Les enfants apatrides du Bhoutan

A mother and her child in Bhutan. Photo: Steve Evans / Flickr. CC 2.0. Edited by Kevin Rothrock.

Une mère et sa fille au Bhoutan. Photo: Steve Evans / Flickr. CC 2.0. Editée par Kevin Rothrock.

La nation himalayenne du Bhoutan [fr], dont la population est d'environ 750000 personnes, est connue pour le concept de «bonheur national brut» – une formule créée en 1972 pour exprimer l'engagement du pays en faveur des valeurs spirituelles bouddhistes plutôt que du développement matériel de l'Occident. Ces derniers temps, les lois strictes sur la citoyenneté au Bhoutan ne vont cependant pas vraiment vers un accroissement du bonheur, alors que des milliers d'enfants bhoutanais abandonnés par leur père sont devenus apatrides en vertu des lois bhoutanaises.

La Constitution du pays stipule que:

A person, both of whose parents are citizens of Bhutan, shall be a natural born citizen of Bhutan.

Un individu dont les deux parents sont des citoyens bhoutanais accède de plein droit à la citoyenneté bhoutanaise.

Ce qui rend les choses particulièrement difficiles est que les enfants de père inconnu ou ceux dont l'un des parents n'a pas la citoyenneté du pays ne peuvent être inscrits dans le recensement national. Au Bhoutan, il est impossible de bénéficier des services publics, d'accéder à la propriété ou d'obtenir un passeport pour voyager à l'étranger sans document attestant de la citoyenneté.

Vishal Arora, journaliste, écrivain et réalisateur basé à New Delhi, a tourné un documentaire sur le sujet dans le cadre d'une campagne intitulée Media Project:

Abandoned by their fathers, these children are brought up by their mothers, who endure financial hardships to raise them and yet fail to ensure a good future for them.

For, Bhutan requires the legal identity of a child’s father before granting him or her citizenship rights.

These mothers and their fatherless children are paying the price for growing alcoholism and the misuse of the age-old tradition of nightly dating, called “Night Hunting,” the two key reasons behind the high incidence of unprotected premarital sex.

Abandonnés par leur père, ces enfants sont élevés par leur mère, qui traversent d'immenses difficultés financières pour les éduquer et ne peuvent néanmoins pas leur garantir un avenir favorable.

En effet, le Bhoutan réclame l'identité légale du père d'un enfant avant d'octroyer à celui-ci ou celle-ci les droits liés à la citoyenneté.

Ces mères et leurs enfants sans père payent le prix d'un alcoolisme grandissant et de l'usage abusif de la vieille tradition du rendez-vous nocturne, appelé «chasse de nuit», deux raisons clé qui expliquent la forte prévalence des rapports sexuels non protégés avant le mariage.

Le destin de ces enfants sans père est incertain en raison des reports de la procédure d'enregistrement au Bhoutan, lorsqu'une mère est incapable d'identifier le père de son enfant. L'avortement est illégal au Bhoutan, en-dehors des cas de viols, d'inceste, de risques pour la santé mentale ou de danger pour la vie de la mère. Par conséquent, de nombreuses femmes ont recours à l'avortement illégal ou traversent la frontière avec l'Inde pour mettre fin à leur grossesse.

Le blogueur Passu observe:

I find more compassion in abortion; killing a cell for the sake of a woman’s life, and liberating both the mother and the child from depth of mistake. Abortion is not an ice cream that everybody would enjoy if made free, it is but the only option left when everything seems wrong. No woman will go for abortion for pleasure.

Je trouve plus de compassion dans le fait d'avorter, tuer une cellule pour la vie d'une femme, et libérer à la fois la mère et l'enfant des affres de l'erreur. L'avortement n'est pas une crème glacée que tout le monde apprécierait si elle était gratuite, c'est l'unique option qui reste lorsque tout semble aller mal. Aucune femme n'avorte pour le plaisir.

Yeshey Dorji écrit sur son blog:

Centuries of societal indoctrination has numbed our mind into believing that a child born out of the wedlock is, without contest, fathered by the husband of the woman bearing the child. This belief is so deep rooted in our consciousness that to suggest otherwise is anathema. But if you were to contemplate this matter a little deeper, you will realize that this is a fallacy of gargantuan proportions. The truth is that no one, but a mother alone may testify to the veracity of the fact. For all you know, the child could have been secretly fathered by someone from Timbuktu.

This brings us to the realization that where the Bhutaneseness of a child is needed to be established, nothing can be as authoritative and genuine and genetically pure as that of the Bhutanese mother who bore the child. Since there is room for duplicity, I think it is erroneous to set the criteria that the father of the child ought to be a Bhutanese for the child to qualify as a Bhutanese.

Des siècles d'endoctrinement de la société ont engourdi nos esprits au point de croire que le père d'un enfant né hors mariage est indubitablement le mari de la femme qui a donné naissance à l'enfant. Cette croyance est si profondément enracinée dans nos consciences qu'émettre une autre hypothèse entraîne un anathème. Mais lorsque l'on se penche sur la question de manière un peu plus approfondie, on se rend compte qu'il s'agit d'une erreur aux proportions gargantuesques. La vérité est que personne à part la mère ne peut attester de la véracité des faits. Autant qu'on sache, l'enfant a pu être conçu avec un homme de Tombouctou.

Cela nous amène au constat que, en ce qui concerne la nécessité d'établir le «caractère» bhoutanais d'un enfant, rien ne peut faire autant autorité, n'est aussi authentique et génétiquement pur que celui de la mère bhoutanaise qui a mis l'enfant au monde. Etant donné la possibilité de supercherie, je pense qu'il est erroné d'établir comme critère le fait que le père de l'enfant soit bhoutanais pour que celui-ci remplisse les conditions requises pour l'être.

Sonam Ongmo souligne sur son blog:

Apart from having to deal with the cowardly men who have made them pregnant, and leave both woman and child in limbo, the least she should have to deal with is the government doing this too. Why should a woman have to prove who the father is in oder to avail citizenship for her child? What if the woman was raped? And even if she wasn't, what prevents her or her child from being a citizen? It is inhumane to put a woman through this!

It is the Nation's responsibility; the government's responsibility to ensure citizens, especially women, this right and to make it as easy as they can for them to avail this right.

Hormis le fait d'avoir à se confronter aux hommes lâches qui les ont rendu enceintes, et laissé à la fois femme et enfant dans la misère, la dernière chose à laquelle les femmes devraient faire face est que le gouvernement agisse également en ce sens. Pourquoi une femme devrait-elle prouver qui est le père pour permettre à son enfant d'accéder à la citoyenneté? Qu'en est-il si la femme a été violée? Et même si ce n'est pas le cas, qu'est-ce-qui l'empêche elle ou son enfant d'être citoyen-ne? Faire endurer cela à une femme est inhumain!

C'est la responsabilité de la Nation, la responsabilité du gouvernement d'assurer aux citoyens ce droit, et en particulier aux femmes, et de leur faciliter autant que possible l'accès à ce droit.

Yeshey Dorji conclut:

A benevolent law should not encourage gender bias and unequal treatment. We have always been a matriarchal society and thus, it is not in our character to treat our women as if they were second class citizens. Our laws should give them the same dignity, right and freedom as those that are accorded our men.

Une loi favorable ne devrait pas encourager les inégalités de genre et de traitement. Nous avons toujours été une société matriarcale et, par conséquent, ce n'est pas dans notre caractère de traiter nos femmes comme si elles étaient des citoyennes de seconde zone. Nos lois devraient leur donner la même dignité, les mêmes droits et libertés que ceux qui sont accordés aux hommes.

Reste à voir si le gouvernement bhoutanais réformera ses lois et ses régulations, ou si les femmes doivent s'attendre à continuer à faire face aux mêmes difficultés qu'aujourd'hui.

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