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Le récit condescendant et bourré d'erreurs de son séjour en Zambie par une jeune Écossaise fait riposter des Africains

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Zambie, Littérature, Médias citoyens
The cover of the book In Congo’s Shadow.

La couverture du livre “Dans l'Ombre du Congo”.

Le hashtag #LintonLies [1] [MensongesLinton] est tendance sur les réseaux sociaux depuis que le journal anglais The Telegraph a publié un extrait du livre écrit par l'actrice écossaise Louise Linton, qui réside aux États-Unis. L'ouvrage raconte le “cauchemar” de son année sabbatique en tant que bénévole en Zambie.

Des Zambiens, Africains et amis de l'Afrique critiquent en se moquant [2]le livre pour ses erreurs factuelles, ses généralisations trompeuses et sa représentation faussée de la Zambie, une nation en paix dans le sud de l'Afrique, présenté comme un pays infesté par les rebelles.

Dans l'extrait, Linton dit être “venue en Afrique avec l'espoir de pouvoir aider quelques uns des plus pauvres du monde”, mais explique avoir été forcée de prendre refuge “au fin fond de la jungle zambienne” sous “la dense canopée” lorsque des rebelles armés de la République Démocratique du Congo ont razzié le village où elle habitait. “Comme la nuit interminable avançait, je m'efforçais de ne pas imaginer ce que les rebelles feraient à la ‘maigre muzungu blanche avec ses longs cheveux d'ange’ s'ils me trouvaient,” écrit-elle.

My innocent dreams of teaching the villagers English or educating them about the world now seemed ridiculously naïve […] I soon learned that Africa is rife with hidden danger. I witnessed random acts of violence, contracted malaria and had close encounters with lions, elephants, crocodiles and snakes. As monsoon season came and went, the Hutu-Tutsi conflict in neighbouring Congo began to escalate and then spill over into Zambia with repercussions all along the lake. Thousands of people were displaced and we heard brutal tales of rape and murder.

Mon rêve innocent d'enseigner l'anglais aux villageois ou de leur apprendre les choses du monde m'apparut soudain comme terriblement naïf. […] J'appris rapidement que l'Afrique regorge de dangers cachés. J'ai été témoin d'actes de violence insensés, attrapé la malaria et j'ai rencontré de près des lions, des éléphants, des crocodiles et des serpents. Avec l'arrivée et la fin de la mousson, le conflit entre les Hutus et les Tutsis au Congo voisin a pris de l'ampleur et s'est étendu jusqu'en Zambie, avec des répercussions sur toute la rive du lac. Des milliers de personnes ont été déplacées et on nous a rapporté des récits brutaux de viols et de meurtres.

Il n'y a jamais eu de conflit entre les Hutus et les Tutsis en République Démocratique du Congo. Ce conflit est survenu au Rwanda, qui n'est pas frontalier de la Zambie. Le pays n'a jamais traversé de guerre civile non plus. De plus, il n'y a ni mousson, ni jungle en Zambie.

Sa géographie est fausse, ses notions de politique africaine sont fausses. Que quelqu'un éduque cette imbécile.

En plus des inexactitudes factuelles, on critique aussi Linton de souffrir d'un “complexe du sauveur blanc” — l'idée condescendante et coloniale selon laquelle seuls les blancs peuvent “sauver” les Africains — et de s'en remettre à l'ancienne description d'une Afrique sombre et dangereuse.

Le #privilègeblanc, c'est pouvoir publier un livre reposant sur des expériences invérifiables.

“C'est le sud de l'Afrique, chérie, pas une forêt tropicale.”

Sur Twitter, les utilisateurs ont décortiqué l'ouvrage de Linton, certains avec humour. Masuka Mutenda a lancé :

La seule chose qui manque à la virée en pleine jungle de Louise Linton, c'est Tarzan volant à sa rescousse !

Elle fait aussi remarquer la description inexacte des paysages zambiens :

Ce dossier spécial m'a vraiment surprise. C'est le sud de l'Afrique, chérie, pas une forêt tropicale.

Nadia Rizk met en lumière des faits complètement erronés :

Le conflit entre Hutus et Tutsis au Congo ? La mousson en Zambie ? Des rebelles ? Tu ne débites que des conneries, Louise Linton.

Abel Chungu Musuka plaisante :

Il semblerait que Louise Linton croit au mythe selon lequel écrire quelque chose dans un livre le cacherait des Noirs. Tu vas voir ce que tu vas voir !

Le compte Twitter d'un documentaire kényan intitulé Hashtag Les Pauvres a partagé un clip rassemblant les pires facettes du volontourisme, lorsqu'un bénévole ne cherche qu'à se montrer sous un bon jour au lieu de contribuer au progrès dans la durée et de traiter les bénéficiaires de son aide avec respect :

Notre génération a l'occasion de changer cette “vision unique” dépassée de l'Afrique.

Et Lukama Bwite a posté la photo ci-dessous :

Je cherche le côté négatif de la Zambie.

“Je cherche toujours les araignées de 30 centimètres”

Dans son livre, Mme Linton raconte avoir développé un lien avec une petite fille du nom de Zimba, une “enfant aux dents écartées, atteinte du sida et dont la plus grande joie était de s'asseoir sur mes genoux en buvant une bouteille de Coca-Cola.” Lusé Fiasco la tourne en dérision en postant cette photo provenant du compte Instagram satirique Barbie Savior [19] [Barbie sauveuse]. Le compte remet en question les visions populaires du bénévolat en Afrique :

Là, je prends soin de Zimba tout en échappant aux rebelles et aux bêtes sauvages dans la jungle zambienne, la plus sombre d'Afrique.

Xhaka Zulu réinterprète la présence d'une cascade avec la logique d'un “sauveur blanc” :

Les rebelles ont fait sauter la principale canalisation d'eau dans le nord de la Zambie. Les locaux pensent que c'est une cascade.

Pendant ce temps, Chishala Chitoshi demandaient à Mme Linton de prier pour lui :

Nous allons bientôt arriver dans ce village habité par 80 rebelles, priez pour nous.

Andrew Jackson quant à lui a eu l'idée d'un shampooing au nom de Louise Linton et “inspiré par la jungle zambienne” :

Il fallait que je donne ma touche personnelle aux #mensongesLinton

Cependant, un utilisateur de Twitter basé aux États-Unis, Heyoka, prend la défense de Linton :

À ceux qui s'attaquent à Louise Linton, vous l'accusez de mentir, mais les faits vont dans son sens. Qu'avez-vous fait, vous, pour les Africains ?

Millie G l'a alors mis au défi de donner ces faits :

Les faits vont dans son sens ? Quels faits ? Quand est-ce que la Zambie a été en guerre pour la dernière fois ? Depuis quand l'Afrique connaît-elle la mousson ? Allons donc

Moses a répondu au tweet de Heyoka par :

“Je cherche toujours les araignées de 30 centimètres.”

Aucune source ne mentionne des araignées de trente centimètres en Zambie, comme Mme Linton l'affirme.

“Prenons ceci comme un rappel : NOUS devons écrire nos propres histoires”

À la suite du scandale, Mme Linton s'est excusée sur Twitter : “Je suis sincèrement confuse et je m'excuse d'avoir offensé certaines personnes, ce n'était pas mon intention.” Un peu plus tard, elle a supprimé son compte. En réponse, Zarina Khan a posté :

Les rebelles sauvages de Zambie l'ont forcée à désactiver son compte.

William Chilufya a quant à lui adressé ce conseil à ses compatriotes :

Zambiens, apprenez à écrire sur notre pays vous-mêmes, ou alors Linton le fera pour vous ! 20/20 en lecture pour l'instant. Essayez d'écrire.

Adedana s'est exprimée dans le même sens :

À ceux qui s'offusquent des mensonges de Mme Linton, prenons ceci comme un rappel : NOUS devons écrire nos propres histoires. Écrivez un article en ligne, une nouvelle, etc. Créez.