Quarante-mille personnes, habitant la ville de Madaya [2], dans les monts Qalamoun en Syrie, seraient en train de mourir de faim dans l'indifférence du reste du monde, disent des militants de la cause syrienne. Cette petite ville de montagne, située à 1.400 mètres d'altitude, à 40 kilomètres au nord de Damas dans le gouvernorat de Rif Dimashq, le long de la frontière libanaise, est assiégée par les forces gouvernementales appuyées par la milice du Hezbollah, qui empêchent depuis juillet toute nourriture et aide d'y pénétrer.
La ville est au centre d'une lutte entre différentes factions embourbées dans la guerre civile syrienne, et ses habitants en paient le prix.
Dans un article publié hier, accompagné de photos terribles de Syriens et d'habitants de Madaya mourant ou morts de faim, l'Observatoire syrien des droits humains (SOHR en anglais), basé au Royaume-Uni, explique [3] :
Les gens de Madaya connaissent la famine depuis 174 jours du fait du siège rigoureux par les forces du régime et du Hezbollah, la ville compte 40.000 personnes dont 20.000 civils qui ont fui leurs maisons à Zabdani où ont eu lieu de violents affrontements et de lourds bombardements par les forces du régime et l'aviation.
Le SOHR a constaté des centaines de mines terrestres posées par le Hezbollah et les forces al-Assad autour de la ville de Madaya s'ajoutant à la coupure de la ville d'avec les environs au moyen de barbelés et de fils de fer pour empêcher toute opération d'entrée ou sortie, la ville compte 1.200 cas de maladies chroniques, et 300 enfants souffrant de malnutrition et de maladies diverses, au milieu d'une pénurie aiguë de produits alimentaires et médicaux qui a causé une hausse spectaculaire des prix de l'alimentation, 1 kg de sucre ou de riz coûte 3600 livres syriennes soit près de 90 dollars US, le SOHR a documenté la mort de 17 civils parmi lesquels des femmes et des enfants, par manque de nourriture et de médicaments, ou à cause des mines et des snipers lors de tentatives de trouver de quoi manger autour de la ville.
La presse rapporte que les habitants de Madaya mangent des feuilles, des insectes, et même des chats, depuis l'épuisement de leurs réserves. Sur sa page Facebook, Hand in Hand for Syria (Main dans la main pour la Syrie) dépeint un tableau plus affreux [4]:
La plupart des photos qui sortent de la petite ville de Madaya (environs de Damas) sont trop crues pour être montrées. Les images choquantes dépeignent le vrai visage du désespoir humain : des êtres réduits à des squelettes, yeux enfoncés dans leurs orbites, cages thoraciques saillantes, attendant leur tour d'être appelés par la mort.
Cela fait six mois que les gens de Madaya sont assiégés. Récoltes et provisions se sont amenuisées, ne laissant rien d'autre que le désespoir. La nourriture restante dans la ville est devenue si chère que la plupart des gens ne peuvent simplement pas se payer de quoi manger.
Ils ont commencé par faire cuire les récoltes. Quand il n'en resta plus, ils cuisaient l'herbe, les plantes… puis les insectes. Quand la malnutrition devint insupportable, ils se sont résolus à manger les chats.
Les chats.
A ce jour, la famine a pris les vies d'une cinquantaine d'habitants. La malnutrition est répandue, et avec le froid de l'hiver qui s'installe, c'est par milliers que les gens sont en danger accru d'hypothermie.
Pourtant le monde reste impassible, constate le blogueur BSyria :
Assad is starving Madaya. Children, women and men are starving to death. The world is just watching.
— BSyria (@BSyria) January 4, 2016 [5]
Assad affame Madaya. Enfants, femmes et hommes meurent de faim. Le monde se contente de regarder.
Selon Raed Bourhan, un fixeur syrien vivant à Beyrouth au Liban, l'arrivée de l'hiver exacerbe encore davantage la situation déjà désespérée de Madaya :
1000s are living in harsh conditions freezing in -5° winter fuel and wood are rarely available. #Madaya_is_starving [6]pic.twitter.com/oAvcVJgmyP [7]
— Raed Bourhan (@raedbrh) January 2, 2016 [8]
Des milliers vivent dans des conditions hostiles, le gel à -5°, mazout et bois de chauffage sont rarement sous la main
Dans un autre tweet, il partage des photos d'enfants “dépouillés de leurs droits” par la poursuite de la guerre en Syrie :
#children [9] lost their basic rights of happiness education warmth and hope #Madaya_is_starving [6]#Madaya [10]#Syria [11]pic.twitter.com/q4G8FyR0uD [12]
— Raed Bourhan (@raedbrh) January 2, 2016 [13]
Les enfants ont perdu leurs droits fondamentaux, bonheur, éducation, chaleur et espoir #Madaya_meurt_de_faim
Un troisième tweet décrit comment les prix alimentaires ont explosé dans les zones assiégées, qui sont encerclées de mines et de tireurs embusqués interdisant aux habitants de partir :
Food prices have hit the records 1kg of cereals and rice cost at least 100$ #Madaya_is_starving [6]#Madaya [10]#Syria [11]pic.twitter.com/uWYgLvzDPg [14]
— Raed Bourhan (@raedbrh) January 2, 2016 [15]
Les prix alimentaires battent tous les records, 1 kg de céréales et de riz coûte au moins 100 dollars #Madaya_meurt_de_faim
La page Facebook de Madaya a lancé un appel [16] à des manifestations de solidarité des défenseurs la cause syrienne devant les ambassades russes (la Russie mène des frappes aériennes en Syrie) et les représentations de l'ONU :
Invitation aux militants et organisations humanitaires et de droits humains à travers le monde, et une manifestation de solidarité avec Madaya assiégée, devant les ambassades de Russie et les bureaux de l'ONU.
#sauvez_madaya
#répondez_nous
Une autre entrée supplie le monde de sauver les enfants [17] de Madaya :
Sur Facebook, la Syrienne Kenan Rahbani partage des photos d'habitants de Madaya mourant de faim et commente [18] :
Pardonnez-moi de publier ces photos choquantes, mais je le dois.
Si ces gens meurent de faim, ce n'est pas parce qu'ils sont pauvres, ou que la nourriture manque. Le Hezbollah et le régime Assad affament à mort la ville de Madaya. Elle est totalement assiégée, et ni nourriture, ni médicaments ni eau ne sont autorisés à y pénétrer. L'ONU est là mais ne peut entrer dans la ville parce que le Hezbollah et le régime Assad ne les laissent pas entrer.
Cela se passe en 2016 en Syrie. Et l'EI n'y est pour rien.
La militante syrienne Rafif Joueati se demande combien de personnes devront encore mourir avant que le monde agisse :
#Madaya [10] isn't 1st to suffer #starvation [19] siege, not last. Question is, how many more 10s of thousands will die before int'l action? #Syria [11]
— Rafif Jouejati (@RafifJ) January 4, 2016 [20]
Madaya n'est ni la première ni la dernière à subir la famine d'un siège. La question est, combien d'autres dizaines de milliers vont mourir avant une action internationale ? #Syrie
Elle pose une autre question :
What happens when there are no more leaves to eat? #Madaya [10]#Syria [11]
— Rafif Jouejati (@RafifJ) January 5, 2016 [21]
Et quand il n'y aura plus de feuilles à manger ?
Et de s'interroger :
L3ama. If we said 40,000 puppies were starving to death the whole world would march in protest. Humans? Not so much. #Madaya [10]#Syria [11]
— Rafif Jouejati (@RafifJ) January 5, 2016 [22]
Aveugles. Si on disait que 40.000 chiots mouraient de faim le monde entier défilerait pour protester. Des humains ? pas tellement.
Lire aussi
[en anglais]
- Al Monitor: Besieged Madaya residents face starvation [23]
- Independent: War in Syria: Up to 40,000 civilians are starving in besieged Madaya, say campaigners [24]
- Suivez le hashtag #madaya [25] sur Twitter
[en français]