Constitution d’Interim, qui a duré huit longues années. Près de 90% de l’Assemblée Constituante ont participé au vote concernant la nouvelle Constitution, et 95% d’entre eux ont voté en sa faveur.

Le peuple népalais participant à un programme de célébration marquant le début de la Nouvelle Constitution dans le pays. Image de Sunil Sharma. Copyright Demotix (9 Septembre 2015)
Nombreux sont ceux au Népal qui ont bien accueilli la Nouvelle Constitution, espérant qu’elle mettrait fin aux tensions entre les Maoïstes et les autres groupes politiques.
Donnons nous la main pour faire de cette journée un mémorable succès. https://t.co/xv3I1jcWyn # #BienvenueConstitution
— Unis pour le Népal (@UnisPourLeNépal) 20 Septembre 2015
Plusieurs minorités népalaises, tels les Madhesis, les Tharums et les Janjatis, se sont cependant opposées à la Nouvelle Constitution, disant qu’elle entravait leurs droits. D’après ces minorités, la Nouvelle Constitution n’honore pas la Constitution d’Interim et les anciens accords signés avec les Madhesis et les autres minorités. Ces accords concernaient les droits pour une province de pouvoir choisir sa langue officielle, son autonomie et son droit à l’auto-détermination.
Amit Ranjan explique à Madhesi Youth pourquoi les Madhesis sont contre la Nouvelle Constitution:
Les Madhesis, dont les Tharus, représentent 40-50% de la population du Népal. Avec la nouvelle Constitution, les Madhesis recherchent une représentation égalitaire auprès du gouvernement de l’Etat et le gouvernement central. De sérieuses accusations ont été portées par des dirigeants Madhesis sur une tentative de division des groupes de Madhesis et de Tharus, ce qui limiterait la représentation politique des Madhesis. […]
Il ne s’agit pas d’une protestation communautaire contre une ethnie particulière ni une personne en particulier. Mais cependant, le gouvernement et les dirigeants, dans leur statu quo, ont tenté de montrer que le programme des Madhesis était communautaire et que le but était de séparer les personnes originaires des collines des Madhesis (originaires des plaines), ce qui n’est tout simplement pas le cas.
Durant les derniers mois, des manifestations contre la nouvelle Constitution se sont révélées être violentes et ont causé de nombreuses morts dans différentes parties du Népal. L’Inde a de plus compliqué la situation, le Premier Ministre Narendra Modi ayant envoyé tout spécialement le Ministre des Affaires Etrangères Subrahmanyam Jaishankar. Ce dernier a tenté de trouver un accord entre la coalition dirigeant le pays et les dirigeants Madhesi-Tharu, avant que la nouvelle Constitution ne soit adoptée. L’Inde a aussi défendu sept amendements de la nouvelle Constitution pour s’assurer qu’elle soit acceptée par les Madhesis et les Janjatis.
Mais de nombreux Népalais n’ont pas pris l’intervention de l’Inde à la légère. Certains ont réagi en ligne avec le hashtag #BackOffIndia, qui a connu une propagation virale sur Twitter:
L'Inde, la “plus grande démocratie du monde”, punissant le pays enclavé du Népal avec un blocage économique pour qu'il adopte une constitution par des moyens démocratiques?
— आचार्य मधुरमण (@MadhuRamanACH) 26 Septembre 2015
67% des membres du Parlement indien ont adopté la Nouvelle Constitution mais au Népal, 87% du Parlement l'a adopté. Alors #Arrêtez d'interférer et de nous menacer. #IndeRecule
— #IndeRecule (@pzstha) 22 Septembre 2015
Ce pays récupère toujours du séisme dévastateur d’avril qui a tué plus de 9000 personnes et laissé des millions de personnes sans abri ou à devoir se déplacer. Avec ces camions en provenance d’Inde, transportant du fuel pour la cuisine, de l’essence, du sel, du sucre et du riz, qui sont bloqués à la frontière, la colère publique contre le gouvernement indien a continué d’augmenter. Les glissements de terrains causés par le tremblement de terre a détruit les routes alternatives d’approvisionnement en provenance de Chine, laissant le Népal dépendant des importations venant d’Inde.
Pour de nombreux Népalais, l’Inde punit le Népal pour avoir ignoré ses craintes concernant la Nouvelle Constitution du Népal.
Mettre un blocage sur un petit pays voisin qui essaie de récupérer du #tremblementdeterreNépal révèle, au mieux, une mentalité de lâche. #IndeBloqueNépal
— समीरमणि दीक्षित (@smadixit) 29 Septembre 2015
Il est estimé que 3% de la population du #Népal s'est retrouvé dans la pauvreté, pour résultat direct des tremblements de terre. Maintenant #IndeBloqueNépal.
— Siromani Dhungana (@siromanid) 30 Septembre 2015
Pourquoi la communauté internationale ne s'exprime pas contre le blocage indien, par @écrivainbikash #IndeBloqueNépal http://t.co/oyvYl97bBf
— Ujjwal Acharya (@UjjwalAcharya) 30 Septembre 2015
L'aéroport de Kathmandou n'a plus de carburant en raison des livraisons perturbées par le blocage économique du Népal par l'Inde #IndeBloqueNépal https://t.co/FvXYjXSnXi
— Kanak Mani Dixit (@KanakManiDixit) 29 Septembre 2015
Dans les rues de certaines villes, les manifestants crient des slogans anti-indiens. Les opérateurs népalais de télévision par câble ont bloqué 42 chaînes indiennes en protestation contre le soi-disant non-officiel « blocage de produits » à entrer dans le pays. A Katmandou, les cinémas ont aussi cessé la projection de films indiens.
En vertu de la section 10, article 125, de la Convention relative au commerce de transit des Etats enclavés (sans littoral), le Népal a un droit d’accès à la mer. Le Népal et l’Inde ont aussi signé l’accord de libre-échange de l'Asie du Sud. Certains experts disent que la décision de l’Inde d’arrêter les approvisionnements vers le Népal constitue une entrave aux conventions internationales et aux accords multilatéraux.
Certains Népalais sont frustrés que le reste du monde ne porte pas plus d’attention à ce problème:
La situation actuelle du #Népal: Effet du #BlocageIndien pour une couverture médiatique internationale sur le Népal: Interdiction possible de l'ascension du Mt Everest selon l'âge
— Kunda Dixit (@kundadixit)29 Septembre 2015
Le blocage du gouvernement de Modi sur le Népal me fait réfléchir sur comment l'Inde peut violer les règlements internationaux et que les autres pays restent silencieux! #IndeRecule
— Raksha Pal (@RakshaPal08) 1er Octobre 2015
Des manifestations ont même eu lieu à l’étranger :
Première manifestation pacifique aux Etats-Unis contre le blocage non officiel de l'Inde! #IndeRecule pic.twitter.com/sBMNBbRpld
— #IndeRecule (@SmiBhatta) 1er Octobre 2015
Quel que soit le résultat de ces manifestations de protestations et de la Nouvelle Constitution, il semblerait bien qu’il n’y ait pas de fin proche aux difficultés subies par les Népalais.