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L'organisation mexicaine El Caracol au service de l'intégration des sans-abris à Mexico

Catégories: Mexique, Droits humains, Femmes et genre, Jeunesse, Médias citoyens
Jóvenes universitarios en trabajo comunitario con las poblaciones en situación de calle de Ciudad de México. "Seguimos acompañando acciones solidarias y de acompañamiento educativo a través de iniciativas profesionales de univeritarixs dispuestos a transformar otras miles de miradas y a promover el cambio cultural." Fotografía tomada de la página en Facebook de El Caracol y usada con permiso. [1]

De jeunes étudiants dans leur travail communautaire avec les sans domicile fixe de la ville de Mexico. « Nous continuons d'accompagner des actions solidaires et de soutien éducatif par le biais des initiatives professionnelles d'étudiant-e-s disposé-e-s à faire changer mille regards de plus et à promouvoir un changement culturel. » Photographie tirée de la page Facebook del Caracol et utilisée avec sa permission.

La population sans abri de Mexico est, comme dans d'autres grandes villes, confrontée au stigmate construit par les médias et à la discrimination de la population en général. La relation que les individus et les autorités ont avec celles et ceux qui vivent dans la rue est la plupart du temps faite d'indifférence, de discrimination et de rejet. D'après les chiffres du gouvernement du district fédéral [2] du Mexique, 9000 personnes vivent à Mexico dans l'espace public, dont un tiers seulement est pris en charge par l'Etat.

La rue vue des réseaux

La discrimination et la criminalisation [3] de la part des autorités se traduit par le refus de services, la violence policière et les arrestations arbitraires qui sont régulièrement signalées. Dans ce travail de Shaila Rosagel pour le site Sin Embargo [4], les témoignages recueillis mettent en évidence ces mauvais traitements :

…Marina, tiene 23 años. Vive en la calle desde los nueve y padece una extrema delgadez. […] Hace un mes que acudió al Centro Toxicológico Venustiano Carranza porque vomitaba sangre, pero regresó a la calle, donde vive, igual como se fue: enferma y sin medicamentos. No hubo quién le surtiera la receta en el hospital.“Me dijeron que no necesitaba internamiento. La doctora que me atendió me dijo que me fuera. Yo me sentía muy mal”.

… Marina, elle a 23 ans. Elle vit dans la rue depuis ses 9 ans et présente une maigreur extrême.[…] Il y a un mois, elle s'est rendue au Centre de toxicologie Venustiano Carranza car elle vomissait du sang, mais elle est retournée dans la rue, où elle vit, dans le même état qu'avant: malade et sans médicaments. Personne ne lui a délivré d'ordonnance à l'hôpital. «Ils m'ont dit que je n'avais pas besoin d'être hospitalisée. La femme médecin qui s'est occupée de moi m'a demandée de partir. Je me sentais très mal.»

Sur Twitter, signaler des personnes [sans domicile fixe] aux autorités est une constante, et ces signalements donnent lieu à des expulsions musclées. Les personnes qui font des signalements n'ont que peu conscience de l'impact qu'ils ont sur les groupes de sans abri et du travail de « nettoyage social » réalisé ensuite par les autorités:

Dans cette vidéo [es], partagée par El Caracol [9], différentes personnes qui vivent dans la rue témoignent des abus commis par la police. Leur situation est selon celles et ceux qui s'expriment dans la vidéo ce qui les rend vulnérables aux fausses accusations et à de nombreuses injustices:

Par ailleurs, l'état des centres d'hébergement de la ville de Mexico fait qu'ils ne constituent pas une solution. D'après le média numérique Contralínea [10], le directeur de l'Institut d'assistance et d'intégration sociale en personne, Rubén Fuentes Rodriguez [11], a reconnu que « la rue [était] préférable aux centres d'hébergement » qui sont à sa charge.

Le changement nécessaire va donc sans doute au-delà de la réforme institutionnelle ;  modifier la perception que les gens ont des sans domicile fixe semble être un point de départ important.

Des initiatives citoyennes pour parvenir à des changements concrets: Les histoires de El Caracol

El Caracol [l'escargot en français] est une organisation qui œuvre à la défense des droits des sans-abris. L'organisation accompagne des hommes et des femmes tout au long du processus vers une vie indépendante. Sa page Facebook [12] est une petite fenêtre sur les histoires, expériences et réussites des personnes avec qui elle collabore; et aussi une invitation à participer à l'inclusion de la population sans abri et au respect de ses droits:

"Las fronteras de mi ser no están en mi piel sino en la suya; ahora veo mi vida a través de sus ojos y la veo cargada de otros colores, de otros brillos y otras penumbras. Yo también nací de nuevo." Fotografía y testimonio tomados de la página en Facebook de El Caracol y publicados con permiso. [13]

 «Les frontières de mon être ne sont pas dans ma peau mais dans la sienne; je vois à présent ma vie à travers ses yeux et je la vois sous d'autres couleurs, d'autres éclats et d'autres pénombres. Je suis moi aussi née de nouveau.» Photographie et témoignage tirés de la page Facebook de El Caracol et publiés avec sa permission.

La défense des droits des personnes sans domicile fixe dans leur diversité fait également partie du travail du collectif El Caracol :

Diversidad en las calles [13]

Campagne pour la Journée nationale de lutte contre l'homophobie. «Nous devons veiller à l'égalité des chances et au respect des droits humains de tous et de toutes ; personne ne doit juger des différentes manières d'aimer. Parmi la population sans domicile fixe, les personnes qui appartiennent à la communauté LGBTTTI vivent une discrimination multidimensionnelle ; en effet, en plus des agressions verbales et physiques de la part de la collectivité et des fonctionnaires, elles font face à un déni d'accès aux soins de santé, de leur identité, de leurs droits sexuels et de leur droit au travail.»

El Caracol propose un accompagnement intégral pour ce qui a trait à la réalité des enfants, des jeunes et des femmes qui vivent dans la rue par le bais d'un modèle de gestion multidimensionnel avec une méthodologie innovante qui facilite l'émergence de nouvelles alternatives de vie loin des rues.

:: Audiencia pública con poblaciones callejeras :: [13]

Réunion publique avec des personnes sans domicile fixe. Photographie de El Caracol, disponible sur son compte Facebook et publiée avec sa permission.

L'organisation cherche également à faire participer de manière active les personnes sans abri à ses processus de prise de décision et à l'exercice de leurs droits pour faciliter l'accès aux services de santé, à un logement et à l'emploi. El Caracol est aussi l'une des principales organisations qui mènent des actions de plaidoyer afin de créer des mécanismes de protection et des programmes qui aident les sans domicile fixe à s'en sortir.

Gerardo Rodríguez de El Caracol a partagé avec Global Voices une partie de son expérience:

Uno de los mayores aprendizajes de trabajar con poblaciones callejeras es que son una población totalmente invisible para la sociedad a la cual no se le considera como sujetos de derechos… Es una población diversa y por lo tanto sus derechos están asociados a la diversidad. Es decir no es lo mismo una mujer que está en la calle, a una mujer en la calle con hijos, o una persona con alguna discapacidad, o niños en situación de calle.”

L'un des enseignements majeurs dans le fait de travailler avec des personnes sans domicile fixe est que ce sont des gens totalement invisibles pour la société qui ne les considère pas comme des sujets de droits… C'est une population diversifiée et par conséquent ses droits sont associés à la diversité. En d'autres termes, une femme qui est à la rue est différente d'une femme à la rue avec des enfants, ou qu'une personne handicapée, ou que des enfants à la rue.

“Chiras Pelas Calacas Flacas”: une campagne d'étude et de sensibilisation

En 2015 a été menée la campagne Chiras Pelas Calacas Flacas [14] [fr], une méthode que El Caracol utilise depuis 11 ans pour parler de la mort, en approfondir les causes et recueillir des informations autour des risques et du nombre de morts qu'il y a parmi les gens qui vivent dans la rue. La vidéo [es] présente un aperçu de l'expérience:

Le nom de la campagne vient d'une expression fréquemment employée dans le jeu de billes [15] [fr] au Mexique. Ce jeu se caractérise par l'utilisation d'un langage courant assez lié à la mort. Dans le jeu, les billes des joueurs sont « noyées ». Le tir qui parvient à frapper plus d'une bille adverse est connu sous le nom de « chiras pelas ». Quant à « calacas fracas », cela signifie « il ou elle est mort-e » ou « c'est fini ».

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Nous n'avons pas peur de la mort mais d'être invisibles pour une société qui se dit humaine et ignore ses frères. #GritaMuerteCero [Crie zéro mort]

Une fois la campagne dans la rue achevée, El Caracol utilise les réseaux sociaux pour diffuser l'information. D'après Gerardo,

Las ventajas de estas plataformas es que los contenidos que publicamos pueden ser vistos por más personas gracias a las redes que se crean. Ahora nos han permitido mantenernos activos y a partir de los análisis también saber más sobre las mejores horas para publicar nuestros mensajes y conocer a quiénes nos dirigimos. Son fundamentales para nuestro trabajo. Ahora sabemos que no es sólo acerca de poner información en algún lado, sino que es necesario humanizar esa información y comunicar que estas personas no sólo son un numero, no sólo son un dato.

L'avantage de ces plate-formes est que les contenus que nous publions peuvent être vus par davantage de personnes grâce aux réseaux qui se créent. A l'heure actuelle, elles nous ont permis de rester actifs ainsi que d'en savoir plus à partir des analyses sur les meilleurs heures pour publier nos messages et connaître ceux à qui nous nous adressons. Elles sont essentielles dans notre travail. Nous savons maintenant qu'il ne s'agit pas simplement de mettre des informations de côté mais qu'il est nécessaire d'humaniser ces informations et de communiquer sur le fait que ces personnes ne sont pas un simple numéro, une simple donnée.

Les publications de El Caracol et ses nombreuses histoires sont disponibles sur Facebook [16] et Twitter [17]. On peut contacter les organisateurs par le biais de ces réseaux sociaux ainsi qu'avoir accès aux formes que peut prendre le soutien aux initiatives, qui comprennent des aides financières via des comptes bancaires.