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Les droits d'auteur dans le monde arabe : état des lieux

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Algérie, Arabie Saoudite, Bahreïn, Egypte, Emirats arabes unis, Irak, Koweït, Liban, Libye, Maroc, Oman, Qatar, Syrie, Tunisie, Yémen, Droit, Education, Film, Littérature, Médias citoyens, Musique, Photographie
"Hardcover book gutter and pages" by Horia Varlan CC-BY 2.0 [1]

“Couverture d'un livre relié”, photo Horia Varlan CC-BY 2.0

La Journée Mondiale de la Propriété Intellectuelle [2] est un évènement organisé par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, qui a lieu le 26 avril de chaque année pour “célébrer l'innovation et la créativité”. Les droits accordés par les lois sur la propriété intellectuelle, comme le droit d'auteur, ont pour but d'équilibrer entre les intérêts des titulaires pour vivre de leurs œuvres, et les droits des membres de la société d'avoir un accès équitable à ces œuvres culturelles. L'un des moyens d'atteindre cet équilibre est la mise en place d'une loi sur le droit d'auteur pour une période de temps temporaire et non pas éternellement.

Quand la protection du droit d'auteur arrive à échéance, l'œuvre tombe dans le domaine public. Les œuvres relevant du domaine public peuvent être copiées, partagées ou traduites par toute personne gratuitement, et sans avoir à demander la permission de quiconque. Il est très important pour nous d'avoir un accès libre aux œuvres relevant du domaine public car celles-ci nous servent d'éléments de base pour créer de nouvelles oeuvres culturelles et scientifiques.

Comprendre comment et quand ce terme expire pourrait être une tâche difficile car ceci diffère d'un pays à l'autre et varie selon l'œuvre en question. Par exemple, les livres et d'autres oeuvres littéraires sont protégés dans le Monde Arabe à partir du moment de leur création et ce pour la durée de la vie de l'auteur plus 25, 50 ou 70 ans après son décès.

Books

Duration of copyright protection of books

La majorité des pays arabes protègent les livres pour la durée de la vie de l'auteur plus 50 ans après son décès, compte tenu de leurs obligations internationales en vertu de l'ADPIC (Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) et la Convention de Berne. Le Bahrein, le Maroc et Oman fournissent une durée de protection du droit d'auteur plus longue que le reste, suite à la signature d'un accord de libre-échange avec les États Unis, qui n'est pas si différent de l'infâme PTP (Partenariat transpacifique) en cours d'élaboration.

La date d'échéance pourrait être plus complexe pour différents types d'oeuvres. Par exemple, bien que la majorité des pays Arabes protègent les photographies pour la même durée que les livres, certains pays donnent un terme plus court à la protection des photographies, calculé à partir du moment de sa prise ou de sa publication.

Photographs

Duration of copyright protection of photographs

La charte ci-dessus montre que le calcul de la durée de protection est complexe. Par exemple, “ la femme Afghane [3]” (la fille Afghane) de Steve McCurry était prise en 1984 et publiée dans le National Geographic en 1985. La photographie est tombée dans le domaine pubic en Lybie depuis 1991, en Arabie Saoudite depuis 2010, au Yémen depuis 2011 et elle reste protégée par le droit d'auteur dans tous les pays où la date d'échéance est liée à la vie de l'auteur, car Steve McCurry est toujours en vie.

Les pays qui ont une courte durée de protection du droit d'auteur doivent-ils simplifier la vie à tous et étendre leur protection afin de concorder avec ceux qui ont la plus longue durée? L'argument souvent présenté par ceux qui supportent une plus longue durée de protection du droit d'auteur est que l'auteur de l'œuvre a consacré du temps et un effort pour donner naissance à son œuvre et de ce fait il est digne d'une protection qui lui permet d'en tirer le profit qu'il mérite, ce qui devrait par conséquent l'encourager à créer plus d'œuvres.

L'argument qui est contre le prolongement du droit d'auteur est qu'il n'y a aucune preuve que ceci inciterait les auteurs à créer plus d'œuvres si le droit d'auteur est accordé à leurs œuvres durant 70 ans au lieu de 50 ans après leur décès. Au contraire, les utilisateurs dans des pays tels que le Bahrein, Le Maroc, et Oman sont nettement désavantagés par une échéance plus longue car ils doivent attendre 20 ans de plus que leurs voisins Arabes avant que les universités, les étudiants et d'autres utilisateurs ne puissent légalement copier, traduire et utiliser d'anciennes œuvres. Cette différence de 20 ans peut facilement augmenter les coûts d'exploitation des secteurs qui dépendent du droit d'auteur, tel que l'éducation et l'industrie du divertissement, en comparaison avec leurs voisins.

Ceci ne signifie pas que les choses sont parfaites dans les pays dont la protection arrive à échéance seulement 50 ans après le décès de l'auteur, cette durée est déja trop longue et signifie pratiquement que les travaux créés par les autres ne fera probablement pas partie du domaine public de notre vivant, mais seulement après notre décès. Les législations sur le droit d'auteur offrent des exceptions qui permettent aux utilisateurs dans certaines circonstances de copier ou utiliser des œuvres sans la permission de l'auteur, mais aucun pays Arabe n'a légiféré pour une exception d’usage loyal [4] et les exceptions existantes sont limitées et ne répondent pas aux besoins des utilisateurs d'œuvres créatives sur internet.

Les pays arabes ne devraient pas prolonger la durée de protetion du droit d'auteur sans prendre en considération les conséquences que ceci aurait sur l'accès au savoir et à la culture. Une protection additionnelle n'engendre pas nécéssairement un grand incitatif aux auteurs pour créer davantage et certainement pas un meilleur systéme de protection du droit d'auteur.

Cet article a été écrit conjointement par Riyadh Al Balushi [5] et Sadeek Hasna [6]. Les graphiques sont pris de Infographic on Copyright Term in the Arab World [7].