Une vision méconnue de la vie des SDF, la leur: l'histoire de Stéphane, Francis et SDF75 via leurs blogs

Tentes des Enfants de Don Quichotte au bord du canal Saint-Martin, Paris CC-BY-2.0

Tentes des Enfants de Don Quichotte au bord du canal Saint-Martin, Paris CC-BY-2.0

Les idées préconçues sur le quotidien des SDF abondent. Parmi celles-ci, les plus répandues sont les suivantes:

  • “C'est un phénomène en régression en France”: le nombre total de SDF français  (excluant réfugiés à Calais)  est difficile à évaluer mais la FNARS évalue ce nombre entre 150 000 à 240 000 personnes et la Fondation Abbé Pierre estime qu'il y a 50 % de SDF en plus en France en 3 ans dont 30 000 enfants.
  • “Être SDF est en partie une démarche volontaire”:  une étude montre que seulement 6% des SDF choisissent de vivre dans la rue.
  • “Le SDF ne travaille pas”: De nombreux SDF sont en CDD ou en contrat d’intérim.

Pour essayer de rétablir la réalité sur la nature de leurs quotidiens, trois SDF racontent leurs histoires sur les réseaux sociaux, avec leurs propres mots. Ci-dessous, une fenêtre sur la vie de Stéphane, Francis et SDF75 via leurs blogs respectifs.

 Un blog  contre les idées reçues par SDF75

SDF75 explique ainsi pourquoi il a voulu créer un blog différent:

Pourquoi un Site Internet en tant que SDF ? Je pourrais répondre simplement : Pourquoi pas ? Mais pour être logique, je dirai qu'avant même d'être SDF, je suis d'abord Informaticien et que je désirais déjà avoir mon propre site internet.

Quand on colle sans arrêt à certaines catégories de gens une étiquette complètement irréelle et calomnieuse, notamment à propos des SDF, alors ne vous étonnez pas que soit utilisée une apparence totalement inverse pour la démonter…

SDF75 n'hésite pas à aller a l'encontre des préjugés en publiant des photos de “frime” (pour reprendre ses mots) et donner des nouvelles régulières de  son travail d'informaticien et de ses activités sportives:

J'ai travaillé pendant plus de 13 ans. Des emplois stables, mais aussi de l'intérim, ce qui m'a permis d'exercer des postes très différents, et ainsi de progresser plus vite en compétences. En ajoutant ce que j'ai fait comme services aux particuliers (dépannages, upgrades, installations de Windows, montage de configurations personnalisées, sans oublier de la formation à internet.), j'ai environ 16 ans d'expérience. Actuellement, je perçois le RSA, et bien sûr, en plus je fais la manche. Oui, car si on veut rester clean et vivre décemment, on ne vis pas avec de la morale, mais avec des espèces…
Et c'est ce qui me permet de maintenir mes connaissances.

SDF75 dans la salle de musculation - capture d'ecran d'une video de son blog

SDF75 dans la salle de musculation – capture d'ecran d'une video de son blog

Comment je suis devenu SDF par  Stéphane 

Stéphane souhaite partager son témoignage sur ce qui l'a poussé dans la rue:

Après avoir travaillé comme chauffeur de direction puis un licenciement,  j'ai créé une petite affaire de pressing à domicile sur Paris.  J'y ai mis toutes mes économies et toute mon énergie. Au moment ou les choses ont commencé a aller mieux,  il s'est produit un évènement qui a fait basculer ma vie.  Ma femme ( j'étais marie depuis 7 ans avec deux enfants) décida de divorcer car elle souhaitait une situation stable.  Après en avoir parler avec elle pendant plusieurs jours et essayer de la convaincre de me soutenir, elle décida de partir.  Un après-midi,  je suis rentrer à la maison, et là,  plus personne, plus de vêtements, juste un mots pour m'expliquer son départ. Je me suis retrouvé seul dans cet appartement vide,  ce fut horrible.  Pendant des heures je restais dans la chambre de mes enfants avec ma déprime.  Résultat:  je me suis laisser aller, pendant des semaines, je ne faisais plus rien.  Plus d'argent,  plus de loyer,  et un jour,  c'est la rue.

SDF certes, mais citoyen d'abord par Francis 

Francis a 60 ans, il est SDF depuis 15 ans. Il espère pouvoir toucher sa retraite bientôt pour changer de vie.  Francis aimerait rectifier quelques préjugés sur la vie des SDF. Un de ces préjugés est le fait que les SDF ne se sentent pas concernés par l'évolution de la société actuelle. Francis explique que les sans-abris discutent autant de la politique que dans les autres milieux:

Les gens pensent qu’on s’en fout mais dans la queue des soupes populaires, dans la rue, on parle partout des élections  ! En 1998, une loi relative à la lutte contre les exclusions ouvre l’inscription sur les listes électorales aux sans-abri. Le vote est réservé aux personnes de nationalité française, jouissant de leurs droits civiques et capables de fournir une attestation de domicile. Pour la plupart des SDF, il s’agit de se domicilier dans un centre agréé par les préfectures – Emmaüs, par exemple, gère 400 domiciliations. Mais la complexité des situations administratives et les conditions de vie extrêmes font que la rue vote peu.

Il ajoute :

En 2002, j’avais voté Jospin au premier tour. Chirac au second. Pas de gaité de cœur, mais Le Pen, je peux pas. J'aurais peut-être voté Sarkozy en 2007. Aujourd’hui, plus question: on sait maintenant que ça n’est pas lui qui aidera les pauvres. Il ne réduira pas les inégalités sociales. Comme Hollande d’ailleurs. Sur le social, il fera à peu près la même politique  : il privilégiera l’hébergement d’urgence en hiver et c’est tout. C’est pas assez pour la rue.

En France, 3,6 millions de personnes sont soit privées de domicile personnel (895 000 personnes), soit vivent dans des conditions très difficiles (privation de confort ou surpeuplement) (2 880 000 personnes), soit sont en situation d’occupation précaire (hôtel, caravanes…) selon la Fondation Abbé-Pierre.  Trois sans-abri sur dix ont un emploi, en général précaire (contrat à durée déterminée, intérim) ; ce sont le coût du logement et l'insuffisance des logements sociaux à prix très modérés qui les maintiennent dans la rue.

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