Moins d'une semaine après que la célébration en Ouganda de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le ministre de l'Information et de l'orientation nationale Jim Katugugu Muhwezi a interdit aux entreprises de presse de couvrir les manifestations de l'opposition, que leurs organisateurs qualifient de «campagne de défiance». Les manifestations sont organisées par Kizza Besigye, leader du Forum pour le changement démocratique (FDC), principal parti d'opposition du pays.
S'adressant aux membres de la presse, le ministre a déclaré que l'interdiction de la couverture en direct des activités du FDC serait appliquée par la Commission des communications de l'Ouganda, ainsi que par la police, et que tous les médias électroniques couvrant la campagne de l'opposition allaient perdre leurs licences de radiodiffusion. Il n'a rien dit à propos de la couverture par la presse écrite.
Le directeur exécutif de la Commission ougandaise des communications, Godfrey Mutabazi, a mis en garde les utilisateurs de médias sociaux en ces termes : “L'interdiction pourrait être étendue aux médias sociaux, si ceux-ci étaient utilisés comme un outil alternatif de propagation de [la] campagne de défiance.”
Pendant ce temps, les organisateurs de la campagne de défiance envisagent d'utiliser les prières hebdomadaires et les manifestations publiques pour exiger une vérification indépendante des résultats de l'élection présidentielle 2016. L'élection controversée qui a eu lieu le 18 février, a vu le Président Yoweri Museveni gagner son cinquième mandat avec 60,75 % des voix, tandis que Kizza Besigye remportait 35 %. M. Besigye et ses partisans affirment que l'élection a été truquée. Les observateurs internationaux et les groupes des droits humains ont également critiqué le processus électoral.
Un tribunal ougandais a statué que la campagne de défiance était illégale. Le tribunal a jugé que l'organisation de la campagne de défiance dans le but d'obtenir le contrôle du gouvernement était une violation de la Constitution ougandaise. Il convient de noter que l'objectif de la campagne n'est pas directement de renverser le gouvernement, mais plutôt de contester les résultats des élections par des manifestations publiques. L’ Uganda Law Society a critiqué la décision, en faisant valoir que le tribunal n'a entendu que l'une des parties intéressées, c'est-à-dire le procureur général. Le FDC a dit qu'il ne respecterait l'ordonnance du tribunal.
La blogosphère ougandaise a réagi à l'interdiction en utilisant deux hashtags Twitter, #PressBan (interdiction de la presse) et #UgandaMediaGag (Bâillonnement des médias en Ouganda).
Certains utilisateurs de Twitter ont souligné l'ironie du moment choisi pour l'interdiction, tandis que d'autres étaient impatients de voir la réaction de la presse :
Hot on the heels of #WorldPressFreedomDay comes #UgandaMediaGag. Ironic
— Nancy Kacungira (@kacungira) May 5, 2016
Sur les talons de la Journée mondiale de la liberté de la presse, Bâillonnement des médias en Ouganda. Ironie
Eager to see how the media responds to this #UgandaMediaGag. Will it ban coverage of govt/ruling party activities?
— Harriet Anena (@ahpetite) May 5, 2016
Impatient de voir comment les médias vont réagir à ce Bâillonnement des médias en Ouganda. Vont-ils s'interdire la couverture des activités du gouv/parti au pouvoir ?
D'autres se sont simplement moqués de la décision du gouvernement:
You have a right to remain silent. Your tweets can be used against you in the courts of law. #PressBan#UgandaMediaGag#FreeMyVote
— WorshipNotAShow 20th (@BenjaahEdwards) May 5, 2016
Vous avez le droit de garder le silence. Vos tweets peuvent être utilisés contre vous dans les tribunaux.
Se référant à la menace du ministre adressée aux journalistes en ligne, cet utilisateur de Twitter a écrit :
👏🏿👏🏿they jus learn the word digital Journalist. Bushmen threats can be ridiculous #ugandamediagaghttps://t.co/MiEN729DWJ
— Rosebell Kagumire (@RosebellK) May 5, 2016
ils viennent juste d'apprennent les mots ‘journaliste numérique’. Le ridicule des menaces d'hommes de la brousse
Enfin, la mission des États-Unis en Ouganda a été sidérée par la mesure :
Citizens of Uganda should be able to decide for themselves what information to use to make informed choices about their country.
— U.S. Mission Uganda (@usmissionuganda) May 5, 2016
Les citoyens ougandais devraient pouvoir décider eux-mêmes quelles sont les informations à utiliser pour faire des choix éclairés concernant leur pays.