(Article d'origine publié le 27 avril 2016) Pendant que des manifestations de masse contre l’impunité face à la corruption continuent dans plusieurs villes en Macédoine, les forces policières ont placé cinq protestataires sous assignation à résidence et prévoient de déposer des accusations de participation à un rassemblement ou émeute contre plusieurs autres.
Les autorités ont d’abord convoqué les protestataires pour un interrogatoire, pour ensuite les arrêter le 25 avril. Le professeur Zdravko Saveski et Vladimir Kunovski font partie de ces individus et sont tous les deux des membres fondateurs du nouveau parti politique Levica (La Gauche). Le duo est accusé d’avoir participé à des rassemblements et ont été assignés huit jours à résidence.
Selon le Ministère de l’Intérieur, Saveski aurait brûlé une photographie du président pour ensuite lancer des objets contre le Bureau des Affaires Publiques du président, lequel fut saccagé durant la deuxième journée des protestations. Durant cela, Kunovski se serait emparé de chaises, de deux tiroirs et d’un carton de jus de fruit que le professeur aurait ensuite partagéavec d’autres personnes présentes à l’extérieur, selon le ministère.
Le Comité d’Helsinki pour les Droits de la Personne accuse les autorités de cibler sélectivement les protestataires importants comme eux dans une tentative flagrante pour intimider les manifestants et étouffer l’agitation populaire. L’assignation à résidence pour les manifestants est évidemment utilisée ici dans le but d’empêcher leur participation aux rassemblements.
Le 12 avril, quand le Président Gjorge Ivanov a accordé l'amnistie à plus de 50 membres de l'élite politique et du monde des affaires, les Macédoniens ont afflué dans les rues de Skopje et d’autres villes. Les individus en question faisaient l’objet d’enquêtes par le Bureau Spécial du Procureur pour des cas de corruption, de fraude électorale et d’abus de pouvoir. Ces crimes présumés été mis au jour suite à des conversations qui auraient été mises sur écoute sous l’ordre de l’ex-premier ministre Nikola Gruevski. Ces enregistrements ont ensuite étés rendus publics par l’opposition politique.
L'amnistie a aussi été condamnée par l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Co-opération en Europe), les États-Unis et l’Union européene, entre autres. Les négociations prévues pour la semaine dernière à Vienne, dont l’objectif était de mettre un terme à la crise politique, ont étés annulées. Pour l’instant, le gouvernement de la Macédoine ne montre toujours pas de signes d’une intention de prendre un autre cours.
Le média progouvernement Kurir.mk a publié une liste de 13 protestataires, contenant entre autres leurs âges et leur ville de résidence. Il est aussi mentionné que ces derniers étaient liés au saccage du Bureau des Affaires Publiques du président et qu’ils seront déférés à la justice. Cependant, certains individus identifiés sur cette liste nient avoir participé à quelconque dommage causé au bureau. Une femme affirme qu’elle a même été arrêtée pour s’être plainte de la police qui avait traîné son ami sur le sol, car il filmait les policiers.
« La LIBERTÉ n’est pas facile à obtenir ! »
Zdravko Saveski et Vladimir Kunovski sont aussi apparus dans cet article de Kurir.mk. L’ONG Solidarity Movement a repris un statut Facebook publié précédemment par Saveski avant qu’il ne se rende au poste de police, accompagné d'un commentaire indiquant qu’ils ne se laisseront pas intimider.
Соборци и соборки за слобода, БЛИСКУ Е ПОБЕДАТА! Го раздрмавме режимот! Но, не смееме да потклекнеме! Борбата не е завршена! Мора да излегуваме масовно на протести. Да се види колкаво е незадоволството од режимот. А не само да се претпоставува.
СЛОБОДАТА е скапа. И мора да ја заслужиме! Секој ден во 6!
Chers combattants de la liberté, LA VICTOIRE APPROCHE ! Nous avons ébranlé le régime ! Mais nous ne devons pas céder ou nous rendre ! La bataille n’est pas terminée ! Nous devons aller protester en très grands nombres. Pour que le grave mécontentement face au régime se voie, qu’il ne soit pas seulement supposé.
La LIBERTÉ n’est pas facile à obtenir ! Et pour la mériter, nous devons nous battre pour elle ! Tous les jours, à 18 h !
En réponse à l’arrestation des deux hommes, le 25 avril après-midi, Levica a organisé une conférence de presse devant le tribunal et des douzaines d’autres protestataires sont venus exprimer leur solidarité. Durant la conférence de presse d’urgence devant la Cour Pénale, Levica a condamné les actions des autorités. Selon le membre Dimitar Apasiev : « Il est question ici d’une persécution politique ouverte contre des adversaires politiques, directement à la suite d’annonces faites par un certain mouvement civil qui revendique que certains partis devraient être bannis, retirées du système légal — quelque chose qui commence déjà à se recouvrir ».
Ces derniers mots se réfèrent aux propos d'un contre-manifestant du mouvement GDOM (lequel appuie le parti au pouvoir VMRO-DPMNE), qui appelle à des amendements constitutionnels « bannissant le travail des organisations civiles et des partis politiques qui détruisent la Macédoine ».
Levica a demandé au ministre et au vice-ministre de l'Intérieur d’enregistrer les rapports d’actes criminels, mais qu’ils ne devraient pas les traiter avant que la crise politique soit résolue. Les membres du parti ont aussi appelé les procureurs à ne pas exiger l’arrestation des individus en question. Ils ont aussi demandé aux juges qui surveillent ces derniers de ne pas déposer d’accusations criminelles.
Des vétérans de la Seconde Guerre mondiale se joignent aux manifestations
L’indignation suite aux arrestations était palpable sur les médias sociaux. Cela semble avoir alimenté la détermination de plusieurs protestataires à se rassembler à 18 h, malgré le froid et la pluie, comme ils le font tous les jours depuis le 12 avril. Le sentiment a été décrit par l’activiste Mariglen Demiri, qui a écrit « Nous avons plus de personnes que vous avez de prisons ».
À Skopje, un nouveau groupe a annoncé sa présence avec une grande bannière — Les vétérans de la seconde guerre mondiale luttent contre le fascisme. Des hommes et des femmes nonagénaires ont marché à la tête de la colonne qui circulait du Bureau Spécial du Procureur jusqu’au Parlement.
Après une série de discours d’activistes et d’artistes, des milliers de participants ont emprunté un nouvel itinéraire pour la marche de protestation journalière, sous la pluie battante. Ils ont défilé le long du nouveau bâtiment du Ministère des Affaires étrangères, y lançant de la peinture sur le plâtre et les façades de marbre, pour y terminer comme à l’habitude leur défilé devant les bureaux du gouvernement.
A part Skopje, d’autres manifestations ont eu lieu à Bitola, Strumica et Kumanovo. Le 26 avril, davantage de villes se sont jointes au mouvement surnommé la Révolution Colorée, avec des manifestations prévues à Tetovo, Ohrid, Radoviš, Kičevo, Bitola, Prilep, et Veles.