En Jamaïque, les femmes dominent le monde de l'édition

Publisher Tanya Batson-Savage visits the Trench Town Reading Centre in Jamaica. Photo by the author, used with permission.

L'éditrice Tanya Batson-Savage visite le centre de lecture de Trench Town en Jamaïque. Photo de l'auteure, utilisée avec sa permission.

Le 8 mars a eu lieu la Journée internationale pour les droits des femmes, et nous avons décidé dans l'optique du thème de l'année 2016, la parité femmes/hommes, de nous intéresser aux Caraïbes.

Avec le Festival du livre de Kingston  en Jamaïque, l'engagement croissant des femmes dans tous les aspects de l'édition devient visible. Qu'il s'agisse d'écrire, de publier ou de promouvoir les livres, elles instaurent une dynamique dans le marché du livre en Jamaïque grâce à leur esprit d'initiative et à leur créativité, mais aussi simplement grâce à de bonnes histoires.

Ce festival est présidé par l'auteure de livres pour la jeunesse Kellie Magnus, éditrice de Jack Mandora Books (« des histoires pour enfants pour les enfants du monde entier »). Kellie Magnus est diplômée de Harvard et de l'université Columbia ; la ville de New York a décidé d'intégrer son livre pour enfants « Petit lion va à l'école » au cursus scolaire. Particulièrement intéressée par l'éducation et les besoins spéciaux de la petite enfance, Kellie Magnus a également produit une série pour les enfants autistes.

Dans un entretien avec Anansesem, un webzine spécialisé dans la littérature pour enfants, Kellie Magnus a souligné la rareté des bons livres pour enfants dans la zone Caraïbe, en dépit de l'augmentation de la demande de livres destinés aux enfants caribéens et sur eux, dans la région et dans la diaspora. C'était il y a deux ans, mais l'immense majorité du marché du livre est toujours constituée de livres scolaires. Kellie Magnus pensait sincèrement qu'il devait y avoir de nombreux livres que les enfants aimeraient vraiment lire. Elle concluait:

I think when it comes to children’s books we need to try a little harder. Caribbean children deserve it.

Je pense que, sur la question des livres pour enfants, nous devons faire un peu plus d'efforts. Les enfants caribéens le méritent.

Manuels pédagogiques et tradition narrative bien vivante

Pour le Festival du livre de Kingston, Kellie Magnus s'est associée à l'éditrice Latoya West-Blackwood, qui a pris récemment la tête de l’Association jamaïcaine de l'industrie du livre (BIAJ pour son acronyme en anglais) vieille de 27 ans. Fondatrice et PDG de Publish Consultancy et iMagiNation Books, West-Blackwood est la plus jeune dirigeante de l'organisation à ce jour.

La vision de cette dernière est d'encourager l'alphabétisation et l'amour de la lecture comme des outils pour le développement du pays, la croissance économique et l'excellence éducative. Comme elle l'a observé le 7 mars 2016 lors du lancement du concours national de lecture du Service des bibliothèques de Jamaïque [N.d.T réseau de bibliothèques publiques réparties sur l'ensemble de l'île et accessibles gratuitement à la population] , les livres offrent « une voie vers la sauvegarde culturelle ».

Latoya West-Blackwood with 2015 winners of the Jamaica Library Service National Reading Competition. Photo by the author, used with permission.

Latoya West-Blackwood avec les lauréats 2015 du concours national de lecture du Service des bibliothèques de Jamaïque. Photo de l'auteure, utilisée avec sa permission.

Tanya Batson-Savage, autre femme jamaïcaine dans l'édition, est tout aussi entreprenante. Elle a lancé Blue Moon Publishing il y a six ans dont l'objectif initial était de contribuer à combler les manques dans le domaine des livres pour la jeunesse. Sa maison d'édition, Blouse and Skirts Books, propose davantage de titres pour adultes et comprend le roman « All over again » de l'écrivaine nigériano-jamaïcaine A-dZiko Simba Gegele, lauréate du premier Burt Award for Caribbean Literature, pour les jeunes adultes.

Carlong Publishers, établie par l'éditrice pionnière Shirley Carby il y a 20 ans, n'est pas  présente uniquement aux Caraïbes et présente une grande variété de publications pédagogiques. La passion de Shirley Carby pour les livres s'est transmise aux nouvelles générations : sa fille, Candice, a rejoint la direction de la BIAJ (que sa mère a cofondée) où elle est en charge du marketing et de la communication.

Olive Senior, qui vit à Toronto, est venue sur son île natale pour le Festival du livre de Kingston. L'an dernier, elle était venue faire la promotion son essai sur les travailleurs du Canal de Panama, « Dying to Better Themselves », qui a obtenu l'OCM Bocas Literary Prize for Non-Fiction en 2015. Le lancement de son dernier recueil de nouvelles, « The pain tree », a eu lieu le 10 mars sur le campus Mona de l'université des Indes occidentales (UWI) à Kingston ; il figure maintenant dans la présélection de l'OCM Bocas Prize for Caribbean Literature tout comme le livre d'une autre écrivaine jamaïcaine, Jacqueline Bishop.

Des auteurs locaux

Si Olive Senior et Jacqueline Bishop vivent à l'étranger, certaines auteures jamaïcaines entretiennent la flamme littéraire sur place. La militante écologiste Diana McCaulay est une écrivaine prolifique qui trouve le temps de défendre des causes environnementales en tant que PDG et fondatrice du Fonds jamaïcain pour l'environnement. On trouve parmi ses œuvres les romans fascinants « Dog-Heart » (2010) et « Huracan » (2012). Sa nouvelle « The Dolphin Catchers» a remporté le Prix de la nouvelle du Commonwealth en 2012.

Son troisième roman, le premier destiné à de jeunes adultes (une catégorie qui suscite de plus en plus d'intérêt de la part des écrivains de la région), « Gone to Drift », a été publié en février 2016 par Papillote Press, une petite imprimerie située à la Dominique. Basée sur « The Dolphin Catchers », cette histoire de mer et de pêcheurs a gagné le deuxième prix du Burt Award for Caribbean Literature en 2015. Diana McCaulay travaille actuellement à ses mémoires.

Gwyneth Harold Davidson and Jean Forbes in conversation with Latoya West-Blackwood. Photo by the author; used with permission.

Gwyneth Harold Davidson and Jean Forbes discutent avec Latoya West-Blackwood. Photo de l'auteure; utilisée avec sa permission.

Les auteures jeunesse Diane Browne et Helen «Billy» Elm Williams tiennent toutes deux un blog ; et Gwyneth Harold Davidson, Jean Forbes et d'autres continuent d'écrire et d'apporter leur contribution dans le domaine de l'éducation de bien des manières.

Un lieu de poésie  et de militantisme

La poésie a également sa place. Les poètes jamaïcaines possèdent un héritage précieux à travers l’œuvre de Louise Bennett-Coverly, qui a fièrement fait découvrir au monde le patois jamaïcain (une langue créole basée sur l'anglais parlée en Jamaïque). La nouvelle génération de femmes poètes dans le pays se développe – le premier recueil de poésie d'Ann-Margaret Lim saisit de façon poignante des expériences de vie en Jamaïque et les poèmes de Tanya Shirley, qui enseigne au Département de littérature anglaise sur le campus Mona de l'université des Indes occidentales, ont été largement publiés et ont valu à leur auteure de recevoir de nombreux éloges pour son travail.

Il est important de souligner que les écrivaines et éditrices jamaïcaines n'écrivent pas simplement pour leur propre plaisir, pour gagner des prix ou faire des bénéfices. Elles ont en elles une forte fibre militante. Elles croient avec ferveur au pouvoir de la lecture et à son importance pour le développement du pays, et se rendent fréquemment dans les écoles et les communautés pour « répandre la bonne parole » avec un zèle de missionnaire.

Jean Forbes (juge pour le concours de lecture du Service des bibliothèque de Jamaïque) a attiré l'attention lors du lancement du concours sur le fait que de faibles taux d'alphabétisation ont un impact négatif sur la pensée critique et les compétences en matière de résolution de problèmes en Jamaïque, ce qui entraîne une incapacité à communiquer de manière efficace et une tendance à résoudre les conflits dans la violence. De fait, la lecture et l'alphabétisation ont un rôle crucial à jouer dans la société, et les femmes jamaïcaines en sont les porte-drapeaux.

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