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La loi iranienne du foulard refusée par le personnel féminin d'Air France

Catégories: Iran, Femmes et genre, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Relations internationales
Image edited by Kevin Rothrock.

Photomontage de Kevin Rothrock.

Le dernier vol Paris-Téhéran d'Air France, c'était il y a huit ans. La reprise [après la levée des sanctions contre l'Iran, NdT] pose problème au personnel féminin de la compagnie : les hôtesses réclament le droit de refuser de voler vers Téhéran si elles sont contraintes de se voiler et de modifier leur conduite en public. Des revendications qui rouvrent les débats sur le port obligatoire du hidjab (foulard islamique) à l'intérieur et l'extérieur de l'Iran.

La représentante syndicale Françoise Redolfi a déclaré à Radio RFI [1] que les femmes devaient avoir le droit de refuser de travailler sur la ligne Paris-Téhéran :

Là, on nous oblige à porter un signe ostentatoire religieux. il faut laisser le choix aux filles de le porter ou pas. Celles qui ne le souhaitent pas, il faut qu'elles puissent dire : ” Moi, je ne suis pas volontaire sur ces vols, je ne veux pas faire ces vols”.

Air France a fini par autoriser son personnel à décliner les missions en Iran au motif de l'obligation du hidjab.

Décoller sans foulard

En solidarité avec les hôtesses de l'air d'Air France et les femmes d'Iran, le mouvement My Stealthy Freedom [2] [‘Ma liberté furtive’] a lancé une campagne demandant aux femmes étrangères voyageant en Iran d'ôter leurs foulards et de partager leurs photos ce faisant. Les contributions ont afflué.

Photo shared on My Stealthy Freedom Facebook page. From France and Italy; visiting beautiful Iran. [3]

“De France et d'Italie, nous visitons le beau pays d'Iran.Voici notre photo où j'ai ôté le voile. Je vous souhaite plein succès pour votre campagne.” Photo: My Stealthy Freedom / Facebook

Maria from Germany on a rooftop in Iran. Photo from My Stealthy Freedom. [4]

Maria d'Allemagne sur un toit-terrasse en Iran. Elle écrit : “J'ai pensé que c'est un geste de solidarité avec toutes les femmes d'Iran (qui disent non au hidjab forcé) et je serais très heureuse si je pouvais ainsi contribuer de quelque manière à la liberté furtive de toutes les femmes iraniennes”. Photo: My Stealthy Freedom / Facebook

La page Facebook My Stealthy Freedom [2] a été lancée par la journaliste iranienne Masih Alinejad, qui parle de “mouvement” et écrit :

Cette page n'appartient à aucun groupe politique, l'initiative reflète les préoccupations des femmes iraniennes, confrontées à des limitations juridiques et sociales.

Toutes les photos et légendes postées ont été envoyées par des femmes à travers l'Iran, et ce site est dédié aux femmes iraniennes dans le pays qui veulent partager leurs photos prises “furtivement” sans voile.

Réactions ailleurs

Si la protestation des hôtesses d'Air France a été un peu éclipsée sur les médias sociaux par les premières révélations des “Panama Papers”, l'affaire n'en a pas moins fait parler d'elle en ligne.

L'analyste spécialiste du Moyen-Orient Holly Dagres a tweeté une photo datant de 2004 d'employées d'Air France en hidjabs.

Les hôtesses de l'air d'Air France n'étaient pas gênées par le foulard à l'atterrissage en Iran en 2004. Qu'est-ce qui a changé ?

Le journaliste indépendant Ali Alimadadi estime que la ligne Paris-Téhéran est vouée à disparaître si les femmes refusent de porter foulard et pantalon.

Les hôtesses d'Air France ne veulent pas mettre de voile ni de pantalon. La ligne directe vers l'Iran pourrait NE PAS durer longtemps.

Les internautes ont abondamment repris le dessin de Sharokh Haydari d'un avion d'Air France arborant un foulard.

Dessin de Sharokh Haydari : “Un hidjab pour Air France”. Les hôtesses de la compagnies confrontées à la politique vestimentaire de l'Iran

Mr. Tickle s'est demandé si un ayatollah Khomeini en carton serait la prochaine exigence imposée aux équipages d'Air France. Son tweet comporte une photo prise lors d'une récente commémoration de l'anniversaire de son retour en Iran.

Je me demande si les hôtesses de l'air d”Air France seront requises de débarquer avec des effigies en carton de l'ayatollah Khomeini ?

Ai-je bien entendu ?

Le prix de l'insensibilité culturelle ira sans conteste à la ministre française des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes Laurence Rossignol [17]. Interrogée sur les femmes musulmanes qui choisissent de se voiler, elle a répondu [17] “Il y a des femmes qui choisissent, il y avait aussi des nègres américains qui étaient pour l’esclavage..”

Sur Slate [18], Christina Cauterucci écrit :

Maintenant que le différend entre Air France et son personnel volant féminin est réglé, les législateurs français devraient prendre acte de ses implications. Dans les jours suivant l'annonce par Air France de son code vestimentaire pour [les vols vers] Téhéran, un syndicat d'hôtesses de l'air a contacté la ministre française des droits des femmes et des familles, Laurence Rossignol, en quête de soutien à leur contestation de la politique du foulard. Rossignol a récemment comparé les femmes musulmanes qui portent le foulard ou le voile aux “nègres américains qui étaient pour l'esclavage [19]”. Si l'idée que des Françaises non musulmanes soient contraintes à mettre un foulard dans un pays islamique répugne tant que cela à la ministre et aux autres féministes, elles seraient sages d'imaginer ce que ressentent les femmes musulmanes quand la France les force à ôter le leur.

Il faut noter que le personnel féminin d'Air France ne refuse pas seulement les hidjabs obligatoires, il s'oppose également à l'exigence de modifier son comportement. Dans un message posté sur My Stealthy Freedom [20], une hôtesse d'Air France a écrit :

Le personnel féminin en vol d'AF est irrité qu'on lui impose un certain uniforme à bord (pas de robes, que des pantalons et une tunique) et d'avoir à porter un voile à l'arrivée en Iran, ainsi que de ne pas être autorisé à fumer ni à côtoyer familièrement leurs collègues masculins. Aucune femme ne doit se faire dire comment s'habiller ou se comporter.

A Rome, fais comme les Romains

Sur My Stealthy Freedom et d'autres sites de médias sociaux, beaucoup commentent sur le double standard imposé par le gouvernement iranien. Les responsables politiques et diplomates femmes qui se rendent en Iran sont obligées de se couvrir les cheveux. En revanche, leurs homologues iraniens en visite en Occident exigent que les réceptions auxquelles ils participent soient sans alcool et refusent de serrer la main des femmes.

L'avis de l'auteur

The author in Iran. Photo taken by Kamran Ashtary.

L'auteur en Iran. Photo Kamran Ashtary.

Je ne suis pas une observatrice neutre sur ce sujet. Après avoir vécu quatre ans en Iran, je suis arrivée à deux conclusions. Un, je ferai n'importe quoi pour ne plus être forcée à porter un hidjab. Deux, jamais je ne demanderais à quiconque d'enlever le sien.

Dans un article  [21]que j'ai écrit pour Tehran Bureau, j'ai relaté comment ma belle-soeur m'a défendue devant la police des moeurs iranienne :

Dans la rue, mes belles-soeurs applaudissaient chaque infraction au hidjab. La plus pratiquante d'elles, Forough, applaudissait le plus bruyamment. Quand une femme nous a abordées pour me reprocher mon foulard desserré, Forough lui a dit, “Quand je vais chez elle personne ne me demande d'enlever mon foulard. Je ne lui demande pas d'arranger le sien”.