“Si la vie ne m’accorde rien d’autre, j’espère au moins pouvoir vivre en paix”: Des migrants ayant survécu à la traversée de la Méditerranée témoignent

Capture d'écran d'une action de sauvetage du projet SOS méditerranée via YouTube

Capture d'écran d'une action de sauvetage du projet SOS méditerranée via YouTube

Avec les conflits et la menace terroriste en Afrique du Nord et de l'Ouest et la guerre civile en Syrie, les tentatives des migrants pour rejoindre l'Europe via la mer Méditerranée sur des embarcations de fortune continuent au péril de leurs vies. En 2015, on estime à plus d'un million les personnes qui sont entrées dans l'espace Schengen par la mer. Les pertes humaines lors de ces traversées sont nombreuses et toutes aussi dramatiques les unes que les autres. D'après l’Organisation internationale pour les migrations, environ 3 072 personnes sont mortes ou ont disparu en mer Méditerranée en 2014 en tentant d'immigrer en Europe. Fin 2014, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, l'Union européenne accueille 6 % des réfugiés du monde entier.

Le bateau Aquarius en 2012 à Cuxhaven CC BY-SA 3.0

Le bateau Aquarius en 2012 à Cuxhaven CC BY-SA 3.0

C'est dans ce contexte d'urgence permanente que le projet SOS Méditerranée se met en place. SOS Méditerranée est une association qui a vocation à porter assistance à toute personne en détresse sur mer:  les personnes concernées sont des hommes, femmes ou enfants, migrants ou réfugiés, se retrouvant en danger de mort lors de la traversée de la Méditerranée. Le projet est financé par des dons privés et des subventions publiques. Les fonds collectés sont alloués à la location du bateau, aux frais quotidiens d’entretien et de sauvetage. Le navire utilisé pour ce projet est l'Aquarius. Le projet est initié à l’initiative du capitaine de marine marchande allemand Klaus Vogel et de la française Sophie Beau, responsable de programmes humanitaires. Il a été créé suite à l'arrêt du projet Italien Mare Nostrum par la marine italienne qui visait aussi à secourir les migrants en détresse en mer. Un documentaire réalisé par Jean Paul Mari décrit le quotidien des challenges pendant un an sur le projet. Voici un extrait du documentaire:

Dans le journal de bord de l'opération SOS Méditerranée se trouve de nombreux témoignages de migrants. Voici quelques uns de ces témoignages:

Kebba  a 22 ans, il est soudeur et vient de Gambie. Il fuit son pays à cause du dictateur qui y règne et du manque de travail:

La seule façon d’avancer est de devenir soldat, et je n’ai pas voulu faire ça. J’ai perdu mon père et il fallait que je soutienne ma mère et mes jeunes soeurs, alors je suis parti chercher du travail ailleurs. En Libye, j’ai été kidnappé. J’ai été détenu dans un camp pendant deux mois. Il n’y avait presque pas de nourriture, pas d’eau, pas d’endroit pour dormir. Ils ont tué six personnes que je connaissais dans les camps. Ils disent ‘donne-nous ton argent ou on te tue’, et ils tiennent parole. J’ai voulu rentrer chez nous mais je n’avais aucun moyen de m’y rendre. Alors j’ai décidé de prendre ce risque de partir en Europe. Les trafiquants nous ont gardé dans un autre camp, pendant deux ou trois semaines. Le jour venu, ils nous ont entassés dans le bateau en caoutchouc. Il n’y avait pas de capitaine, seulement la volonté de Dieu. J’ai deux rêves— de devenir soudeur en mer et d’écrire un livre sur ce voyage. Mais si la vie ne m’accorde rien d’autre, j’espère au moins pouvoir vivre en paix

Capture d'écran de la vidéo du projet sur YouTube

Capture d'écran d'une vidéo de sauvetage du projet sur leur chaîne YouTube

Cyrill est Camerounais. C'est un cadre qui a fui les raids de Boko Haram dans le nord du pays. Il raconte les maisons de torture, les vols et les coups subi en Libye avant la traversée:

 La Libye est un pays hors du monde, qui a perdu tout sens moral. Un monde revenu à la condition de la chair animale. Ces enfants qui s’entraînent à tirer sur les noirs dans la rue, les rackettent en leur mettant une lame sur la gorge ou apprennent à torturer les migrants sous le regard de leurs parents. Ils parlent du viol systématique des femmes sur la route, de ces passeurs ou geôliers impitoyables qui les battent et leur crachent dessus en leur répétant qu’ils ne valent pas le pain qu’on leur donne.

Gode Mosle est un jeune syrien de 22 ans qui habitait à Damas. Il est maintenant en Suède mais il garde un souvenir traumatisant de la traversée:

J'ai dit à mes amis en Syrie de ne pas prendre ces bateaux. Il faut qu'ils viennent par la Turquie et la Grèce, même si c'est beaucoup plus cher.  On était environ 700 dans le bateau mais il n'y avait en fait de la place que pour la moitié .Ces passeurs sont des animaux. Ils crient sur les gens, les volent et les frappent quand ils embarquent. C'était une sorte de torture psychologique qui a commencé avant même le bateau. Deux Africains sont morts dans la cale.  Ils ont été asphyxiés, ils ne pouvaient pas respirer à cause des émanations du moteur. C'était bancal, on ne pouvait pas se mettre debout ou bouger. Dès que quelqu'un le faisait le bateau menaçait de chavirer .Il y avait beaucoup de hurlements. Je ne referais pas ce voyage. Je ne peux pas oublier ce que j'ai vu. Les gens veulent vivre, c'est pour ça qu'ils embarquent sur ces bateaux.

 

 

 

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