En Arménie, le mouvement ‘Erevan Electrique” au crible des médias

Protesters at Electric Yerevan. Screenshot from YouTube video uploaded by Raymik.

Manifestants d'Electric Yerevan (‘Erevan Electrique’). de la vidéo YouTube de Raymik.

Electric Yerevan (‘Erevan électrique’), une vaste contestation de la hausse du coût de la vie en Arménie et dénonciation de la corruption ressentie dans le secteur de l'électricité, a été un énorme événement pour un petit pays, qui a fait la tendance sur Twitter et suscité des milliers de commentaires sur Facebook pendant l'apogée des deux semaines de manifestations l'été dernier dans la capitale arménienne. Le gouvernement a été contraint de renoncer à son projet d'alourdir la facture énergétique de ses concitoyens.

Tout récemment, la première agence mondiale d'information multimédia, Reuters, a inclu la photo d'Electric Erevan du photographe arménien Vahram Baghdasaryan dans sa sélection des photos de l'année 2015.

Reuters classe la photo de Baghdasaryan sur #ElectricYerevan parrmi ses Meilleures Photos de l'année 2015

Tous les médias ne partagent cependant pas la même appréciation sur Electric Yerevan.

Du côté occidental, c'est l'aspect pacifique d'Electric Yerevan qui est souligné : les protestataires qui passent le temps avec des parties d'échecs, des danses folkloriques, et nettoient derrière eux avant de s'en aller.

Les télévisions et sites d'information russes, en revanche, ont voulu voir dans Electric Yerevan un remake du Maïdan ukrainien, qui a éjecté un président largement pro-russe et pavé la voie à un gouvernement anti-Moscou à Kiev.

Il n'y a rien de mal à avoir “l'air Maïdan”

Les mass-médias russes prétendaient qu'Electric Yerevan était orchestré de l'étranger et propulsé par la propagande américaine. Pour les copistes russes, le parallèle était évident. Le gouvernement avait pris le chemin inverse de l'Ukraine et accepté de rejoindre en 2013 l'Union économique eurasienne appuyée par le Kremlin, tournant le dos à un accord d'association avec l'Union Européenne. L'Occident glouton ne se contentait pas de l'Ukraine, raisonnaient-ils.

Les participants d'Electric Yerevan, à leur tour, n'ont vu que le côté négatif de la couverture médiatique russe.

A un moment des manifestations, on a vu un jeune garçon tenir trois ballons représentant les couleurs du drapeau arménien : rouge, jaune (ou orangé) et bleu. Le ballon rouge éclata, il ne resta que le bleu et le jaune, et les médias russes foncèrent sur la combinaison bleu-jaune supposée révéler des sympathies ukrainiennes. Belle illustration de biais médiatique où “l'on voit ce qu'on a envie de voir”.

En réalité, Electric Yerevan n'était lié de près à aucun parti ni chef politique. Le mouvement était mené surtout par les jeunes et les groupes civiques. Les slogans étaient du genre “Stop à la Corruption”, “Non à la flambée des prix”, “Haute Tension”, mais jamais “Révolution”.

“Les mass média ont aidé à diffuser les thèmes soulevés. Quand il fallait faire passer le message, les médias en parlaient sans hésitation”, se souvient Vaghinak Shushanyan, un des principaux activistes de Electric Yerevan. “Pas toujours avec le contexte dont nous avions besoin, mais ils publiaient”, a-t-il expliqué à Global Voices.

Les médias sociaux ont aussi joué un rôle vital pour organiser les gens et les faire venir sur l'avenue Baghramyan et à l'épicentre des manifestations. La plupart des contestataires étant âgée de 20 à 30 ans, c'est surtout grâce à Facebook et Twitter qu'ils étaient informés de l'événement et qu'ils convergeaient à Baghramyan. En même temps, ces mêmes médias sociaux ont aussi été un outil de surveillance et de provocation aux mains du gouvernement.

Du côté des médias traditionnels ayant couvert Electric Yerevan, le journal Civilnet financé par une association locale de la société civile, et le service Arménie de RFE/RL (Radio Free Europe), financé par le Congrès des Etats-Unis, ont de loin eu le plus de poids. RFE/RL a été particulièrement important, en émettant en temps réel sur le mouvement pour une lame de fond d’auditeurs qui ont frisé les 300.000, un dixième de la population de l'Arménie, qui est de 3,2 millions.

Electric Yerevan n'a sans doute pas été ourdi par l'Amérique comme semblent le penser de nombreux organes d'informations russes. Mais des journalistes arméniens travaillant pour un organe de presse à financement américain ont beaucoup fait pour le rendre visible.

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