Tout au long de 2015, les réfugiés ont afflué en Europe en nombres sans précédent. Dépendant de canaux informels et du simple hasard, ceux qui fuient guerres et persécutions tombent à leur arrivée soit sur des mains secourables et un accueil chaleureux, soit sur des clôtures de barbelés et des obstacles bureaucratiques insurmontables.
L'Union Européenne elle-même a montré sa large impréparation à la gestion adéquate de cet afflux, et les solutions qu'elle a proposées se sont heurtées à des dirigeants davantage portés à l'inaction ou à l'exploitation des peurs et de la xénophobie dans leur pays afin de renforcer leur assise politique. La Hongrie a été particulièrement bruyante dans sa posture anti-réfugiés, avec une consultation nationale trompeuse assimilant migration et terrorisme, et en couvrant le pays d'une campagne d'affichage alarmiste.
Les autorités hongroises ne s'en tiennent pas là. Le gouvernement du premier ministre Viktor Orban et son parti Fidesz ont anoncé leur projet de nouvelle campagne d'affichage, cette fois dirigée directement contre le plan de l'U.E. de relocalisation à travers le continent des réfugiés actuellement en Italie et en Grèce. Les premiers panneaux publicitaires d'une campagne qui coûtera dans les 380 millions de forints (environ 1,2 millions d'euros) aux contribuables, sont en place, et des publicités en pleines pages poussant l'argumentaire du gouvernement fleurissent déjà dans la presse quotidienne à grande diffusion.
Le 3 décembre 2015, la Hongrie a aussi contesté sur le plan juridique le plan européen de relocalisation des réfugiés. Le mois dernier, elle avait également lancé une pétition agressive contre les mesures proposées par l'UE. Des stands sont apparus dans les rues, tenus par des militants improvisés qui faisaient du battage à coup de statistiques fabriquées et de phrases racistes (vidéo en hongrois). Selon les sources officielles, de 900.000 à 1 million de signatures auraient déjà été collectées.
La pétition peut aussi être signée en ligne sur un site web gouvernemental bourré de contre-vérités. Voici un florilège d'affirmations avec explications et corrections.
En réalité, dans le schéma de relocalisation de l'UE, ce sont 1.294 réfugiés qui seraient assignés à la Hongrie, et non 160.000 comme le prétend le gouvernement. Même avec les réunifications de familles, le nombre ne devrait pas dépasser quelques milliers.
L'idée de “no-go” zones est un mythe déboulonné souvent repris dans les cercles de droite et anti-immigration, et l'origine de ce nombre de 900 reste un mystère.
Le plan de relocalisation de l'UE indique que les Etats-membres bénéficiaires recevront 6.000 euros par réfugié. Ce qui est, en fait, la politique de relocalisation de l'UE depuis 2008. Pendant l'été, le gouvernement hongrois a demandé une aide financière à l'UE et a reçu la promesse dun fonds d'urgence de 4 millions d'euros pour aider le pays à faire face à l'afflux de réfugiés. Cette somme n'aurait pas été versée car l'afflux de réfugiés s'est interrompu et le pays a fermé ses frontières.Ce qu'oublie l'argument, ce sont les plus de 60 millions d'euros alloués au pays dans le cadre des fonds européens ‘Asile, Migration et Intégration, et ‘Sécurité Intérieure’ pour la période 2014-2020. Inutile de dire que le plan de relocalisation n'est pas conçu pour fonctionner à la carte entre les différents pays-membres.
Et pour finir, il n'y a pas de preuve que les réfugiés dans leur ensemble, comme le professe le gouvernement, “ne respectent pas [nos] lois et ne veulent pas partager [nos] valeurs culturelles communes”.
Au vu de ces affirmations discutables et de ce langage alarmiste, le Comité Helsinki hongrois a souligné dans un récent communiqué que le gouvernement Fidesz prend sans doute les Hongrois pour des imbéciles.
Les ‘quotas de réfugiés’ de l'Union Européenne
Pour la plupart des réfugiés arrivés par bateau en Grèce, la Hongrie n'était qu'une étape de leur cheminement vers des pays plus “accueillants” comme l'Allemagne et la Suède. Début septembre, les autorités hongroises ont empêché les réfugiés de monter dans les trains vers l'Allemagne, les contraignant à parcourir à pied les 170 kilomètres les séparant de la frontière autrichienne. Les organisations de défense des droits humains ont dénoncé la multiplication des embûches comme contraire aux obligations internationales de la Hongrie.
Ce qui a abouti à la fermeture totale des frontières de la Hongrie mi-octobre. Malgré le déclin consécutif du flux de réfugiés dans le pays, le gouvernement s'est retourné contre le projet de plan de relocalisation de l'UE, consistant à répartir 120.000 réfugiés des pays-membres sur le front de la crise, entre tous les Etats-membres.
Au départ, le plan voulait relocaliser 15.600 réfugiés en provenance d'Italie, 50.400 de Grèce et 54.000 de Hongrie. Mais cette dernière “ne souhaite pas être bénéficiaire du schéma de relocalisation d'urgence”, qui aurait signifié que la Hongrie reçoive 500 euros par réfugié relocalisé, note le communiqué de presse de la Commission Européenne. Le Premier Ministre Viktor Orban a objecté au principe du plan, et a aussi refusé la catégorisation de la Hongrie en pays de la ligne de front, insistant que la plupart des réfugiés reçus étaient entrés en premier par la Grèce. La République Tchèque, la Roumanie et la Slovaquie ont également refusé le plan.
Dernièrement, les ministres de l'UE auraient commencé à discuter de la suspension de la zone Schengen — l'accord qui permet la libre-circulation des personnes entre ses pays-membres — pour une période de deux ans. La Grèce serait la principale concernée, mais des documents fuités laissent entendre que la mesure pourrait être étendue à d'autres Etats-membres, en particulier la Hongrie. Le gouvernement hongrois, atterré, a même contribué à la création d'une initiative “Amis de Schengen” avec d'autres pays d'Europe de l'Est. Un groupe de pression qui laissera probablement inchangé le discours anti-réfugiés et europhobe du gouvernement.