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Dix athlètes de quatre pays participeront aux Jeux olympiques sous la bannière des réfugiés

Catégories: Brésil, Ethiopie, République Démocratique du Congo (RDC), Sud Soudan, Syrie, Action humanitaire, Droits humains, Economie et entreprises, Good News, Guerre/Conflit, Idées, Médias citoyens, Migrations & immigrés, Politique, Réfugiés, Relations internationales, Sport
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L'équipe définitive des athlètes réfugiés aux Jeux olympiques. Source: page Facebook du HCR [1]

Cette année, les Jeux olympiques de Rio de Janeiro seront les premiers de l'Histoire à accueillir une équipe entièrement constituée de réfugiés. Les athlètes qui la composent, six hommes et quatre femmes, ont fui le Sud Soudan, la République démocratique du Congo, la Syrie et l'Ethiopie. Ils prendront part aux compétitions et défileront lors de la cérémonie d'ouverture dans le stade Maracanã [2] [fr] sous le drapeau olympique.

Quarante-trois personnes étaient en lice pour une place dans l'équipe des réfugiés. La bonne nouvelle a été annoncée [3] par Thomas Bach, président du Comité international olympique (CIO), au moment de dévoiler la composition de l'équipe à la presse.

These refugee athletes have no home, no team, no flag, no national anthem. We will offer them a home in the Olympic Village together with all the athletes of the world. The Olympic anthem will be played in their honor and the Olympic flag will lead them into the Olympic Stadium.

Ces athlètes réfugiés n'ont pas de foyer, pas d'équipe, pas de drapeau, pas d'hymne national. Nous allons leur offrir un toit au village olympique au même titre qu'à l'ensemble des athlètes. L'hymne olympique sera joué en leur honneur et ils défileront sous le drapeau olympique dans le stade olympique.

Voici l'histoire de certains d'entre eux.

Des nageurs syriens

Rami Anis [4], 25 ans, et Yusra Mardini [5], 18 ans, sont deux nageurs originaires de Syrie qui participeront à la compétition dans l'équipe des réfugiés.

Yusra, screenshot Youtube [5]

La nageuse syrienne Yusra Mardini. Capture d'écran via YouTube.

Yusra et sa sœur ont fui la ville de Damas en août 2015. Elles ont d'abord rejoint le Liban puis la Turquie où Yusra a payé des passeurs pour traverser la mer Egée jusqu'en Grèce et demander asile en Europe [6][fr]. D'après un reportage réalisé par la radio états-unienne à but non lucratif NPR [7], l'embarcation de fortune sur laquelle elles avaient embarqué a commencé à prendre l'eau alors Yusra et sa sœur, toutes deux nageuses confirmées, ont sauté à la mer pour donner au bateau à demi submergé davantage de flottabilité. Après avoir passé trois heures et demi dans l'eau, elles ont finalement atteint l'île de Lesbos.

En Allemagne, où elle s'est finalement installée, Yusra est entrée en contact avec un club de natation et a commencé à s'entraîner pour les JO.

Dans une vidéo [8] mise en ligne par le CIO, la jeune femme décrit son dernier entraînement en Syrie comme le fait de « lever les yeux vers le toit surplombant la piscine et voir le ciel à travers les trous provoqués par les bombes. »

Malheureusement, si 2016 marque l'ouverture des Jeux de Rio, elle marque aussi la cinquième année de la guerre en Syrie, où aucune solution ne se dessine.

Des judokas congolais

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Yolande Mabika. Capture d'écran via YouTube.

Âgés respectivement de 28 et de 24 ans, Yolande Mabika et [9]Popole Misenga [10] ont fait une demande d'asile au Brésil lorsqu'ils se sont rendus dans le pays pour les Championnats du monde de judo de Rio en 2013 [11] [fr].

Tous deux sont originaires de Bukavu dans l'est de la République démocratique du Congo [province du Sud-Kivu], une zone où la fin de la deuxième guerre du Congo [12] [fr] n'a pas empêché les violences et les violations des droits humains de se poursuivre.

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Le judoka Popole Misenga, capture d'écran via YouTube.

Les deux athlètes disent avoir souffert de mauvais traitements de la part de leur entraîneur lorsqu'ils étaient au Congo à chaque fois qu'ils perdaient une compétition. Selon eux, il les enfermait pendant des jours et leur accès à la nourriture était limité [13].

Après que leur demande d'asile a été acceptée au Brésil, ils se sont installés à Rio de Janeiro et ont pu s'entraîner gratuitement à l'école de judo fondée par Flavio Canto, athlète brésilien médaillé de bronze aux JO.

Des coureurs du Sud Soudan

En l'espace de 30 mois, la guerre civile sud-soudanaise [14] [fr]  a entraîné le départ de centaines de milliers de réfugiés vers les pays voisins. Mais cinq athlètes sud-soudanais résidant au Kenya ont été retenus pour faire partie de l'équipe des réfugiés.

Il s'agit de Paulo Amotun Lokoro (24 ans), Yiech Pur Biel (21 ans), Rose Nathike Lokonyen (23 ans), Anjelina Nadai Lohalith (21 ans) et James Nyang Chiengjiek (28 ans). Ces cinq athlètes du Sud Soudan vivent et s'entraînent actuellement au Kenya, et ils s'aligneront sur le 800 et le 1500 mètres lors des Jeux olympiques.

Les histoires qu'ils racontent sur leur fuite, la faim et la souffrance qu'ils ont connues en tant que réfugiés sont effroyables. Yiech s'est confié [15] à Radio Tamazuj, un site web d'actualités quotidiennes qui couvre le Soudan du Sud :

In the refugee camp, we have no facilities – even shoes we don’t have. There is no gym. Even the weather does not favor training because from morning up to the evening it is so hot and sunny

Dans le camp de réfugiés, nous n'avons pas d'équipements – nous n'avons même pas de chaussures. Il n'y pas de gymnase. Le temps lui-même ne joue pas en faveur de l'entraînement car il fait vraiment chaud et il y a du soleil du matin jusqu'au soir.

Un marathonien éthiopien

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Le coureur éthiopien Yonas Kinde, capture d'écran via YouTube.

Le marathonien Yonas Kinde [16], 36 ans, fera également partie de l'équipe olympique des réfugiés cette année à Rio. Après avoir fui l'Ethiopie, il a vécu pendant cinq ans au Luxembourg où il a suivi des cours de français de manière régulière tout en gagnant sa vie comme chauffeur de taxi.

« Il m'est impossible de vivre là-bas… J'y suis vraiment en danger, » a-t-il révélé au Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés à propos de son pays d'origine.

Kinde s'entraîne deux fois par jour pour se préparer aux Jeux. « Je vais participer aux Jeux olympiques. C'est une fierté. C'est une joie, » a-t-il déclaré [17] à un journaliste du site officiel des JO. L'athlète éprouve encore des difficultés à parler des raisons qui l'ont poussé à quitter l'Ethiopie.

In a Music Video, Refugees Say Thanks to Brazil for Welcoming Them.

Dans un clip [18] tourné en 2015, des réfugiés remercient le Brésil de les accueillir.

Un pays hôte accueillant

Le nombre de demandeurs d'asile a bondi au Brésil ces dernières années. En 2010, moins de mille personnes ont déposé une demande d'asile dans le pays. En 2015, elles étaient plus de 28.000.

Le Brésil est maintenant le foyer de 8.863 réfugiés reconnus (hors demandeurs d'asile vivant dans le pays) de 81 nationalités, selon le Comité national pour les réfugiés du Brésil (CONARE). La plupart viennent de Syrie, de Colombie, d'Angola et de République démocratique du Congo.

Le Brésil mène une politique de la porte ouverte vis-à-vis des demandeurs d'asile – on leur fournit un hébergement, un permis de travail et un titre de voyage temporaire le temps que leur demande d'asile soit examinée. Bien que l'Etat n'octroie pas d'aides financières ou d'allocations logement particulières que ce soit pour les demandeurs d'asile ou les réfugiés, ceux-ci sont libres de se déplacer et de chercher un travail sur le territoire brésilien, et ils ont également accès au système de santé publique.

Mais l'avenir ne s'annonce pas radieux pour autant pour les réfugiés au Brésil. Le gouvernement de transition, qui dirige le pays alors que la présidente élue Dilma Rousseff attend le verdict final de son procès en destitution, a déclaré qu'il suspendait les pourparlers avec l'Union européenne [19] concernant l'envoi de réfugiés dans le pays.

Toutefois, à quelques semaines seulement des JO, le Brésil accueille l'équipe de réfugiés les bras ouverts comme l'assure [20] Mario Cilenti, directeur des relations publiques au sein du Comité national olympique et du village olympique :

It is fantastic news that the IOC has created a team of refugee athletes to compete at the Rio 2016 Games. Alongside athletes from all corners of the globe, they will be received with open arms at the Olympic Village and by all of Rio 2016, and we are sure that Brazilians will also welcome them with the warmth for which they are renowned.

C'est vraiment formidable que le CIO ait créé une équipe d'athlètes réfugiés qui participera aux Jeux de Rio 2016. Ils seront reçus tout comme les athlètes du monde entier à bras ouverts au village olympique et par tout Rio 2016, et nous sommes sûrs que les Brésiliens aussi les accueilleront avec la chaleur qu'on leur connaît.

Le président du CIO Thomas Bach a quant à lui commenté:

This will be a symbol of hope for all the refugees in our world, and will make the world better aware of the magnitude of this crisis.

Ce sera un symbole d'espoir pour tous les réfugiés dans le monde, et fera mieux prendre conscience au monde de l'ampleur de cette crise.