L'Équateur reconnaît les mariages entre homosexuels, mais pas leurs enfants

"Satya nació en el campo, en la mitad del mundo. Helen y Nicola, sus mamás, querían que ella naciera allí, en la paz de su hogar; querían que fuera ecuatoriana. Cuando Satya cumplió dos semanas, Helen y Nicola fueron a la oficina del registro civil ecuatoriano a inscribirla con el primer apellido de cada una de ellas. Su petición fue negada." Captura de pantalla del documental 'La importancia de llamarse Satya Bicknell Rothon.

“Satya est née à la campagne, à la Mitad del Mundo. Helen et Nicola, ses mamans, ont voulu qu'elle naisse là, dans la paix de leur foyer. Elles voulaient qu'elle soit Équatorienne. Lorsque Satya a eu deux semaines, Helen et Nicola sont allées l'inscrire à l'État civil équatorien avec comme noms de famille leurs deux premiers patronymes respectifs. Leur demande a été rejetée.” Capture d'écran et description du documentaire “De l'importance de s'appeler Satya Bicknell Rothon’.

L'affaire #Satya refait surface dans les médias du pays pour débattre du droit de la petite Équatorienne, fille d'un couple de femmes britanniques, à porter les patronymes de ses deux mères. Comme l'avait rapporté Global Voices en 2012, Nicola Rothon et Helen Bicknell, ont légalisé leur union en Équateur.

Les unions libres de couples homosexuels ont été légalisées en Équateur avec l'approbation de la constitution de 2008. Cette forme légale prévoit tous les droits du mariage, mais exclut la possibilité de l'adoption conjointe. L'union libre a réussi à se frayer un chemin pour accéder à plus de droits civils, mais le mariage en lui-même reste néanmoins illégal pour des personnes du même sexe.

Ces deux femmes sont ensemble depuis plus de 16 ans et ont décidé d'avoir un enfant par insémination artificielle, pratiquée dans une clinique de Quito. C'est ainsi qu'est née Satya, la petite fille qui a aujourd'hui quatre ans et demi mais qui ne peut pas porter les noms de ses mères par empêchement du Registre civil. En accord avec la loi équatorienne, un mineur peut seulement être inscrit avec le nom d'un homme et celui d'une femme.

La bataille légale pour la reconnaissance de la maternité des deux mères a commencé en 2011. Depuis, le débat reste ouvert et diverses opinions ont trouvé écho dans les médias, comme celle de Silvia Buendía, défenseuse des droits des LGBTI, qui mentionne dans un article publié dans La República :

Esta falta de registro no solo discrimina a la pareja homosexual en unión de hecho, sino principalmente a la niña. A Satya se le niega acceder a los mismos derechos que tienen otros niños, en tanto hijos […] Quienes opinan que dos mujeres no pueden inscribir legalmente a una niña como hija suya debido a su imposibilidad de ser las dos madres biológicas de esa niña, deberían revisar las reglas de maternidad y paternidad de Código Civil: a la ley le importa más la institución familiar que el lazo sanguíneo.

Ce manque dans le registre ne discrimine pas seulement le couple homosexuel en union libre, mais surtout la fille. On refuse à Satya d'accéder aux mêmes droits que les autres enfants […] Ceux qui pensent que deux femmes ne peuvent inscrire légalement une fille comme étant leur propre fille parce qu'il est impossible qu'elles soient toutes les deux mères biologiques de cette enfant, devraient revoir les règles de maternité et paternité du Code civil. Aux yeux de la loi, l'institution familiale est plus importante que les liens du sang.

L'affaire Rothon et Bicknell est parvenue en 2014 jusqu'à la Cour constitutionnelle de l'Équateur. Selon Diario Expreso, au cours de l'audience du 29 mars 2016, la position du Registre civil a été défendue par la déléguée du parquet, Carola Samaniego, qui a maintenu le fait qu'il n'y a eu aucune violation de droits au cours du procès. “Ils n'ont pas dit ni comment, ni quand, ni où on a porté atteinte aux droits constitutionnels de l'enfant. On cherche seulement à faire diversion”, dit-elle. Elle a également réclamé l'annulation de l'action de protection.

Néanmoins, la cause compte sur le soutien de groupes et d'activistes LGBTI, comme l'association Silueta X, qui soutient :

Helen Bicknell y Nicola Rothon acordaron la concepción de su hija (sin importar el método) y ello conlleva responsabilidades que intentan asumir ambas, y que se les está negando.

Helen Bicknell et Nicola Rothon ont décider de concevoir leur fille (peu importe la méthode), ce qui implique des responsabilités que toutes les deux essaient d'assumer, et qu'on est en train de nier.

Le médiateur Ramiro Rivadeneira s'est lui aussi exprimé au cours de l'instruction, disant que le tribunal était face au “défi historique de garantir les droits de la petite Satya”. De plus, lors de l'audience de reddition des comptes de la défense, il a soutenu qu‘“il s'agit d'une thématique de maternité assistée biologiquement et de reconnaissance de sécurité juridique. Si la mère biologique meurt, l'enfant serait perdue”. Il ajouta que, selon la tradition en Équateur, les personnes contractant une union libre peuvent reconnaître les enfants de leur couple sans que quiconque ne demande si elles sont parents biologiques ou ne réclame une preuve spéciale. “Ce n'est pas le cas pour les couples homosexuels, il faut que cela change”.

L'histoire de cette bataille légale a été suivie par Juliana Khalifé dans son documentaire La importancia de llamarse Satya Bicknell Rothon [De l'importance de s'appeler Satya Bicknell Rothon, NdT]. Ce film suit les démarches entreprises par le couple pour essayer d'inscrire leur fille à l'État civil ainsi que les rejets de leurs demandes. Comme sa description l'explique, le documentaire raconte “l'histoire d'une famille installée dans un pays avec une constitution qui reconnaît ses droits, un État qui ne les garantit pas, et une société où beaucoup les nient complètement”.

Depuis le début de ce procès, différents acteurs sont entrés en jeu, comme la Chancelière équatorienne, qui a agi en délivrant un visa de protection pour une des deux femmes. Cependant, la fillette a été enregistrée sous le nom d'une seule et sous celui du père de la deuxième. Ainsi, la petite possède une pièce d'identité qui ne dévoile pas sa situation familiale réelle. Satya est née en Équateur mais n'est pas équatorienne. Il est mentionné que son lieu de naissance est Malchinguí, Pichincha, mais dans la case correspondant à la nationalité, il est indiqué qu'elle est britannique.

Sur Twitter et Facebook, sous le hashtag #TambiénEsFamilia, de nombreux utilisateurs ont apporté leur soutien à la cause de Nicola et d'Helen. Quelques internautes suivent également les faits grâce à #CasoBicknellRothon. Parmi ces fils d'actualité, la célèbre activiste pour les droits LGBT en Équateur Cristina Villagomez a publié sur Facebook :

Hoy en la Corte Constitucional se está luchando por el registro de un tipo de familia. Dos madres, una hija y un sistema obsoleto. La familia, en sus formas diversas, existe y no necesita reconocimiento alguno. El registro no es reconocimiento, es solo trámite. ‪#tambiénEsFamilia

Aujourd'hui, à la Cour constitutionnelle, on se bat pour l'enregistrement d'un type de famille. Deux mères, une fille et un système obsolète. La famille, sous ses formes les plus diverses, existe et n'a pas besoin de reconnaissance. L'inscription à l'État civil n'est pas une reconnaissance, elle n'est qu'une démarche. ‪#tambiénEsFamilia

La situation de Satya a suscité des réactions autant chez les familles traditionnelles que chez les défenseurs des droits de l'homme. Pendant ce temps, la Cour constitutionnelle aura trente jours pour résoudre l'extraordinaire action de protection présentée par le couple afin de pouvoir inscrire leur fille sous leurs noms respectifs. La réalisation du vœu d'Helen et de Nicola ne serait pas qu'un triomphe pour les communautés LGBTI : elle ouvrirait un nouveau chapitre dans l'histoire légale de l'Équateur.

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