Le lynchage d'un Congolais met de nouveau en lumière le racisme anti-noir en Inde

A lynch mob mercilessly beat three Nigerian students in Delhi and they could not save themselves after fleeing inside a police booth. Screenshot from Video "No Country For Black Men"

Des lyncheurs ont battu sans pitié trois étudiants nigériens à Delhi en septembre 2014. Capture d'écran de la vidéo No country for black men.

Il y a quelques semaines, Mason Kitanda Olivier, un jeune homme de 23 ans originaire de la République démocratique du Congo a été battu à mort par trois hommes dans le quartier de Vasant Kunj dans le sud de Delhi. Olivier était parti en Inde pour ses études universitaires et avait récemment commencé à enseigner le français dans un institut privé. Ses assaillants auraient proféré des insultes racistes au moment de s'en prendre à lui.

C'est loin d'être le seul cas récent de violence contre des individus originaires du continent africain en Inde. Le 25 mai, un étudiant nigérian de 26 ans, Bamilola Kazim, a été frappé avec une barre de fer après une altercation avec un habitant de la ville d'Hyderabad au sujet d'une place de parking. Il a été soigné dans un hôpital local puis autorisé à sortir.

En janvier, une Tanzanienne de 21 ans qui étudiait en Inde a été frappée, déshabillée et exposée nue dans les rues de Bangalore par la foule qui pensait à tort qu'elle avait écrasé et tué une de leurs concitoyennes. Trois de ses amis ont également été attaqués et on a mis le feu à la voiture dans laquelle ils circulaient. Après en avoir fini avec eux, la horde enragée s'est dirigée vers les maisons où logent les étudiants africains et s'est attaquée à eux.

Au cours des dernières années, des attaques similaires ciblant des ressortissants de pays africains et des personnes d'ascendance africaine ont fait très régulièrement les gros titres. Alors, cela signifie-t-il que l'Inde a un problème de racisme avec les Africains ?

Pas si vous le demandez à Sushma Swaraj, ministre des Affaires étrangères indienne, qui s'est montrée réticence à qualifier le meurtre de Masonga Kitanda Olivier de raciste. Swaraj a assuré que l'attaque avait été perpétrée par des ‘éléments asociaux’ et a soutenu que donner à l'affaire une connotation raciste ne serait pas juste envers le peuple indien, qui croit pour l'essentiel en une coexistence harmonieuse.

La ministre s'est tournée vers Twitter pour inciter les Indiens à déclarer aux Africains que l'Inde les aimait et à leur serrer la main. Toutefois, beaucoup ont trouvé cela naïf et hypocrite étant donné les violences récentes contre des ressortissants africains ainsi que les discriminations qui perdurent dans certains secteurs de la société indienne.

Une minorité de personnes sur Twitter ont semble-t-il néanmoins considéré que c'était une bonne idée.

Persistance de « grossiers stéréotypes sur les Africains datant de l'époque coloniale »

Les Africains et leurs gouvernements ne sont pas restés sans rien dire après les récentes attaques. Selon Al Jazeera, un groupe d'ambassadeurs africains s'est réuni pour parler au nom des ressortissants de leurs pays respectifs en Inde, qu'ils estiment vivre dans un « climat permanent de peur et d'insécurité » suite à la série d'attaques visant des Africains. Ils ont averti que, si celles-ci continuaient et que les responsables restaient impunis, ils feraient pression auprès de leurs gouvernements respectifs pour qu'ils n’envoient plus d'étudiants en Inde.

Ce n'est pas la première fois que le sujet préoccupe les diplomates africains. En 2015, avant la troisième édition du sommet Inde-Afrique, les ambassadeurs de pays africains à New Delhi auraient envisagé de boycotter la Journée mondiale de l'Afrique organisée tous les ans par le Conseil indien des relations culturelles à Delhi, en raison de la xénophobie subie par les ressortissants de leurs pays en Inde.

Des Africains ont relaté leur expérience du racisme à différents médias. Dans un article pour Scroll.in daté du 4 juin, une étudiante sud-africaine originaire d'Asie du Sud-Est décrit les formes subtiles que prennent les stéréotypes raciaux et culturels en vigueur en Inde :

It was also not uncommon for many students to have conversations with me, which they assumed were progressive, about Africa and Africans that were based on crude colonial stereotypes of Africans as being close to nature, having a good sense of rhythm or even, and possibly the most colonial, having big penises. While many of the students at JNU had an impressively extensive knowledge of their own colonial, independence and post-independence cultural, political, social and religious, and regional histories, as well as knowledge of western theory and philosophy, and were committed to an idea of Left politics that took ideas like South-South solidarity seriously, their knowledge of African social, political and cultural histories as well as present realities was limited.

Il n'était pas rare non plus pour de nombreux étudiants d'avoir une conversation avec moi, qu'ils jugeaient progressiste, sur l'Afrique et les Africains, et qui reposait sur de grossiers stéréotypes sur les Africains datant de l'époque coloniale comme quoi ceux-ci étaient proches de la nature, possédaient un bon sens du rythme et même, et c'est probablement le stéréotype qui renvoie le plus au colonialisme, avaient de gros pénis. Si un grand nombre d'étudiants de JNU [l'université Jawaharlal-Nehru à New Delhi] possédaient des connaissances incroyablement étendues sur leur propre histoire coloniale, celle de l'indépendance et de la post-indépendance sur les plans culturel, politique, social et religieux y compris au niveau régional, ainsi que des connaissances sur les théories et la philosophie occidentales, et étaient attachés à l'idée d'une politique de gauche qui prendrait au sérieux des conceptions telles que la solidarité sud-sud, ce qu'ils savaient de l'histoire sociale, politique et culturelle de l'Afrique ainsi que de ses réalités contemporaines était limité.

Des manifestations ont également eu lieu. Par exemple, après le meurtre d'Obodo Uzoma Simeon, un citoyen nigérian de 36 ans, devant un restaurant africain de Parra dans l'Etat de Goa en 2013, plus de 50 Nigérians ont bloqué l'autoroute. Ils ont arrêté le corbillard qui transportait Simeon et ont traîné son corps sur la route afin d'attirer l'attention sur l'affaire et empêcher toute tentative de dissimulation du meurtre.

En dépit de cela, les autorités ont réagi à la contestation par l'adoption de mesures répressives contre les Nigérians sans-papiers, une campagne qui semble seulement avoir accentué l'hostilité vis-à-vis des Africains. Les prises de position négatives se sont poursuivies après le meurtre de Masonga Kitanda Olivier. En réaction à un cas présumé de viol impliquant un ressortissant nigérian, le ministre du Tourisme de Goa a accusé publiquement les Nigérians de commettre des crimes dans le but de prolonger leur séjour en Inde. « Nous devrions avoir une loi stricte pour pouvoir les expulser. Mais il n'existe malheureusement pas de telle loi en Inde aujourd'hui, a-t-il déclaré.

Il fait peu de doute que la vague d'attaques contre des Africains a discrédité l'Inde aux yeux de la communauté internationale et mis à mal ses relations avec les pays africains. Afin de remédier à cette situation inquiétante, Sushma Swaraj s'est efforcée d'apporter des garanties aux ambassadeurs des Etats africains tout comme à leurs ressortissants en Inde. Un groupe d'étudiants africains a par conséquent annulé une manifestation dans la capitale indienne.

Reste à espérer que le pays s'engagera rapidement sur la voie de la paix et de la sécurité pour les Africains comme pour les communautés marginalisées en Inde.

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