À Cancun, la communauté se bat pour protéger une précieuse mangrove

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Un couple profite du malecón de Tajamar. Photo : Danica Jorden

Dans la baie de Cancun, en face de l'éblouissante zone hôtelière, les habitants profitent souvent d'un bol d'air sur le malecón, la promenade du front de mer de la ville. Dans la soirée, on peut habituellement y croiser des gens en train de faire un footing, de jouer, de se balader, de promener leur chien ou simplement de discuter en respirant les alizés des Caraïbes. Jusqu'au 16 janvier, une épaisse forêt marécageuse bordait encore la route vers le malecón de Cancun, isolant le chemin calme de la ville bouillonnante. Mais à deux heures du matin ce dimanche-là, les bulldozers ont envahi les lieux et ont arraché les palétuviers, détruisant par là même un espace vert indispensable pour les habitants et démolissant l'habitat de milliers d'espèces.

Les habitants de Cancun ont réagi et se sont mobilisés pour protéger et restaurer ce qui restait de la mangrove. Grâce aux réseaux sociaux, en particulier les pages Facebook Salvemos Manglar Tajamar (Sauvons la Mangrove de Tajamar) et Guardianes del Manglar Cancún (Gardiens de la Mangrove de Cancun), ainsi que Twitter, les appels à l'action ont rapidement été entendus par la communauté. C'est ainsi que Greenpeace et le résau international The Terramar Project ont été contactés pour sauver les forêts de mangrove dans le monde entier.

Jour et nuit depuis le 16 janvier, les Guardianes del Manglar font le guet sous une tente bleue et blanche, près d'une banderole représentant un énorme palétuvier étreignant la terre de ses racines. La mangrove de Tajamar était le refuge de nombreux animaux, parmi lesquels les énormes crocodiles que les habitants adorent et qui figurent si souvent dans l'histoire de la cosmologie maya.

"Hand-painted" depiction of mangrove tree in front of cars parked to prevent trucks and machinery from entering Tajamar Mangrove. Photo: Danica Jorden

Un palétuvier “peint à la main” devant des voitures garées pour empêcher les camions et les machines d'entrer dans la mangrove de Tajamar. Photo : Danica Jorden

Des grillages entourent partiellement ce qui ressemble à un chantier de construction sale, plein d'arbres cassés et renversés, de flaques d'eau stagnante, de surplus de matériaux, certains étiquetés “toxiques”.

Dans l'obscurité, avant le lever du soleil du 16 janvier, des bulldozers sont entrés sur les lieux soi-disant protégés par la loi mexicaine, arrachant les palétuviers blancs rares et détruisant l'habitat de milliers d'espèces. Les jours et les semaines suivantes, on pouvait voir les cadavres démembrés de crocodiles [Attention : Images choquantes] alors que d'autres animaux, entraînés par les machines lourdes, ont été enterrés vivants.

Young people out for a stroll next to destroyed Tajamar Mangrove. Photo: Danica Jorden

Des jeunes gens se promènent près de la mangrove de Tajamar détruite. Photo : Danica Jorden

La destruction a été menée sous la supervision du Fonds National de Développement du Tourisme du Mexique, FONATUR, avec au besoin, la police fédérale pour protéger les opérations.

Fence protecting what's left of Tajamar Mangrove, with remnant of plastic sheeting.

Grillage avec des restes de plastique, protégeant la mangrove de Tajamar. Photo : Danica Jorden

Pour les habitants de Cancun, la mangrove était l'un des rares espaces verts dans cette ville de plus en plus chaude et recouverte de béton. Sa disparition s'est immédiatement fait ressentir et la réaction civile a été rapide : les jeunes ont mené une campagne urgente pour prendre des mesures juridiques afin d'arrêter les promoteurs. S'appuyant sur la loi mexicaine et la législation internationale qui interdit strictement la destruction de la mangrove, des citoyens et des groupes de jeunes sont parvenus à convaincre un juge d'interrompre la destruction.

Le 20 janvier, 4 jours à peine après le premier coup de pelleteuse, un tribunal ordonnait l'arrêt du projet, les Gardiens sont arrivés et les clôtures montées. Au début, elles ont été recouvertes de plastiques noirs mais les activistes les ont arrachées pour pouvoir mieux surveiller la zone et assurer sa protection. Depuis la décision du tribunal, la situation est au point mort, avec les membres de la communauté qui s'assurent que rien d'autre n'arrive dans la nuit.

Salsa Power Dance Workshop take their turn guarding Tajamar Mangrove and practice their steps at the same time. Photo: Danica Jorden

Les membres du Salsa Power Dance Workshop prennent leur tour de surveillance de la mangrove de Tajamar tout en répètant leurs pas. Photo : Danica Jorden

Lorsqu'on leur demande comment était la mangrove avant, les adolescents du Salsa Power Dance Workshop commencent à gesticuler avec enthousiasme et s'exclament à l’unisson :

¡Era HERMOOSA! ¡Muy grande, muy verde!

Elle était MAGNIFIQUE! Très grande, très verte!

Les mangroves protègent et élargissent le littoral. Selon Coastalcare.org, “le principal bénéfice des mangroves est leur capacité à réduire les marées de tempêtes”. Dans une zone aussi propice aux ouragans que Cancun, dévastée par les ouragans Gilbert en 1988 et Wilma en 2005, la disparition des forêts de mangrove est un sujet grave — et  pas seulement au Mexique — la destruction des mangroves affecte aussi l'ensemble du continent américain, le sud de l'Asie, l'Australie, les îles du Pacifique ; donc beaucoup de pays dans le monde. Chaque mangrove qui reste est essentielle, mais leur excellente situation sur les côtes est souvent très tentante pour les gouvernements et les promoteurs désireux d'ouvrir la voie et de récolter les bénéfices générés par les hôtels et autres constructions en front de mer.

Patricia Toscano explique durant une promenade sur le malecón un après-midi avec sa sœur Yolanda et ses amies Alejandra et Aracely :

La gente, y sobretodo los jovenes, están tratando de salvar el manglar. El gobierno nos mintió. La destrucción que dejaron es una desgracia. Día y noche, los voluntarios se mueven para salvar el medio ambiente, no sólo en Cancún sino en todo México.

Les gens, surtout les jeunes, sont en train de sauver la mangrove. Le gouvernement nous a menti. La destruction qu'ils ont laissée est une honte. Jour et nuit, les volontaires se bougent pour sauver l'environnement, pas seulement à Cancun mais dans tout le Mexique.

Patrícia Toscano (center right) with sister Yolanda and friends Alejandra and Aracely. Photo: Danica Jorden

Patricia Toscano (au centre à droite), sa sœur Yolanda et ses amies Alejandra et Aracely, ont réuni des signatures qu'elles présenteront au tribunal pour protéger la mangrove de Tajamar. Photo: Danica Jorden

“J'adore y faire du footing”, explique Kemel Farjat, un agent immobilier de la zone hôtelière. “En pleine nuit, ils ont tout détruit. Et tout ça pour quoi? Un autre centre commercial!” Farjat ajoute rapidement, “Mais ça va revenir”.

En effet, grâce  aux gardiens  et à d'autres activistes, des groupes de jeunes et d'autres citoyens, la zone est protégée et elle se remet peu à peu. Un héron a été aperçu depuis le chemin qui traversait la forêt exubérante et un oiseau au plumage jaune vif a voleté à travers le grillage juste au moment où une iguane grise et blanche, à la queue cassée, apeurée, a rapidement sauté dans une bouche d'égout.

Tropical bird returns to Tajamar Mangrove. Photo: Danica Jorden

Un oiseau tropical de retour dans la mangrove de Tajamar. Photo : Danica Jorden

Il y a de l'espoir. Suivez le rétablissement de la mangrove de Tajamar, sur Twitter:

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