Un “dictionnaire parlant” en ligne, lancé en 2009, tente de préserver et de transmettre la langue aïnoue. Celle-ci est parlée par les autochtones de l'île japonaise d'Hokkaido, au nord-est du pays, et dans les territoires insulaires russes. Selon l'UNESCO, huit langues sont en voie de disparition au Japon. La langue aïnoue est celle qui se trouve dans la situation la plus critique.
Ce project associe des locuteurs d'aïnou, le Programme de documentation des langues en voie de disparition (ELDP) de l'École des études orientales et africaines (SOAS) de Londres, le Arcadia Fund, et Anna Bugaeva, chercheuse en linguistique à l'Institut Waseda d'études avancées (WIAS), au Japon. L'objectif de ce projet, achevé en 2009, n'est pas seulement de préserver et transmettre la langue aïnoue, mais aussi :
- de créer un fonds de données linguistiques sûr et à long terme,
- de permettre au public de voir quelle documentation a été générée pour quelle langue,
- d'encourager la coopération internationale entre chercheurs,
- et de fournir conseils et collaboration sur des projets similaires portant sur d'autres langues en voie de disparition dans le monde.
Le dictionnaire parlant aïnou préserve et présente l'aïnou oral dans un format adapté à la recherche en ligne. Il comprend également une interface pour les linguistes ainsi que des notes détaillées sur son usage.
La préservation de la langue aïnoue presse. Bien que les chiffres soient difficiles à établir (les questions d'ethnicité ne font pas partie du recensement japonais) on estime qu’il ne reste que 25 000 Aïnous au Japon, dont moins de dix locuteurs natifs. Les Aïnous sont le peuple autochtone de l'île d'Hokkaido, au nord-est du Japon, et de l'archipel de l'extrême orient russe, au nord du Japon. Quand le Japon a colonisé Hokkaido et Sakhaline dans les années 1850, les Aïnous furent intégrés, placés dans des réserves et ont succombé aux maladies nouvellement introduites.
Aujourd'hui, au Japon, la culture aïnoue survit grâce aux attractions touristiques et dans les musées ethnographiques de Hokkaido et Tokyo.
ムックリという楽器に挑戦しているそう。名前がいいなあ(は)アイヌ伝承の舞いや演奏体験 善通寺でイベント:朝日新聞デジタル https://t.co/OtoVTrlg1D pic.twitter.com/2pYbr111ZE
— 朝日新聞高松総局 (@asahi_takamatsu) June 23, 2016
Des étudiants s'essaient au mukkuri, un instrument traditionnel aïnou. “C'est cool, comme nom d'instrument !”. Ils font l'expérience de danses, contes et autres traditions culturelles. Asahi Digital.
Au XXe siècle, l'aïeul aïnou et politicien Shigeru Kayano, décédé en 2006, a contribué à populariser la culture aïnoue au Japon grâce à des livres célèbres tels que “Our Land Was A Forest” [Notre pays était une forêt, non traduit en français, NdT]. Il a aussi produit un guide de conversation aïnoue simple et toujours publié.
@yumerise まずは1冊目
萱野茂のアイヌ語辞典
昔からアイヌ民族に興味があったので迷わず購入したもの。
格闘ゲーム嫌いの自分がサムスピだけやるのもナコルルがアイヌと知ったからなのよね(汗) pic.twitter.com/1pTFxynKcO— ゆめりむ (@yumerise) July 3, 2016
[…] Voici le premier volume du Guide de conversation aïnoue par Shigeru Kayano. Pendant un temps, j'étais vraiment intéressé par la culture aïnoue et j'avais acheté ce livre. Bien que je déteste les jeux vidéos du style Street Fighter, j'avais appris les noms des caractères aïnous des jeux Samurai Shodown de SNK.
Le dictionnaire parlant aïnou va au-delà des séries de dictionnaires aïnou-japonais publiés par Kayano : il fait partie du projet de recherche “Documentation du saru, dialecte aïnou” d’Anna Bugaeva, professeure assistant de linguistique à l'Institut Waseda d'études avancées (WIAS), à l'université de Waseda de Tokyo.
Ce projet est basé sur un dictionnaire compilé par Kotora Jinbo et Shozaburo Kanazawa et dont la première édition date de 1898. Jinbo, arpenteur, apprit l'aïnou pour communiquer avec les autochtones d'Hokkaido. Kanazawa, linguiste, a rassemblé mots et phrases pour créer le dictionnaire qui aidera à amener la langue aïnoue au XXIe siècle.
The original dictionary by Kotora Jinbo and Shozaburo Kanazawa contained mistakes, misheard words, and even broken phrases (expressions that are inconceivable with original Ainu grammar). We deleted all questionable words and examples, items that were extremely different from Setsu Kurokawa’s audio, and words that Setsu Kurokawa was unfamiliar with. Double entries were basically consolidated to one entry. However, since the video data and audio data were recorded separately, there are cases where the Ainu expression is different in the video and audio. In those cases only, we decided that these were separate expressions, and listed both. In the end, we had 3467 headwords. For particularly rare words, we checked whether they were used in existing dictionaries, and added notes to them.
[…]
In addition to the original notations, various information that can aid learning the Ainu language including the colloquial translation, Modernized Roman character transcriptions and katakana [a Japanese phonetic syllabary] transcriptions of the Ainu word, interpretation (glossary) and English translation, etc., are provided. With the help of Setsu Kurokawa, a native speaker of the Saru Dialect of Ainu (Nukibetsu), we were able to upload audio of the Ainu language onto the web. We received many responses and comments from students and researchers regarding these contents. However, we were faced with budgetary restrictions when building the dictionary, and some technical problems remained.
Le dictionnaire original de Kotora Jinbo et Shozaburo Kanazawa contenait des erreurs, des mots mal compris, et même des phrases incorrectes (des expressions inconcevables compte tenu de la grammaire aïnoue). Nous avons supprimé tous les mots et exemples douteux, les éléments qui étaient très différents de la prononciation de Setsu Kurokawa et les mots qui ne lui étaient pas familiers. Les entrées doubles ont pour la plupart été fusionnées. Malgré cela, comme les données audio et vidéo furent enregistrées séparément, l'expression aïnoue audio diffère parfois de la vidéo. Dans ces cas-là, nous avons décidé que deux expressions existent bel et bien et avons listé les deux. Au final, nous avons obtenu 3467 entrées. Nous avons vérifié que les mots particulièrement rares étaient bien en usage dans les dictionnaires et avons ajouté des notes pour ceux-là.
[…]
En plus des notations d'origine, des informations diverses sont fournies pour aider dans l'apprentissage de l'aïnou comme les traductions dans le registre familier, les transcriptions en caractères romains modernes et en katakana (l'un des syllabaires phonétiques japonais), un glossaire, les traductions en anglais etc. Grâce à l'aide de Setsu Kurokawa, locuteur natif du dialecte saru (Nukibetsu), nous avons pu télécharger la version audio de la langue sur le site. Nous avons reçu de nombreuses réactions et commentaires d'étudiants et de chercheurs sur ces contenus. Cependant, nous avons été confrontés à des restrictions budgétaires quand nous avons construit le dictionnaire, et certains problèmes techniques sont toujours là.
Bugaeva a travaillé avec Setsu Kurokawa pour enregistrer la prononciation des mots et phrases utilisés dans le dictionnaire parlant. Kurokawa, une aïnoue née en 1926 à Nukibetsu, dans le sud-ouest d'Hokkaido, a grandi en entendant la langue :
When Setsu Kurokawa (born, January 5, 1926) was a child, in the late 1920's, many Ainu families had already stopped speaking Ainu at home. Considering this, Setsu Kurokawa's proficiency in Ainu is relatively high. This can be explained by the fact that she was often taken care of by her grandfather and grandmother. However, since Ainu is not used currently in everyday life, it was difficult to record the spontaneous utterances of the language. In this audio material, the words and expressions are not the spontaneous utterances of Setsu Kurokawa, but instead are audio data initiated based on the Ainugo kaiwa jiten [Ainu conversational dictionary]. In the actual recording process, Anna Bugaeva read the words and expressions in the Ainugo kaiwa jiten, and Setsu Kurokawa repeated these in her own manner. The Ainu language expressions in this audio material are based on the Ainugo kaiwa jiten, and do not completely match Setsu Kurokawa's idiolect.
Quand Setsu Kurokawa (née le 5 janvier 1926) était enfant, à la fin des années vingt, de nombreuses familles aïnoues avaient déjà cessé de parler aïnou à la maison. Dans ces conditions, sa maîtrise de l'aïnou est relativement bonne. Ceci peut s'expliquer par le fait qu'elle a souvent été à la garde de son grand-père et de sa grand-mère. Malgré tout, comme l'aïnou n'est pas utilisé dans la vie quotidienne, il était difficile d'enregistrer des déclarations spontanées dans cette langue. Dans le contenu audio, les mots et expressions ne sont pas dites spontanément par Setsu Kurokawa, mais sont basées sur le Ainugo kaiwa jiten (le guide de conversation aïnou). Pendant l'enregistrement, Anna Bugaeva lit les mots et expressions du Ainugo kaiwa jiten, et Setsu Kurokawa les répète à sa façon. Les expressions aïnoues dans ce matériel audio sont basées sur l’Ainugo kaiwa jiten et ne correspondent pas entièrement à l'idiolecte de Setsu Kurokawa.
Une fois terminé, le dictionnaire de Bugaeva fut présenté à un groupe de la communaute aïnoue de Tokyo au Centre culturel aïnou (qui possède lui-même des ressources en ligne dédiées à la transmission de la langue aïnoue) en 2009. Cet outil fut créé en collaboration avec le co-éditeur japonais Shiho Endo et le programmeur David Nathan (directeur de ELAR, SOAS University of London). La communaute aïnoue apporta une contribution artistique, dont la conception du site web par Tamami Kaizawa.