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Assassinat au Honduras de Berta Cáceres, écologiste et défenseur des droits des peuples indigènes

Catégories: Honduras, Dernière Heure, Droits humains, Environnement, Ethnicité et racisme, Femmes et genre, Médias citoyens, Peuples indigènes, Politique
Photo: Berta Caceres in interview with the media Venas Abiertas. Screenshot taken from the video, available on Youtube. [1]

Berta Cáceres interviewée par Venas Abiertas. Photo: Youtube.

Après des années de militantisme et de défense des droits des communautés aborigènes et de l'environnement, la célèbre dirigeante indigène écologiste Berta Cáceres a été assassinée au Honduras le 3 mars. D'après SOAWatch [2]:

At approximately midnight last night, the General Coordinator of COPINH, Berta Caceres was assassinated in her hometown of La Esperanza, Intibuca. At least two individuals broke down the door of the house where Berta was staying for the evening in the Residencial La Líbano, shot and killed her.

Hier soir, aux alentours de minuit, la coordinatrice générale de la COPINH, Berta Cáceres, a été assassinée dans son village natal La Esperanza dans l'Intibuca.  Deux individus au moins ont forcé la porte de la maison où elle se trouvait pour la nuit dans la Residencial Líbano et l'ont abattue.

Mondialement connue pour son militantisme, Berta Cáceres avait reçu l'année dernière le prix Goldman pour son action en faveur de l'environnement, [3]notamment pour avoir contribué à empêcher la construction d'une centrale hydroélectrique sur le río Gualcarque. Les honneurs ont été accompagnés de toute une série de menaces de mort comme le souligne le communiqué de presse [4] publié à l'occasion de la remise de prix :

What [hasn’t] stopped are death threats to Cáceres. Her murder would not surprise her colleagues, who keep a eulogy—but hope to never have to use it. Despite these risks, she maintains a public presence in order to continue her work. In a country with some of the highest murder rates in the world, Cáceres hopes the victory in Agua Zarca will bring hope to activists fighting irresponsible development in Honduras and throughout Latin America.

Les menaces de mort contre Cáceres n'ont pas cessé. Son assassinat ne prendrait pas ses collègues au dépourvu. Ils ont un discours tout prêt (même s'ils espèrent ne pas avoir à l'utiliser). Malgré les risques, elle continue de se montrer en public pour poursuivre son oeuvre. Dans ce pays, où le nombre de meurtres est le plus élevé au monde, Berta Cáceres espère que la victoire de Agua Zarca apporte de l'espoir à ceux qui luttent contre le développement irresponsable au Honduras et dans toute l'Amérique Latine.

L'organisation “Witness for Peace” a résumé [5] les forces auxquelles Cáceres s'est trouvée confrontée, en s'opposant à la construction du barrage :

Following the US-backed coup in Honduras in 2009, the floodgates for selling off Honduran land and natural resources to transnational and national corporations blew open. For example, the coup government granted 47 hydroelectric dam concessions with a single law, without consulting the communities that would be directly impacted and thereby violated international conventions including the International Labor Organization’s (ILO) convention 169 that requires the Honduran state to defend indigenous land and natural resources and prevent their forced displacement.

Après le coup d'état de 2009 au Honduras, soutenu par les Etats-Unis, les vannes des ventes de terres et de ressources naturelles du pays, se sont ouvertes en grand pour les sociétés nationales et multinationales. Par exemple, le gouvernement a accordé de fait, en une seule loi, 47 concessions de centrales hydroélectriques, sans consulter les communautés qui pourraient en être directement affectées, violant ainsi des traités internationaux notamment la Convention 169 de l'OIT ratifiée par le Honduras, qui l'oblige à défendre les ressources naturelles et les territoires des peuples indigènes et interdit leur déplacement forcé.

Depuis plusieurs jours, l'organisation dirigée par Cáceres, COPINHHONDURAS [6], dénonçait la répression subie par les communautés indigènes et apportait des preuves des spoliations dont souffre la communauté Lenca :

La Rapporteuse Spéciale sur les droits des peuples indigènes à l'ONU a, elle aussi, souligné les abus subis par la communauté Lenca et son combat pour un environnement meilleur. Lors de sa récente visite au Honduras, elle a déclaré [10]:

In the course of the visit and my examination of the situation of indigenous peoples, I observed the critical situation faced by them regarding their rights on their lands and natural resources, violence, impunity and corruption, access to justice and lack of adequate social services including in education and health.

Durant ma visite pour examiner la situation des peuples indigènes, j'ai constaté la situation critique dans laquelle ils se trouvent concernant leurs droits sur la terre et sur les ressources naturelles, la violence, l'impunité et la corruption, l'absence d'accès à la justice et aux services sociaux appropriés, notamment l'éducation et la santé.

Le Honduras, où la corruption est endémique, détient le terrible record du plus grand nombre d'assassinats de militants écologistes et de femmes [11]. Des organisations du monde entier ont prié instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates pour régler les problèmes auxquels Berta Cáceres a consacré sa vie. Les militants en appellent aussi aux autres pays pour qu'ils fassent pression sur les représentants du Honduras qui viennent de créer la Commission du Honduras contre l'impunité [12].

On pourrait espérer que cette commission devienne une opportunité pour le gouvernement de démontrer sa volonté politique. Actuellement, après l'assassinat de Cáceres, ce qui est clair, c'est que le pays doit mettre en place au plus vite un mécanisme qui mette fin à la violence, la corruption et l'impunité.