Après 525 jours de détention, des internautes éthiopiens se défendent seuls à leur procès

Graphique basé sur une photo de Zelalem Workagegnehu par Melody Sundberg.

Portrait basé sur une photo de Zelalem Workagegnehu par Melody Sundberg.

Quand leur procès a commencé devant la Haute Cour de Lideta, en Ethiopie, le blogueur éthiopien Zelalem Workagegenhu et ses amis Yonatan Wolde et Bahiru Degu avaient déjà passé plus d'un an et demi en détention [fr].

Zelalem Workagenehu, un universitaire et défenseur des droits humains, qui contribuait au blog de la diaspora DeBirhan a été initialement accusé en octobre 2014 de multiples infractions telles que d'être le leader local du Ginbot 7 (un parti politique d'opposition fondé par le Dr Berhanu Nega), de conspiration pour une révolution violente, ainsi que de publication de reportages sur les sites Web de la diaspora. Ces accusations ont été entre-temps réduites à deux : la première, de recruter des membres pour le parti Ginbot 7 et le second, collaboration à la formation en ligne en communication médias sociaux et en leadership, annulée par la suite.

Yonatan et Bahiru ont été accusés d'avoir présenté une demande de participation à la même formation que le pouvoir décrit comme une “formation pour terroriser le pays”, et d'être des membres du parti Ginbot 7, ce qu'ils nient tous les deux.

Le gouvernement éthiopien qualifie le parti Ginbot 7 d'organisation terroriste en vertu de la loi anti-antiterroriste adoptée en juillet 2009. Les autorités éthiopiennes ont tendance à défendre leur loi en faisant valoir que ses dispositions controversées ont été copiées des lois existantes dans des pays comme le Royaume-Uni.

Leur avocat étant récusé, les internautes choisissent de se défendre seuls

Le trio a choisi de se défendre seul devant les tribunaux après que les autorités judiciaires eurent révoqué la licence de leur avocat, Me Temam Ababulgu, en juin 2015, pour des motifs présentés comme d'ordre “éthique.” L'avocat Ababulgu avait déjà défendu des journalistes, des hommes politiques et des représentants religieux accusés en vertu de la loi anti-terrorisme.

Zelalem et Bahiru quittant le tribunal de Lideta il y a deux semaines. Photo courtoise d'un ami de Zelalem, utilisée avec permission.

Zelalem et Bahiru quittant le tribunal de Lideta il y a deux semaines. Photo comminiquée gracieusement par un ami de Zelalem, utilisée avec permission.

Pendant les deux semaines d'audiences intermittentes à la Haute Cour Lideta à Addis-Abeba, les accusés et leurs témoins ont livré des témoignages personnels et professionnels, faisant valoir que la formation était juridique et éducative.

Ils soutiennent également que les témoins à charge étaient d'anciens prisonniers libérés expressément pour avoir accepté de témoigner contre le trio.

Zelalem a dit à la cour qu'il n'a jamais été membre d'aucun parti politique et qu'il croit en un changement non-violent. il ne pouvait donc pas avoir recruté des membres pour le parti Ginbot 7, un groupe qui préconise diverses formes de lutte. La mère de Zelalem et ses amis, ainsi qu'un membre de l'opposition politique, M. Habtamu Ayalew, ont comparu devant le tribunal en tant que témoins de la défense et ont reconnu avoir  reçu de l'argent du parti Ginbot 7. Zelalem a également fait valoir que ses conversations sur Facebook avec Yonatan et d'autres personnes, qui font partie des charges de l'accusation, ont été extirpés de leur contexte afin de les déformer.

Les autres témoins de la défense en faveur de Zelalem, dont le journaliste en prison Eskinder Nega et les hommes politiques d'opposition Yeshiwas Assefa et Andargachew Tsige, ont été initialement appelés par les juges. Mais au cours des cinq dernières sessions du procès, ils n'ont pas été conduits devant le tribunal par les autorités compétentes.

Les témoins en faveur de Bahiru Degu et Yonatan Wolde comprenaient Zelalem lui-même et d'autres membres du blog Zone9 ainsi que des journalistes, qui ont été récemment libérés après avoir été en prison depuis plus d'un an pour de semblables accusations.

Les allégations de torture et de discrimination ethnique en prison

Zelalem et Bahiru ont décrit leurs conditions de détention. Zelalem a dit qu'il a été enfermé pendant 41 jours dans une pièce extrêmement froide, connu aussi comme “Sibérie” de la prison centrale Maekelawi à Addis Abeba et qu'il a été torturé par ceux qui l'interrogeaient. Il a déclaré que les enquêteurs ont toujours pris ses aveux après 22 heures sous la contrainte et la torture, et que ses déclarations ne devraient donc pas être acceptées comme valables.

Bahiru Degu a détaillé les épreuves qu'il a traversées pendant l'enquête. Bahiru a dit “j'ai été forcé de me déshabiller et j'étais régulièrement battu. En raison de la violence des coups, je ne pouvais pas contrôler mes besoins [sic]. J'ai été forcé de boire ma propre urine “.

Bahiru a révélé que les interrogateurs lui ont demandé s'il était apparenté au Dr. Berhanu Nega, président du parti Ginbot 7, qui appartient à la même ethnie. On lui a également demandé s'il était en relation avec Andargachew Tsgie, Secrétaire général du même parti, qui est actuellement en détention [fr]. Bahiru n'est lié à aucune de ces personnes.

Élaborant sur ​​l'ampleur des violences et de la torture, Bahiru a révélé qu‘il a même tenté de se suicider. Il a dit que “c'est un miracle que je sois vivant et ici en face de vous aujourd'hui.”, Bahiru a dit à la cour qu'il avait subi des insultes racistes de la part des enquêteurs, qui ont insulté son groupe d'appartenance ethnique.

Bahiru a également déclaré que les enquêteurs l'avaient menacé, en disant “nous allons trancher vos vaisseaux sanguins et vous tuer. Nous sommes la police, les procureurs, les juges, l'intelligence, sont tous des nôtres ; vous serez emprisonné pour 20 ans. “Bahiru a révélé qu'il avait été torturé et forcé à avouer qu'il était membre du Mouvement 7 Ginbot. il a déclaré à la Cour que ses aveux enregistrés au cours de l'enquête ont été obtenus sous la contrainte et ne sont pas les siens.

L'audition de la défense est appelée à se poursuivre le 16 décembre 2015 à la Haute Cour fédérale à Lideta, Addis-Abeba.

Note de la rédaction: le nom de Tedla D. Tekle est mentionné dans les accusations portées contre les accusés, en particulier celles qui visent Zelalem Workagegenhu. En ce qui concerne les sources pour ce billet, la rédaction a utilisé des articles précédemment publiés dans la couverture de l'affaire, et des récits de première main du procès des collègues de Tedla basés à Addis-Abeba.Tedla vit hors d'Ethiopie.

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