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Censuré à Madagascar, le groupe de rock contestataire The Dizzy Brains flambe en Europe

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, France, Madagascar, Gouvernance, Jeunesse, Médias citoyens, Musique
Capture d’écran de l’émission du Petit Journal sur CANAL+ le 14/04/2016 avec les rockeurs malgaches The Dizzy Brains. [1]

Capture d’écran de l’émission du Petit Journal sur CANAL+ le 14/04/2016 avec les rockeurs malgaches The Dizzy Brains.

The Dizzy Brains est un groupe de 4 jeunes malgaches fougueux qui n’en finit plus de gagner en notoriété avec un style bien à eux dans un registre – punk / garage rock. Le groupe est composé des frères Andrianarisoa au chant et à la basse, Poun à la guitare et Mirana à la batterie.
Connu pour leur dynamisme sur scène, The Dizzy Brains ont marqué le grand public français lors de leur apparition [1]dans l’émission télévisé du Petit Journal le 14 Avril dernier. Eddy avait alors fait parler sur les réseaux sociaux en challengeant le nouveau premier ministre malgache en direct en lançant un retentissant : « Fais ton boulot mec ! ». Cette réaction spontanée et impertinente colle bien avec l’identité musicale du groupe, iconoclaste et engagé. Extraits vidéo :

dizzy concert [1]

Pour mieux faire connaissance avec ce groupe qui décoiffe, voici 3 faits marquants de leur courte mais déjà remarquable carrière:

Génèse du groupe (2011):

Le groupe a été fondé en 2011 par Eddy et Mahefa Andrianarisoa, avec Eddy au chant et Mahefa à la basse. Leur penchant pour le rock vient de leur père, un aficionados du groupe Punk/Rock anglais The Kinks dans les années 70 (aussi formé par deux frères) .
Le premier album « Môla Kely » sort en Décembre 2013 et s’attaque à la difficulté de la vie à Antananarivo, entre la pauvreté endémique et la corruption galopante. L’un des morceaux phares, Vangy, exprime leur colère [1] face à ce quotidien pénible, avec toujours un brin de provocation:

A quoi bon se fatiguer pour un boulot pénible, tu ne vaux pas plus que 3000 Ariary, ce n’est même pas le prix d’une prostituée.

Eddy raconte pourquoi le rock contestataire semblait la voie logique pour décrire la situation à Madagascar [2]:

Faire du rock à Madagascar, ce n’est pas une carrière, ça ressemblerait même plutôt à un combat permanent. D’abord, dans la rue, tu te fais constamment racketter par les flics pour aller d’un point A à un point B. Ensuite, si tu veux jouer, tu n’as pas le choix. Il faut passer par l’underground et tenir bon. Tu dois te produire dans les petits bars de nuit, les cabarets assez glauques.

Censuré à Madagascar (2014)

Les textes revendicateurs et provocateurs ne font pas que des amis aux groupes. Eddy explique les difficultés rencontrées [3]au pays :

On ne passe jamais à la radio ni dans les salles de concerts, parce que les gérants auraient trop peur d’avoir des problèmes après notre passage. On arrive quand même à se produire dans les bars. On se fait surtout connaître via les réseaux sociaux.

Mahefa ajoute [3]:

Si tu tombes sur un programmateur de soirées cool, on te file l’équivalent de 100 euros pour tout le groupe. Mais le plus souvent, tu tombes sur un patron bourré. Lui va te laisser jouer dans un premier temps. À un moment il va quand même venir te dégager de la scène à coups de pied au cul si ce qu’il entend de ta musique ne lui plaît pas. On a connu ce genre de situations un peu borderline tout le temps. On est restés parmi les mendiants, d’accord, mais ça ne nous a pas empêchés de persévérer. Alors maintenant, quoi qu’il nous arrive, on a la peau dure.

Succès à l’étranger : le Festival des Trans Musicales à Rennes (2015) et Le Petit Journal (2016)

Le style des Dizzy Brains avait tout pour intriguer [2] le directeur du festival des Trans Musicales à Rennes, Jean-Louis Brossard :

Ces gamins, donc, ils font du rock. Ils vont me mettre le feu, j’en suis persuadé. Parce que le rock, enfin ce qu’il véhicule de révolte contre quelque chose, ça a sans doute un peu perdu de son sens dans nos pays occidentaux. Alors que chez eux, à Madagascar, ce qu’ils chantent à un sens. Ça vient vraiment de la rue !

Le groupe se met le public breton dans la poche en entrant sur scène avec un drapeau breton. Extraits du concert :

dizzy transmusicales [4]

The Dizzy Brains ont aussi fait vibrer les spectateurs du Printemps de Bourges quelques mois plus tard. Et bien sûr, l’apothéose avec l’émission sur Le Petit Journal. Avec l’insouciance de ceux qui n’ont rien à perdre, le groupe chante avec brio à une heure de grande écoute et bluffe le présentateur Yann Barthès par leur franc-parler.

Le groupe continue sa tournée en Europe et les jeunes musiciens espèrent pouvoir continuer à sensibiliser le monde sur la situation à Madagascar.