En Afghanistan la route qui mène aux droits des femmes est semée d'embûches, mais se construit sur l'espoir

Women in the Afghan National Army. U.S. Air Force photo/Staff Sgt. Laura R. McFarlane/Released. Creative commons.

Femmes de l'Armée Nationale Afghane. Photo de l'Armée de l'Air Américiane.Autorisation du Sgt. Laura R. McFarlane sous Creative Commons.

Pour les femmes afghanes, la fin de l'ère de répression systématique et de violence des talibans a été un soulagement, mais elle a été remplacée par la peur et l'insécurité qui ont suivi l'invasion du pays par les Etats Unis.

Aujourd'hui, la politique des sexes en Afghanistan est plus compliquée que jamais, avec des avancées dans certains domaines contrebalancées par des retours en arrière ailleurs.

En début d'année l'équipe cycliste féminine nationale d'Afghanistan a été nominée pour le Prix Nobel de la Paix, et Sumaya Ghulami a remporté la médaille d'or en taekwondo aux jeux sud-asiatiques qui se sont tenus à Guwahati et Shillong, en Inde, ce qui aurait été impensable à l'époque des talibans.

Mais les femmes ont été les principales victimes de l'avancée des talibans et de l'augmentation de la violence criminelle que, ni le faible gouvernement de Kaboul ni le contingent militaire américain au sol de moins en moins nombreux, n'ont pu contenir.

Tristes récits

L'avènement des médias sociaux a dévoilé les violences les plus monstrueuses commises à l'encontre des femmes récemment.

En novembre dernier, dans un village de la province de Ghor contrôlé par les Talibans, une jeune femme de 19 ans, Rokhshana, accusée d'adultère a été lapidée à mort.

La lapidation à mort de Rokhshana fait penser à l'assassinat violent de Farkhunda,

Rohkshana a été juridiquement accusée d'adultère alors qu'elle fuyait un mariage imposé, et la vidéo devenue virale de sa lapidation, filmée à l'aide d'un téléphone portable, n'a inspiré que dégoût sur les réseaux sociaux qui se développent en Afghanistan.

L'ancienne gouverneure de la province de Ghor, Seema Joyenda, la seconde femme nommée gouverneur en Afghanistan, se battait activement pour que justice soit rendue à Rokhshana.

Mais Joyenda elle-même a fini par être destituée de son poste après que les conservateurs ont mené avec succès -bien que contesté-  une campagne pour la chasser de ses fonctions.

Du jamais vu : des hommes afghans manifestent en faveur d'une femme gouverneur dans la province reculée de Ghor. Je reprends espoir !

La lapidation de Rokhshana est survenue quelques mois après un terrible incident qui a fait le tour du monde. Farkhunda, une handicapée mentale, a été battue à mort et brûlée pour avoir prétendument mis le feu à un exemplaire du Coran.

L'une des pires atrocités en ce qui concerne la violence faite aux femmes depuis 2001 s'est passée à la fin de l'année dernière. Le journal Pajhwok Afghan rapporte que 11 hommes, dont 4 policiers, ont violé en bande une fillette de 9 ans au nord-ouest du pays, où le gouvernement et les Talibans se disputent le pouvoir.

Le printemps des Afghanes

Mais il n'y a pas que de mauvaises nouvelles.

Ce mois-ci Sumaya Ghulami a été accueillie en héroïne à son retour en Afghanistan, après avoir gagné une médaille d'or en taekwondo aux Jeux Sud Asiatiques 2016. Elle a été félicitée officiellement par le Président Ghani et applaudie par la presse.

(3/3) Le Président a récompensé Sumaya Ghulami et 3 autres athlètes et les a félicités

L'épouse du président Ghani, Rula Ghani, a récemment annoncé un projet de construction de la première université réservée aux femmes dans le pays, grâce à des financements du gouvernement turc. C'est une évolution considérée comme essentielle pour garantir aux femmes l'accès à l'enseignement supérieur.

D'autre part, en début de mois, plus d'une centaine de députés italiens ont proposé l'équipe cycliste féminine nationale d'Afghanistan pour le Prix Nobel de la Paix. Twitter en Afghanistan s'est emballé à l'annonce de cette nouvelle :

l'équipe cycliste féminine nationale d'Afghanistan nominée pour le Nobel de la Paix 2016

De tels événements sont le symbole d'une visibilité croissante des femmes dans la vie publique. Au Parlement, les femmes occupent 28% des sièges — et dépassent la proportion de femmes qui siègent au Congrès américain.

Cependant, aucune femme n'a présidé le Parlement, ce qui prouve que la présence des femmes sur la scène politique intérieure ne se traduit pas réellement en réel pouvoir.

La tentative de Ghani de faire nommer une femme juge au Conseil National de la Haute Cour, rapidement bloquée par un Parlement majoritairement conservateur, en est un exemple flagrant.

La route est longue pour gagner le respect

La position de la femme afghane dans la société est variable selon les communautés.

Les femmes Hazara ont connu un changement de vie assez rapide au cours de la période post-talibans, probablement grâce à leur fort taux d'éducation en comparaison d'autres groupes ethniques.

Parmi les femmes afghanes les plus influentes on peut citer Sima Samar, responsable de la Commission afghane des Droits de l'Homme, et la première femme gouverneure en Afghanistan, Habiba Sarabi, de la province de Bamiyan, toutes deux de l'ethnie Hazara.

Laila Haidari, elle aussi Hazara, est une bénévole du secteur social qui a créé le Camp de la Mère qui soigne les drogués.

Mais les femmes dans de nombreuses régions du pays restent pénalisées par la loi afghane, où le droit de demander le divorce est réservé aux hommes et où les affaires familiales restent sous l'autorité du chef de famille dans la majorité des cas.

Le danger vient aussi des talibans qui gagnent du terrain dans tout le pays, même si le mouvement se fissure, et de la ligne dure des religieux qui ne cesse de dénoncer les droits des femmes comme étant imposés par l'Occident.

Dans cet environnement fluctuant, les femmes sont enfermées dans une contradiction : elles jouissent de plus d'espace pour participer à la vie civile qu'il y a 15 ans, mais elles risquent de prêter le flanc aux violents retours de bâtons des conservateurs.

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