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Un artiste performeur russe met le feu à l'entrée de la Loubianka, siège du FSB

Catégories: Europe Centrale et de l'Est, Russie, Arts et Culture, Dernière Heure, Manifestations, Médias citoyens, Photographie, Politique, RuNet Echo
The artist poses in front of the burning door as the action is being recorded. Screen cap from the video on Vimeo.

L'artiste pose devant la porte en flammes pendant l'enregistrement de son action. Capture d'écran de la vidéo sur Vimeo.

Piotr Pavlenski, un artiste performeur russe, a été placé en détention provisoire pour suspicion de vandalisme apès avoir mis le feu aux portes du siège du Service Fédéral de Sécurité (FSB) russe, sis place de la Loubianka à Moscou.

Pavlenski, connu [1] pour ses happenings percutants et parfois outrageants, s'est fait photographier et filmer, jerrican d'essence à la main en train de mettre le feu à une des entrées des bureaux du FSB. La vidéo de la performance a été postée sur Vimeo.

Les photos de l'action ont également été publiées [2] par le blogueur russe Ilia Varlamov, et ont rapidement fait le tour des médias sociaux.

Selon Pavlenski, sa performance (intitulée “La Menace”) symbolisait la lutte contre les “méthodes constantes de terreur” du FSB (ex-KGB). L'artiste parle pour ses happenings de “gant jeté par la société à la tête de la menace terroriste” du FSB.

Les journalistes Vladimir Romenski et Nigina Beroeva, qui couvraient la performance, ont été appréhendés par la police en même temps que Pavlenski, puis relâchés.

Les utilisateurs de médias sociaux ont soit rejeté [3] soit louangé [4] la performance, une polarisation habituelle des réactions à la production artistique de Pavlenski.

- Pourquoi votre FSB est en feu ?
– Je suis un artiste, c'est ma vision.

Ça peut être tout ce qu'on veut—art moderne ou carnaval antique (genre [l'incendiaire] Erostrate), sauf de la politique. Et encore moins de la protestation.

Le député russe Dmitri Goudkov (du parti Russie Juste) a écrit un billet d'opinion Facebook [8] réfléchi, où il examine la nature de la performance, la réaction de la société, et la signification de tout ceci pour l'avenir de la contestation et de l'Etat russes.

Я тоже скажу свои пару слов про новую акцию Павленского. Во-первых, все, конечно, прекрасно продумано: и время — утро понедельника, чтобы сразу обеспечить СМИ главной новостью, и картинка — лицо аскета на фоне пожара. Как акт искусства — практически безупречно, не нужны никакие пояснения.
А вот во-вторых — все печальнее. Представьте, что тот же Павленский вышел утром к ФСБ с плакатом в одиночный пикет. Этого никто и не заметил бы, сколько таких пикетчиков только за последний месяц повязали в центре города «без шума и пыли». А раз нормальный протест не работает — у ФСБ начинают гореть двери. И все, кого я читал в Фейсбуке, восторгаются. Не красотой картинки, а именно самим поджогом.
[…]
…другого способа диалога власти и общества уже нет. И искусство адекватно отвечает на такой вызов времени. Мы дошли до той точки, когда низы не могут достучаться до верхов, а те не хотят слышать этот стук.

Je vais aussi dire quelques mots de la nouvelle action de Pavlenski. Premièrement, tout est évidemment parfaitement pensé : le moment—un lundi matin, pour fournir aux médias leur article de une, et l'image–un visage ascétique sur fond d'incendie. Pour un acte artistique c'est quasi-parfait, pas besoin d'explication.
Et deuxièmement, c'est bien pire que ça. Imaginez ce même Pavlenski s'en aller un matin au FSB avec une pancarte pour une manifestation individuelle. Personne ne l'aurait remarqué, avec les innombrables manifestants individuels coffrés rien que le mois dernier dans le centre [de Moscou], “sans tambour ni trompette”. Et comme une manifestation normale ne marche pas, les portes du FSB se mettent à brûler. Et tous ceux que j'ai lus sur Facebook de s'extasier. Pas sur la beauté de l'image, mais sur l'incendie volontaire même.
[…]
…il n'y a pas d'autre voie de dialogue entre le pouvoir et la société, et l'art répond de façon adéquate à ce défi de notre époque. Nous avons atteint un point où ceux d'en-bas ne peuvent pas atteindre ceux d'en-haut, qui ne veulent pas les entendre frapper.