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Ce qui a changé dans la perception publique du changement climatique depuis Copenhague en 2009

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Since the Copenhagen negotiations, the global population has passed 7 billion people. Photo by Flickr user James Cridland. CC-BY-NC-SA 2.0 [1]

Depuis les négociations de Copenhague la population du globe a dépassé les 7 milliards d'habitants. Photo sur Flickr par James Cridland. CC-BY-NC-SA 2.0

Les négociations de 2015 seront les plus importantes depuis le quinzième réunion de la conférence des partenaires des Nations unies dans le cadre de la convention sur le changement climatique à Copenhague en 2009 (COP 15). Le monde a notablement changé depuis Copenhague. La première partie de cet article [2] faisait le point sur les avancées scientifiques et l'évolution des émissions de CO2. La deuxième partie, ci-dessous, fait le point sur le changement des positions politiques et de l'opinion publique dans les six années qui ont précédé la COP21. 

Les deux parties de cet article ont été écrits par Fiona Harvey [3] et publiées à l'origine [4] sur Ensia.com [5], une publication qui met l'accent  sur les solutions internationales pour l'environnement.

Le monde a changé politiquement depuis la rencontre de Copenhague. Le signe le plus évident en était l'annonce conjointe par la Chine et les USA, à la fin de l'année 2014, d'un accord sur l'émission de gaz à effet de serre. Les USA réduiraient leur émissions de 26 à 28% d'ici 2025, tandis que la Chine viserait un plafonnement de ses émissions pour 2030.

Cette orientation montrait une claire différence avec Copenhague : la volonté de la Chine de partager une étape commune avec les USA et d'envisager une année de plafonnement annonçait un progrès significatif vers un accord.

Au niveau économique également, on voyait de plus en plus d'études soutenant que le changement climatique pouvait aussi être une aubaine et montrant comment réaliser les adaptations nécessaires pour respecter le “budget carbone” tout en recueillant les fruits de la prospérité. Le projet Nouvelle Economie du Climat [6] mené par Felipe Calderon, ex-président du Mexique, a été le moteur essentiel dans ce débat. Le climat des finances, permettant une assistance de la part des pays riches aux plus pauvres pour les aider à réduire leurs émissions et s'adapter aux effets du changement climatique, est devenu plus constructif avec des banques de développement prenant un rôle de premier plan et valorisant les fonds du secteur privé.

Les entreprises ont pris bonne note de cet état de fait, se préparant pour beaucoup à l'annonce d'initiatives climatiques avant Paris. Le monde des assurances qui possède une vision à long terme des risques pousse à l'action. Plus récemment, six grandes compagnies pétrolières et gazières ont proposé leur collaboration à un débat sur la mise en place d'un prix du carbone. Si on peut penser que ces compagnies ont probablement d'autres motifs que la préoccupation du devenir des pauvres dans le monde du réchauffement climatique, cette attitude n'en est pas moins très significative.

Une pression populaire grandissante

D'autres signaux positifs ont été l'année écoulée des rassemblements massifs, la “marche des peuples pour le climat”  à New York, et un mouvement grandissant exhortant les personnes, les institutions et les entreprises à abandonner les combustibles fossiles. Des personnalités de premier plan ont joué un rôle de plus en plus important, L'intervention la plus significative a été au printemps celle du pape François, mettant en avant la dimension morale d'une prise de conscience du changement climatique. Cette démarche a provoqué des applaudissements mais aussi les critiques des climato-sceptiques accusant le pape d'ingérence sur un sujet scientifique.

Cet automne dernier, avant les négociations de Paris, les États-Unis et des représentants des gouvernements mondiaux se sont préparés à définir des projets de développement durable [7] (SDGs) à adopter pour les “Objectifs de Développement du millénaire” qui expirent cette année. Les SDGs envisageront le changement climatique non pas comme un problème annexe mais comme le coeur du problème compte tenu de l'extension de ses conséquences sur des questions allant de la pénurie d'eau à la productivité agricole, de l'égalité des sexes aux migrations humaines. Les efforts engagés dans les SDGs qui  sont considérés comme essentiels par les experts en développement auront des effets bénéfiques dans la bataille contre le changement climatique.

Des perceptions préoccupantes du changement climatique

Alors que bien des acquis récents paraissaient de bonne augure pour Paris, on a vu aussi se développer un certain nombre de perceptions susceptibles de compromettre à la fois un accord et notre capacité à gérer le changement climatique.

D'abord le sentiment laissé par la rencontre de Copenhague largement considérée comme un échec total, en dépit des avancées obtenues. On n'a jamais cherché à se débarrasser de ce sentiment de négativité et ceci place les enjeux de Paris au plus haut possible. Si la COP 21 échoue, il sera difficile d'imaginer comment ce processus des Nations unies pourrait continuer à progresser tant bien que mal.

L'impression d'une pause dans le réchauffement global est un autre problème sérieux car il a permis aux climato-sceptiques de proclamer partout que le réchauffement ne se produisait pas ou si lentement qu'il n'était pas nécessaire de s'en préoccuper. Les scientifiques proclament clairement que cette analyse est inexacte : le monde se réchauffe toujours et il y a de bonnes raisons de penser que ce léger ralentissement de la hausse des températures est temporaire, probablement causé par une absorption de la chaleur en excès par les océans.

L'ombre noire du carbone

Parmi les mécanismes mis en place pour favoriser la réduction des émissions, la tarification du carbone a été en bonne place, mais le mécanisme de développement propre [8] des Nations Unie selon lequel les pays riches doivent compenser leurs émissions en finançant des projets du type solaire ou éolien dans les pays pauvres a subi une série de revers et paraît moribond à la suite du quasi écroulement du système d'échange des émissions de l'UE.

Si de telles dérives devaient durer jusqu'en 2020 et au-delà, elles nécessiteront un sérieux rappel à l'ordre à Paris ! Sinon, de nouveaux outils pour canaliser les fonds “changement climatique” devront prouver leur efficacité.

Une autre tendance qui différencie la configuration de la COP21 par rapport à la COP15 est la consommation de charbon. “La fête du charbon” : c'est ainsi que les courtiers en énergies pouvaient qualifier ces dernières années, alors qu'une chute des prix et une augmentation de la consommation avait mené à un regain d'intérêt pour le combustible charbon dans bien des régions du monde. Le résultat avait été la construction, en particulier dans des pays pauvres, de centrales à charbon à l'ancienne, trop inefficientes. Des instances dirigeantes comme l'Agence Internationale pour l'énergie et l'OCDE avait averti que ceci était probablement la plus sérieuse menace pour gérer le changement climatique, qui ne sera peut-être pas réglée lors des négociations de Paris. Quand une nouvelle centrale électrique à charbon est construite, c'est pour fonctionner pendant un demi-siècle, enfermant le monde dans un niveau élevé d'émissions !

Y a-t-il un accord sur la table ?

Deux ans après Copenhague, le monde a franchi une étape importante : la population humaine atteint 7 milliards d'individus. La complexité majeure du défi d'assurer pour tous nourriture, vie décente et disparition de la pauvreté, s'accroît à la mesure de notre nombre. Pourtant beaucoup de scientifiques affirment qu'il est parfaitement possible d'atteindre ces buts sans dépasser les seuils climatiques… mais que ce sera compliqué.

A l'approche de Paris, l'atout le plus précieux sera la bonne volonté des gouvernements du monde désireux d'arriver à un accord. On verra si un changement est intervenu en la matière depuis Copenhague.

Fiona Harvey [3] est une journaliste de l'environnement très primée qui travaille pour “the Guardian”. Elle a auparavant travaillé pour le “Financial Times” pendant plus d'une décennie. Elle a fait des reportages sur tous les grands sujets environnementaux depuis l'Arctique à l'Amazone et le panel de ses interviewés inclut Ban Ki-moon, Tony Blair, Al Gore et Jeff Immelt. Elle twitte à partir de@fionaharvey [9].