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Quel avenir pour le Guyana après la découverte par Exxon Mobil d'un énorme gisement pétrolier off-shore ?

Catégories: Caraïbe, Guyana, Venezuela, Economie et entreprises, Environnement, Gouvernance, Médias citoyens, Relations internationales
ExxonMobil's Oil Exploration ship, the Deepwater Champion. Photo by flickr user Michael Elleray, used under a CC BY 2.0 license. [1]

Deepwater Champion, le navire de forage d'Exxon Mobil. Photo Flickr de Michael Elleray, utilisée sous licence CC BY 2.0

Le jeudi 30 juin 2016, le géant américain Exxon Mobil a fait des vagues au Guyana en confirmant [2] une découverte de pétrole « d'envergure internationale » au large du pays. La compagnie a déclaré que les résultats de l'exploration du puits dans le bloc Stabroek, à environ 193 km (120 miles) au large du Guyana, ont révélé entre 800 millions et 1,4 milliard barils-équivalent pétrole.

Raphael Trotman, le ministre des Ressources naturelles du Guyana, a qualifié cette découverte de nouvelle fantastique, déclarant [3] à News Source Guyana que « l'avenir du Guyana est dorénavant tracé et je pense que cela va se répercuter dans le monde entier ». Le ministre a ajouté que le pays bénéficie du soutien et des conseils de la communauté internationale, dont l'Union Européenne, le Secrétariat du Commonwealth et les gouvernements du Canada, des États-Unis et du Mexique.

Liza-2, le deuxième puits d'exploration appartenant à Exxon Mobil dans cette zone, est rempli de grès à forte porosité. En 2015, d'importantes réserves de pétrole avaient également été découvertes dans le premier puits, Liza-1, situé à 3,3 km (environ 2 miles) de Liza-2.

Cette première découverte avait provoqué [4] une aggravation du conflit territorial entre le Guyana et son voisin, le Venezuela. Le 27 mai 2015, Nicolas Maduro, le président vénézuélien, promulguait un décret revendiquant une grande partie du Guyana et de ses eaux territoriales. Cette récente découverte de pétrole va probablement encore exacerber ce conflit.

D'après le Venezuela, le différend [5], qui remonte à un relevé topographique réalisé en 1841 par le gouvernement colonial britannique en place à cette époque, n'a jamais été officiellement résolu. Il affirme que la sentence d'un tribunal arbitral de 1899 qui était largement en faveur de la Grande-Bretagne était non valide, après que les Anglais aient été soupçonnés, par le conseil américain représentant le Venezuela dans le conflit, d'avoir exercé une influence excessive sur la décision. Par la suite, le Traité de Genève [6] fut signé en 1966 pour tenter de mettre fin à la controverse ; d'un point de vue technique, il est toujours en vigueur bien qu'aucune solution définitive n'ait été trouvée.

Les eaux autour du Guyana restent largement inexplorées. D'après un article [7] de Forbes citant Rex Tillerson, le PDG d'Exxon, le levé sismique en 3D mené par Exxon dans la région était le plus vaste de son histoire — « l'équivalent de 1 400 blocs du Golfe du Mexique ».

Un levé sismique [8] en 3D est une méthode d'exploration géophysique dont l'utilisation est très répandue dans l'industrie du pétrole et du gaz. Une onde de choc ou une onde sismique est créée afin d'analyser les caractéristiques du terrain et l'on craint que le bruit généré par cette forte activité sismique en milieu marin dérange ou blesse les animaux, particulièrement les cétacés tels que les baleines, dauphins et marsouins qui communiquent entre eux grâce au son.

L'annonce de la découverte de pétrole a provoqué des centaines de commentaires sur Facebook, incluant plusieurs Guyanais qui soutiennent cette découverte et ses perspectives pour le développement de l'économie du Guyana. Comme le dit [9] un utilisateur de Facebook, Seemouna Philips :

On dirait que nous sommes bénis

Mais d'autres ne croient pas que les citoyens en verront les avantages.

L'utilisatrice de Facebook Suzanne Defreitas-Johnson écrit [10] :

Ummmm alors, où est-il écrit dans cet article que le Guyana va bénéficier de cette trouvaille ? Ou est-ce que ce nouveau gouvernement va faire comme les autres dirigeants et laisser ces gens venir et se servir sans compensation ?

L'utilisatrice de Facebook Samantha Mathurin-Springer ajoute [11] :

J'espère que le gouvernement guyanais réalise que ceci peut avoir un effet positif ou négatif sur le Guyana, selon la façon dont c'est traité. Beaucoup manifesteront de l'intérêt à investir au Guyana. J'espère aussi qu'il fera des consultations juridiques sérieuses avant de signer un contrat. Il semble que le gouvernement précédent a hypothéqué le pays. Une fois, pas deux.

Ceci survient après un avertissement [12] donné par le groupe de société civile Policy Forum Guyana indiquant que le pays doit opérer des changements radicaux afin d'assurer un suivi efficace des ressources naturelles — ce qui demande des changements d'infrastructures dont le groupe dit que les “dispositions de gouvernance” ne sont pas en mesure d'effectuer.

Le groupe a fait cette déclaration lors de l'ouverture d'un symposium pour la fondation d'un collectif à intervenants multiples lié à l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) [13]. Le Guyana a prévu de poser sa candidature auprès de l'ITIE en novembre et la fondation d'un collectif à intervenants multiples est une condition essentielle pour en devenir membre. L'Initiative [14], dont le siège social est en Norvège, vise à sensibiliser le public sur la façon dont les pays gèrent leurs ressources minérales, pétrolières et gazières.

Ce n'est pas la première fois que des préoccupations ont été exprimées à propos de l'exploration pétrolière dans le pays. En novembre 2015 [15], le gouvernement guyanais a fait l'objet d'accusations indiquant que l'Etat n'avait pas la capacité de surveiller Exxon Mobil de manière autonome concernant le respect des réglementations environnementales. Les inquiétudes survinrent après qu'Exxon Mobil fut soupçonné [16] de favoriser et de financer les démentis à propos des changements climatiques [17].

À cette date, Trotman, qui était alors ministre de la Gouvernance, avait déclaré que l'Environmental Protection Agency (EPA) [18] allait accroître sa capacité et qu'elle en serait capable d'ici cinq à dix ans.