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Les législateurs russes veulent ajouter l'Etat islamique à la liste des ONG «indésirables»

Catégories: Europe Centrale et de l'Est, Russie, Censure, Gouvernance, Médias citoyens, Relations internationales, RuNet Echo
Masha Baronova invites questions. (Text translated into English by Kevin Rothrock). Photo: Facebook. [1]

Maria Baronova de «Russie ouverte» invite à lui poser des questions. Son association citoyenne pourrait se retrouver hors la loi en Russie. Photo : Facebook.

Le gouvernement russe diffuse une liste officielle intitulée «organisations indésirables». Cette liste cible tout groupe représentant une menace pour «l'ordre constitutionnel du pays, sa défense ou la sécurité de l'Etat. Lorsqu'une organisation est considérée comme «indésirable», elle est contrainte de cesser toutes ses activités en Russie, et ceux qui travaillent pour elle sont confrontés à des poursuites judiciaires s'ils ne réussissent pas à trouver un nouvel emploi. Quant au responsable d'une telle organisation, il risque la prison pour un maximum de six ans.

Pour le moment, les autorités russes n'ont enregistré qu'une seule organisation [2] dans leur liste d'«indésirables» – le Fonds national de la démocratie (FND), un groupe à but non lucratif sponsorisé par le Congrès américain. C'est le procureur général de la Fédération de Russie et le ministre des Affaires étrangères qui sont chargés de déterminer quel groupe va atterrir sur cette liste, qui est ensuite communiquée [3] au ministère de la Justice, chargé de la mettre en application (la liste est disponible en ligne ici [4]).

Bien qu'ils n'aient pas le pouvoir juridique de décréter «indésirables» ces organisations, les législateurs russes tentent de jouer un rôle dans le processus en adressant une pétition au procureur général et au ministère de la Justice pour y ajouter une bonne dizaine d'autres organisations. [Note à l'intention du lecteur : l'un des groupes qui figure sur la liste des législateurs est l'Open Society Foundation, qui finance RuNet Echo.] Un groupe de députés de la Douma russe a écrit des lettres, et le comité du Conseil de la Fédération a élaboré sa propre «stop-liste» informelle.

Le 27 octobre, certaines sources ont informé le journal pro-Kremlin «Izvestia» que les sénateurs préparaient de nouveaux ajouts [5] à leur «stop-liste», dont la fondation Ford (qui a fermé ses bureaux à Moscou en 2009), le Fonds Jamestown et le nouveau parti de Mikhaïl Khodorkovski «Russie ouverte». Chose étonnante, il y est aussi question d'ajouter à cette liste l'Etat islamique, le groupement armé du califat islamique autoproclamé, déjà interdit en Russie en tant qu'organisation extrémiste.

L'ajout de l'organisation djihadiste à cette liste constituée en grande partie d'organisations américaines qui promeuvent la démocratie constituerait un signal fort, puisque le terrorisme serait mis sur le même plan que des militants et des journalistes.

La «stop-liste» du Conseil de la Fédération n'a cependant pas force de loi, et le FND reste la seule organisation réellement interdite à figurer sur la liste des «indésirables» en Russie. Reste que si l'on s'en tient à cette liste, il y a de quoi effrayer ces associations, surtout si l'on prend en compte les allégations des sénateurs, qui disent travailler en étroite collaboration avec le procureur général et d'autres officiels. L'idée que la police pourrait accepter d'interdire n'importe lequel de ces groupes aurait un effet dévastateur sur le travail civique de ces associations.

On pourrait s'attendre à ce que, confronté à cette menace, le personnel de ces associations essaie de se soustraire à la vue du public en espérant se faire oublier des autorités.

Maria Baronova, de «Russie ouverte [6]», qui vit en Russie et coordonne les actions de l'organisation sur le terrain, ne fait rien de tel. Le 27 octobre, elle a posé nue pour mettre en avant sa session de questions en ligne «Demandez-moi ce que vous voulez [7]» sur le site «TheQuestion»,où elle a récemment parodié
des photos publiées par la NSFW avec Lesya Ryabtseva (une personnalité controversée de la radio «Echo de Moscou»). Une façon d'attirer l'attention sur le risque, pour son employeur, d'être mis hors la loi au côté de l'Etat islamique.

Sur Twitter, Mlle Baronova a eu droit à quelques questions potaches sur sa nudité, mais aussi à d'autresplus sérieuses [8] sur ses convictions politiques et ses activités militantes en Russie.

Si l'on pense à la probabilité que son association voisine un jour sur une liste avec l'Etat islamique, il est assez ironique de voir Mlle Baronova prendre une posture plutôt belliciste sur des questions de politique étrangère [9], puisqu'elle approuve l'annexion de la Crimée, rejette la faute sur le gouvernement de Kiev pour la «guerre civile» dans l'est du pays et soutient cyniquement que l'intervention russe en Syrie et le retour à une politique de grande puissance, c'est vraiment cool.