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#JusticeForTonu devient viral après le viol et le meurtre d'une étudiante au Bangladesh

Catégories: Asie du Sud, Bangladesh, Cyber-activisme, Droit, Droits humains, Femmes et genre, Jeunesse, Manifestations, Média et journalisme, Médias citoyens
Banner asking for Justice for Tonu. Courtesy Justice for Tonu Facebook page. [1]

Bannière de la page Facebook Justice for Tonu, reproduite avec autorisation.

Ces dernières années, le Bangladesh a connu une augmentation inquiétante des cas de viols [2]. Une tendance qui se confirme cette année encore. Le pays est actuellement en proie à une vague d'indignation suite au viol et au meurtre sauvage d'une étudiante de 19 ans.

Le corps de Sohagi Jahan Tonu, une étudiante de deuxième année de l'université Victoria, a été retrouvé aux alentours des baraquements de l'armée de la ville de Comilla, dans l'Est du pays. Son visage portait les stigmates de coups d'une extrême violence [2]. A Comilla comme dans le reste du Bangladesh, les citoyens sont de plus en plus nombreux à réclamer qu'une enquête soit rapidement menée et que justice soit rendue.

La plupart des personnes résidant dans la zone [6] où le corps de Sohagi a été retrouvé sont des militaires et des employés administratifs de l'armée.

Ces zones, nommées « cantonnements », sont généralement considérées comme sûres, car elles abritent plusieurs postes de contrôle limitant les déplacements des personnes extérieures.

Sohagi était étudiante en deuxième année d'Histoire [7] à l'Université Victoria de Comilla, et était un membre actif du club de théâtre.

Elle travaillait à mi-temps en tant que professeur particulier pour financer ses études. Dans l'après-midi du 20 mars 2016, elle s'est rendue chez l'un de ses élèves et n'est jamais rentrée chez elle.

Ses proches, partis à sa recherche, ont retrouvé le lendemain son corps dans des broussailles, à l'intérieur du cantonnement.

Le 24 mars, le rapport d'autopsie a confirmé qu'elle avait été tuée après avoir été violée [8]. La police n'a pas identifié de suspect.

Bien que la mort de Sohagi Tonu soit rapidement devenue un sujet de conversation national, les médias sont restés étonnamment silencieux sur l'affaire, jusqu'à ce que des manifestations [9] soient organisées à travers le pays à partir du 24 mars.

Selon des activistes [10], l'armée aurait exigé qu'aucune manifestation ne soit tenue dans le périmètre du cantonnement.

Sur Facebook et Twitter, les internautes ne comprennent pas [11] comment un tel drame a pu se produire à l'intérieur du cantonnement :

En tant que fille d'un officier de l'armée, Shimana Rahman Anchal [15]a passé toute sa vie dans différents cantonnements. Elle explique :

ক্যন্টনমেন্ট এ বাইরের মানুষের ঢুকতে পরিচয় ও সাথে যোক্তিক কারন দেওয়া লাগে। এতে মানুষ বিরক্তও হয় কিন্তু এগুলা নিরাপত্তার জন্যই করা হয়। সেখানে বাইরের থেকে কেউ এসে ক্যন্টনমেন্টের ভিতরে কোন মেয়েকে রেপ করে হত্যা করার মত অসাধ্য সাধন করা কারো পক্ষ্যেই সম্ভব না। মানুষ তো এত বোকা না। সবাই বুঝতেসে এটা ভিতরের কারোরই কাজ। ফুল প্ল্যানিং এর মাধ্যমে করা এই হত্যা একটা পরিবারকে ধংস করে দিল। আর যদি এটা কোন সিভিলিয়ান করে তাইলে কোথায় ক্যান্টনমেন্টের নিরাপত্তা। #‎justiceforTonu‬

Lorsqu'une personne vivant en dehors du cantonnement souhaite y entrer, elle doit fournir une pièce d'identité ainsi que la raison de sa venue. Cela gêne parfois les visiteurs mais tout ceci est fait pour des raisons de sécurité. Dans ce contexte, il est très dur pour quelqu'un d'extérieur au cantonnement d'y entrer et de commettre un viol. Les gens estiment donc que ce crime a été commis par une personne vivant dans le cantonnement. Ce meurtre a détruit une famille. S'il a été perpétré par quelqu'un de l'extérieur, quels enseignements peut-on en tirer sur la sécurité au sein du cantonnement ? #JusticePourTonu

Rapidement, des photos de Tonu et des manifestations ont envahi les réseaux sociaux. Un grand nombre d'entre elles sont accompagnées du hashtag #JusticeForTonu, laissant ainsi transparaitre l'inquiétude partagée par de nombreux internautes que les médias traditionnels ne couvrent pas l'affaire comme ils le devraient.

Sur Facebook, l'internaute Only Turag [16] écrit :

Sohagi Jahan Tonu is raped & killed yesterday ! She is not the first! There were more before her! There will be more after her!
May be that will be you.. Or your sister.. Or your daughter.. Your mother.. Your wife!
If not for her, stand for yourself!
Stand for ‪#‎JusticeforTonu‬

Sohagi Jahan Tonu a été violée et tuée hier ! Elle n'est pas la première ! Il y en a eu d'autres avant elle ! Il y en aura d'autres après elle ! Cela pourrait être vous… Ou votre soeur… Votre fille… Votre mère… Votre épouse !

Si vous ne le faites pas pour elle, faites-le pour vous : réclamez #JusticePourTonu

Certains net-citoyens ont également souligné que, dans un pays conservateur comme le Bangladesh, les choix vestimentaires d'une femme étaient souvent pointés du doigt dans les affaires de viols.

Pourtant, Tonu portait le hijab (appelé « hizab » au Bangladesh), souvent considéré comme un moyen de se protéger des violences.

La peine maximale [20] encourue pour un viol au Bangladesh est la prison à vie, tandis que le meurtre est puni de mort par pendaison.

Manifestations

Tout au long de la semaine, des étudiants et des activistes se sont rassemblés, ont formé des chaînes humaines, participé à des marches de protestation et ont même bloqué l'autoroute.

Mercredi 23 mars, les manifestants ont menacé de paralyser la ville si les autorités n'arrêtaient pas les coupables dans les 48 heures. A Comilla, ils étaient des milliers à protester [21] dans le centre-ville.

En marge des manifestations, beaucoup de Bangladais partagent le sentiment de l'utilisateur Facebook Dibyo Tantrik [24], qui accuse le gouvernement de tenter de « gagner du temps » en s'abstenant de répondre immédiatement à l'incident.

Selon les manifestants, l'apathie des autorités face à de tels cas de viol et de meurtre est une preuve de plus de la nécessité de protester.

Ganajagaran Mancha, une plateforme issue du mouvement de contestation Shahbag [25], a organisé un rassemblement sur la place Shahbag de Dhaka, réclamant justice.

En parallèle, plusieurs organisations dont Nari Sanghati (une association de défense des femmes), l'Union des Etudiants du Bangladesh et la Fédération des Etudiants du Bangladesh ont également manifesté en signe de protestation.

Selon les statistiques [29] de l'Association Nationale des Femmes Avocates du Bangladesh (Bangladesh National Woman Lawyers’ Association, BNWLA), au moins 241 cas de viols ont été rapportés entre janvier et mai 2015.

Leur nombre serait également en hausse depuis 2010.

Les statistiques de l'organisation indiquent que 789 cas de viols ont été signalés en 2014, 719 en 2013, 836 en 2012, 603 en 2011 et 411 en 2010.

En 2015, 85 femmes et enfants indigènes ont été victimes d'abus sexuels, selon un rapport sur les droits humains des peuples indigènes au Bangladesh [30].