L'invention de scientifiques burkinabè et burundais qui pourrait éviter le paludisme à des milliers de personnes

Screen Capture of Scientists presentation at Maker Faire in Rome , November 2014

Capture d'écran des scientifiques Niyondiko et Dembélé, vidéo de leur présentation à Maker Faire à Rome, Novembre 2014

[Article d'origine publié le 14/07/2015]

Pas besoin de dépenser des millions de dollars pour sauver des milliers de vies. Deux étudiants africains ont récemment démontré qu'il faut à peine plus de 46 centimes d'euros pour sauver des êtres humains et la solution se résume à un pain de savon.

Moctar Dembélé, originaire du Burkina Faso, et Gérard Niyondiko, né au Burundi, étudient à l'Institut International d'Ingénierie de l'Eau et de l'Environnement de Ouagadougou (Burkina Faso). MM. Dembélé et Niyondiko connaissent bien la menace du paludisme, qui représente la principale cause de mortalité en Afrique subsaharienne. Chaque année, dans le monde, près de 600 000 personnes décèdent du paludisme — maladie développée par des parasites et transmise à l'homme par des piqûres de moustiques infectés. Elle comporte généralement des symptômes tels que de la fièvre, de la fatigue, des vomissements ou des maux de tête.

Pour pouvoir contrer la maladie, les chercheurs Dembélé et Niyondiko ont inventé un savon fabriqué à partir de plantes locales et d'ingrédients naturels, comme le beurre de karité ou l'essence de citronnelle, véritables répulsifs face aux moustiques vecteurs. Les étudiants ont appelé ce savon le « Faso soap ». Ce concept présente l'avantage d'être à la fois très pratique et abordable :

Afin de soutenir leur initiative, le Concours de l'Entrepreneuriat Social Étudiant de l'université UC Berkeley a récemment attribué à MM. Dembélé et Niyondiko la somme de 26 500 USD.

La science derrière le projet est relativement simple, nous explique Hugo Jalinière [fr], journaliste à Sciences et Avenir, magazine scientifique français :

Le savon possède deux caractéristiques : d’abord, une capacité à repousser les moustiques par son odeur. Mais il contient également un composant intérieur qui tue les larves et empêche leur prolifération dans les eaux stagnantes. Les tests effectués sur un échantillon de la population à Ouagadougou se sont en tous cas révélés assez concluants.

D'après l'Organisation mondiale de la santé, on recense environ 200 millions de cas d'infections du paludisme par an, à l'origine de près de 660 000 décès. Il n'existe pas encore de vaccin contre le paludisme, mais une pléthore d'antipaludiques est disponible pour traiter les divers symptômes. Les mesures de prévention sont nombreuses, bien qu'il n'existe pas de protection complète contre les moustiques vecteurs ; l'emploi de répulsifs fait partie des mesures préventives mises en place dans la région.

Les scientifiques ont étudié de façon approfondie les répulsifs antimoustiques à base de plantes. Sarah Moore, chercheuse à l'École d'Hygiène et de Médecine Tropicale de Londres, maintient que les résultats des études sur l'efficacité de tels répulsifs étaient peu probants jusqu'à présent, toutefois leur usage s'est développé, et ce, pas seulement à cause des mesures mises en place :

Le secteur des répulsifs à base de plantes est en pleine expansion, car les consommateurs recherchent des moyens de protection contre les piqûres d'arthropodes, à la fois sans danger pour la santé, agréables et durables sur le plan écologique. La situation se révèle en outre extrêmement favorable grâce à une grande variété de plantes aux composés insecticides potentiellement efficaces contre les insectes. Les nouveaux pyréthroïdes, pilier de la lutte antipaludique actuelle, sont à l'origine de progrès considérables et sans danger pour les mammifères.

Screen Capture of Interactive Africa Map of Artemisinins data via WWARN

Capture d'écran d'une carte interactive de l'Afrique relative aux artémisinines, réseau WWARN

Les experts Dembélé et Niyondiko sont malheureusement bien conscients des obstacles économiques à la lutte antipaludique. Le Burundi, pays natal de Gérard Niyondiko, se trouve en proie à une sérieuse crise humanitaire et se situe à la 167e place sur 177 pays évalués par l'Indice de développement humain des Nations Unies. Le Burkina Faso traverse depuis peu une période de bouleversements politiques et près de la moitié de sa population vit avec moins de 1,25 USD par jour.

Toute solution antipaludique durable proposée en Afrique se doit d'être abordable, étant donné le contexte historique et l'instabilité actuelle de la région. C'est en gardant cela à l'esprit que MM. Dembélé et Niyondiko ont cherché à concevoir un « Faso soap » aussi bon marché que possible.

Le projet tombe en somme à point nommé, alors que le Réseau international sur la résistance aux antipaludiques (WWARN) a récemment mis en garde les agences de santé sur le fait que la résistance à l'artémisinine était en augmentation :

Depuis février 2015, la résistance à l'artémisinine a été confirmée dans 5 pays […] Sur la plupart des sites, les patients infectés de parasites résistant à l'artémisinine guérissent tout de même au terme du traitement, à condition qu'il s'agisse d'une combinaison thérapeutique à base d'artémisinine (CTA) contenant un médicament associé efficace. Toutefois, le long de la frontière Cambodge-Thaïlande, le parasite P. falciparum a développé une résistance à presque tous les antipaludiques disponibles. Il existe un risque réel de multirésistance médicamenteuse qui émergera bientôt dans d'autres parties de la sous-région.

Les scientifiques Dembélé et Niyondiko savent que du chemin reste à faire ; ce qui ne risque pas de les décourager. M. Dembélé maintient que ce combat ne se limite pas à lutter contre la maladie ; il s'agit également d'apporter un regain d'espoir concernant l'avenir de l'Afrique. Après avoir remporté le concours de l'université UC Berkeley, il a annoncé :

Je suis très content que ce prix revienne en Afrique et particulièrement au Burkina Faso. C’est la première fois qu’une équipe non américaine remporte ce prix. C’est la fierté pour la jeunesse, c’est la fierté pour l’Afrique. Ça doit encourager la jeunesse à aller de l’avant.

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