‘Je resterai aussi longtemps que la Reine me le permettra’ et autres réactions de lusophones au Brexit

Brexit. Foto: Pixabay/Domínio Público

Brexit. Photo: Pixabay/Domaine public

Les électeurs britanniques ont décidé de quitter l'Union Européenne par référendum du 23 juin, avec 52% des voix pour le “Brexit” (sortir) contre 48% pour le “Bremain” (rester). En conséquence, le Premier Ministre David Cameron a remis sa démission.
Le résultat du vote a fait naître l'incertitude sur le sort des citoyens de l'UE qui vivent et travaillent au Royaume-Uni (la liberté de circulation entre les pays membres est un des fondements de l'Union Européenne) tout comme des entreprises et entités qui commercent au-delà des frontières. La Bourse et la livre ont chuté sous l'effet du vote Brexit, et une recrudescence des incidents xénophobes aurait été signalée à travers le Royaume-Uni.
A travers la planète, les réactions au vote pour ou contre la sortie de l'UE ont été variées. Global Voices a voulu savoir ce qu'en dit le monde d'expression portugaise.
Par Facebook, nous avons échangé avec João Carvalho, mécanicien chez Jaguar depuis un an qui vit près de Londres avec sa fille. Il dit avoir quitté le Portugal, qui est membre de l'UE, pour trouver un bon emploi et parce qu'il trouvait que c'était un Etat en faillite. En Angleterre, Carvalho dit avoir trouvé une meilleure qualité de vie et la possibilité de donner un bon avenir à sa fille.
Il ne croit pas que le Brexit aura des conséquences pour lui et que cela puisse “servir de modèle pour son pays”. A la question de savoir s'il restera en Angleterre même si les conditions de visa se compliquent pour les ressortissants européens, il répond, “je resterai aussi longtemps que la Reine me le permettra”, avant de conclure qu'il n'avait jamais ressenti personnellement “la moindre xénophobie de la part des Britanniques”.
A l'inverse, Patrícia Soares, qui vit depuis 2014 à Brighton où elle prépare un doctorat, dit que le nombre d'agressions xénophobes a augmenté depuis le vote. “La plupart des cas dont j'ai connaissance visent des Musulmans, des Polonais et des Pakistanais”, a-t-elle déclaré à Global Voices. Elle précise qu'elle n'a personnellement rencontré ni discrimination ni haine et que “le lendemain du référendum, plusieurs collègues britanniques [lui] ont demandé comment [elle] se sentait et étaient unanimes à [lui] assurer que ce n'était pas leur position et qu'ils étaient embarrassés par ce résultat”.
Patricia Soares n'a pas l'intention de rester en Angleterre, parce que son “objectif a toujours été son doctorat puis de rentrer au Portugal”. La chercheuse admet cependant qu'elle devra changer une partie de ses plans : “Nous étions en train d'explorer la possibilité de continuer à travailler depuis le Portugal en revenant régulièrement au Royaume-Uni. Avec le résultat du Brexit, je devrai probablement réfléchir à d'autres options. Les financements seront probablement plus difficiles à obtenir et les employeurs pourraient être moins ouverts à la possibilité de payer quelqu'un d'extérieur”.
La victoire du Brexit a révélé une faille profonde entre les quatre nations qui composent le Royaume-Uni : l'Ecosse et l'Irlande du Nord ont massivement voté pour rester dans l'UE, tandis que l'Angleterre et le Pays de Galles ont fait le choix inverse. La différence de vote a attisé les appels à l'indépendance, surtout en Ecosse. Sur la possibilité d'un éclatement du Royaume-Uni, Soares dit que :

O futuro do Reino Unido não está claro. No entanto, seja o que for que aconteça daqui para a frente ninguém poderá apagar estes resultados da memória dos cidadãos. Esquecendo as consequências políticas e económicas, o aumento da discriminação que o leave (“sair”) trouxe não poderá ser apagado. O país está claramente dividido e acredito que a Escócia vai fazer os possíveis para continuar na UE. Tendo em conta a história com a Irlanda, a Irlanda do Norte é mais complicado

L'avenir du Royaume-Uni n'est pas clair. Néanmoins, quoi qu'il arrive désormais, nul ne pourra effacer ces résultats de la mémoire des citoyens. L'oubli des conséquences politiques et économiques, l'accroissement de la discrimination apporté par le vote leave (“sortir”) ne pourront pas être effacés. Le pays est clairement divisé et je crois que l'Ecosse fera tout son possible pour rester dans l'UE. Compte tenu de l'histoire en Irlande, l'Irlande du Nord c'est plus compliqué.

‘La fin d'un beau rêve’

Au Brésil, la blogueuse “Socialista Morena” (La socialiste bronzée) explique que la question du Brexit a traversé les frontières entre droite et gauche :

Confesso que estranhei um certo desespero, por parte da esquerda, com a saída da Inglaterra da UE, como se fosse uma espécie de fim dos tempos – até porque a esquerda nunca foi uma grande defensora do bloco, pelo contrário. Nestes 23 anos de sua existência, não se pode dizer que a UE tenha sido uma maravilha para as pessoas mais necessitadas da Europa – a pobreza e a desigualdade estão crescendo, inclusive – ou mesmo para os imigrantes, que aparentemente serão o maior alvo da extrema-direita agora (como se já não fossem). Para complicar ainda mais, os pobres da Inglaterra votaram em sua ampla maioria pela saída do país da UE. Diante de tantas complexidades, prefiro esperar para ver antes de automaticamente me afirmar contra o Brexit.

J'avoue que j'ai trouvé étrange un certain désespoir de la part de la gauche devant la sortie de l'Angleterre de l'UE, comme si c'était une sorte de fin du monde — car la gauche n'a jamais beaucoup défendu le bloc, au contraire. Dans ces 23 ans d'existence, on ne peut pas dire que l'UE a été un miracle pour les personnes les plus démunies d'Europe — pauvreté et inégalités sont en hausse, y compris — ou même pour les immigrants, qui semblent à présent être la principale cible de l'extrême-droite (comme s'ils ne l'étaient pas déjà). Pour compliquer encore plus, les pauvres d'Angleterre ont voté très majoritairement pour que le pays sorte de l'UE. Devant autant de complexité, je préfère attendre pour voir avant de me prononcer automatiquement contre le Brexit.

Une analyse des résultats révèle combien le Royaume-Uni est divisé sur le sujet. Le vote pour rester l'a emporté dans les régions à l'économie la plus puissante, tandis que la sortie a gagné dans celles économiquement affaiblies, autrement dit, les plus riches ont voté pour le maintien dans l'UE et les pauvres ont choisi d'en sortir. D'autres chiffres des résultats pointent un conflit de générations : les jeunes veulent rester dans l'UE, les vieux ont voté pour la quitter.
Le projet européen commun est-il en danger de se dissoudre ? Voilà ce qu'écrit au Portugal Francisco Fortunato :

Não acredito que a União Europeia tenha aprendido nada com o terramoto britânico. Nem compreendido as angústias dos mais desfavorecidos, nem os problemas que a construção do projeto europeu às escondidas dos cidadãos provocaram. Cedo ou tarde, um acontecimento como o inglês ia acontecer. Para nosso mal, o nosso futuro europeu comum é cada vez mais uma miragem, um sonho bom que se está a tornar um pesadelo. A Inglaterra não será um contraponto – por pequeno que tenha sido – ao poder alemão, a França está tão frágil que a sua voz pouco conta. A reação dura – pedindo um processo rápido – dos decisores europeus à saída da Inglaterra da União Europeia não passa de uma ameaça aos outros países. Nada faz prever uma inflexão de rumo, uma aprendizagem com os profundos erros cometidos.
Provavelmente, teremos uma União Europeia cada vez mais germanizada, mais fechada sobre o seu pequeno círculo de satélites e os outros condenados a viver ligados ao soro alemão, que lhes vai permitindo pouco mais do que se manterem à tona, ou a uma rutura que os vai atirar para uma crise social e política de proporções dantescas. É o fim de um sonho lindo.

Je ne crois pas que l'Union Européenne ait rien appris du tremblement de terre britannique. Ni qu'elle ait compris les angoisses des plus défavorisés, ni les problèmes qu'a causés la construction du projet européen en cachette des citoyens. Tôt ou tard, un événement comme le britannique se serait produit. Pour notre malheur, notre avenir européen commun devient de plus en plus un mirage, un beau rêve tourné au cauchemar. L'Angleterre ne sera pas un contrepoids — si petit qu'il ait été  — à la puissance allemande, la France est si fragile que sa voix compte peu. La réaction de dureté — la demande d'un processus rapide — des décideurs européens à la sortie de l'Angleterre de l'Union Européenne n'est qu'une intimidation pour les autres pays. Rien ne laisse prévoir un changement de cap [de l'UE], un apprentissage à partir des profondes erreurs commises.
Probablement, ce que nous aurons c'est une Union Européenne de plus en plus allemande, plus fermée sur son petit cercle de satellites et les autres condamnés soit à vivre sous perfusion allemande, qui leur permettra à peine plus que de se maintenir à la surface, soit à une rupture qui va les jeter dans une crise sociale et politique de proportions dantesques. C'est la fin d'un beau rêve.

‘J'ai peur que le sentiment anti-immigrants devienne dévorant’

En Afrique, les Mozambicains ont eux aussi réagi au possible départ britannique de l'UE. Isalcio Mahanjane a mis en garde que ce n'était pas un “pétrin” isolé :

(…) Vale a pena dizer que estamos em face de um verdadeiro “sarilho”, para os British themselves (para os próprios britânicos), para o resto da UE e para o mundo, donde não escaparão a minha África e o meu Moçambique! (…)

[…] On peut dire que nous sommes dans un véritable “pétrin”, pour les British themselves (pour les Britanniques eux-mêmes) pour le reste de l'UE et pour le monde, où il n'y a pas d'échappatoire pour mon Afrique et mon Mozambique ! […]

Eduardo Matine lui répond :

(…) Nos moldes em que Bruxelas vinha gerindo esta união, tarde ou cedo, de algum lado se ia desintegrar! A crise da Grécia fortaleceu a Alemanha com conivência de Bruxelas, só para citar alguns imbróglios que o Reino Unido e outros tiveram que engolir porque devem respeitar diretivas lá da união! Essa união, que supõe-se que devia servir aos países membros, deixa-se guiar por agendas milionárias de grupos económicos financeiros ditando regras de jogo e sendo jogador e fiscal ao mesmo tempo! (…)

[…] De la façon dont Bruxelles gérait cette union, tôt ou tard, elle allait se désintégrer d'un côté ou d'un autre ! La crise grecque a renforcé l'Allemagne avec la connivence de Bruxelles, pour citer quelques imbroglios que le Royaume Uni et d'autres ont dû avaler parce qu'ils doivent respecter les directives de l'union ! Cette union, qui devait supposément servir les pays membres, s'est laissée mener par les ordres du jour millionnaires de groupes économiques financiers dictant les règles du jeu, et à la fois joueurs et arbitres ! […]

En Angola, Márcio Cabral, qui a vécu au Royaume-Uni, craint la montée de la xénophobie :

(…) Não acho que o “Brexit” tenha sido uma decisão acertada do ponto de vista económico. Quanto ao ponto de vista social, este sim é o que me preocupa profundamente. Como frisou o meu colega britânico Gerson Emanuel, a motivação deste voto foi puramente xenófoba…e por isso temo bastante que o sentimento anti-emigrante venha a crescer de forma voraz nos próximos tempos naquele país. Quando lá vivi, ouvi bastantes vezes a frase “Go back to your Country = Volta para o teu País” e temo que os meus, que ainda lá vivem, venham a passar por situações de racismo e xenofobia. Por mais “britânicos” que eles se possam sentir…

[…] Je ne pense pas que le “Brexit” ait été une décision sage du point de vue économique. Quant au point de vue social, c'est ce qui m'inquiète profondément. Comme l'a souligné mon confrère britannique Gerson Emanuel, la motivation de ce vote était purement xénophobe… et pour cela j'ai bien peur que le sentiment anti-immigrant devienne dévorant dans les prochains temps en ce pays. Quand j'y vivais, j'ai assez souvent entendu la phrase “Go back to your country = Rentre dans ton pays” et j'ai peur que les miens qui y vivent toujours ne passent par des situations de racisme et de xénophobie. Aussi “britanniques” qu'ils puissent se sentir …

Le Cap-Verdien Herminio Silves est convaincu que la sortie du Royaume-Uni de l'UE aura aussi des effets sur son pays :

BREXIT GANHA. E CABO VERDE COM ISSO?
Pelos visto nos vai afetar e muito. A saída do Reino Unido da União Europeia prejudica – sim prejudicar, porque é o nacionalismo exacerbado e a xenofobia que venceram – o principal bloco do planeta, pelos seus efeitos de contágio. A Holanda, a França, a Itália e a Turquia (esta quer entrar na UE) já cogitam avançar também com um referendo se permanecem na União ou se ficam para a manter firme.
Com os sinais vindos do Reino Unido, é crível que esses países se deixem levar pela mesma onda e preferir sair da UE. Com isso, pode estar por um fio a moeda única europeia, o Euro, como aliás, se defende na Itália. Roma vai começar a referendar primeiro a sua saída da zona Euro, antes de avançar com uma consulta pública sobre a sua permanência na UE.
A desintegração começa a sentir-se e é o cenário mais preocupante. Cabo Verde é um dos que perde com o desmembramento da UE. O país, que por via do acordo cambial mantém o Escudo preso ao Euro, poderá não aguentar as oscilações do mercado se a moeda única europeia for para o brejo.
Além disso, há acordos bilaterais (pesca, circulação), financiamentos e o protecionismo que nos foge, ainda por cima, nesta época difícil.
Curioso é que ainda esta semana o presidente da AN (Assembleia Nacional), Jorge Santos, esteve nas Canárias onde, juntamente com os Açores e a Madeira, Cabo Verde reivindicou uma participação ativa nas instituições da UE, no quadro da Macaronésia. Bem, se os tubarões estão em debandada, que será dos peixinhos?

LE BREXIT WINS. ET LE CAP-VERT DANS TOUT ÇA ?
Selon toutes apparences, ça nous affectera beaucoup. La sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne est nocive — oui, nocive, parce que ce sont le nationalisme exacerbé et la xénophobie qui ont gagné — pour le principal bloc de la planète, par ses effets de contagion. Les Pays-Bas, la France, l'Italie et la Turquie (cette dernière veut entrer) réfléchissent déjà à avancer aussi avec un référendum pour demeurer dans l'Union ou rester pour la consolider.
Les signaux venant du Royaume-Uni rendent crédible que ces pays se laissent emporter par la même vague et préfèrent sortir de l'UE. Avec cela, la monnaie unique européenne, l'euro, peut tenir à un fil, comme par ailleurs elle se défend en Italie. Rome sera la première avec un référendum sur sa sortie de la zone euro, avant d'avancer vers une consultation publique sur son maintien dans l'UE. La désintégration commence à se faire sentir et c'est le scénario le plus préoccupant. La Cap-Vert est un des perdants du démembrement de l'UE. Le pays, qui par un accord de change garde son Escudo attaché à l'euro, ne pourra pas résister aux fluctuations du marché si la monnaie unique ‘glisse sur le requin’ [NdT. tourne mal].
A cela s'ajoutent les accords bilatéraux (pêche, circulation), les financements et le protectionnisme qui vont de plus nous échapper en ces temps difficiles.
Curieusement, cette semaine le président de l'Assemblée Nationale, Jorge Santos, s'est rendu aux Canaries où, conjointement avec les Açores et Madère, le Cap-Vert a revendiqué une participation active aux institutions européennes dans le cadre de la Macaronésie. Eh bien, si les requins sont en débandade,  qu'arrivera-t-il aux petits poissons ?

Et maintenant ?

Le référendum du 23 juin n'est pas juridiquement contraignant. Le retrait du Royaume-Uni pourrait même ne pas se concrétiser, une éventualité peu probable car ne pas respecter la volonté de l'électorat britannique serait politiquement suicidaire pour tout parti briguant le pouvoir.
Avant de démissionner, David Cameron a assuré que la décision populaire serait respectée et que les dirigeants des autres partis partagent cette opinion. Il revient à présent au Parlement britannique d’entériner le référendum et de demander au premier ministre d'invoquer formellement l’article 50 du traité de Lisbonne, qui décrit comment un Etat peut se retirer de l'UE. Une fois lancée, la procédure s'étend sur deux ans au plus.
En attendant, le Secrétaire d'Etat aux Portugais de l'étranger José Luis Carneiro a déclaré à la presse à Lisbonne :

Os portugueses com mais de cinco anos de trabalho no Reino Unido devem acautelar os seus direitos e requisitar a residência permanente naquele país, independente da saída ou não dos britânicos da União Europeia.

Les Portugais ayant plus de cinq années de travail au Royaume-Uni devront sauvegarder leurs droits et solliciter la résidence permanente dans ce pays, que les Britanniques sortent ou non de l'Union Européenne.

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