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Brésil: 9 projets de loi qui menacent les droits socio-environnementaux des peuples indigènes

Catégories: Amérique latine, Brésil, Cyber-activisme, Développement, Droit, Environnement, Gouvernance, Médias citoyens, Peuples indigènes, Politique

 

Indígena em frente ao Congresso, em Brasília, durante protesto contra a PEC 215 em março de 2015. Foto: Richard Silva/PCdoB na Câmara. CC BY-NC 2.0 [1]

Un Amérindien  devant le Congrès à Brasilia, pendant la manifestation contre l'amendement PEC 215 en mars 2015. Photo: Richard Silva/PCdoB à la Chambre de Députés. CC BY-NC 2.0

Ce texte a originalement été publié [2] sur le site de l'Institut Socio-environnemental (ISA), avec lequel Global Voices entretient un partenariat pour la republication de textes. 

Le Congrès brésilien a repris ses activités au début du mois d'août. Et les menaces contre les droits socio-environnementaux ne cessent de s’amonceler. Divisée en sous-groupes distincts, l'action du Front parlementaire ruraliste (NdT: qui défend les intérêts des grands propriétaires terriens), du lobby des sociétés d'exploration et des industries d'exploitations minières, suit son chemin à la Chambre des Députés.

Pour tout comprendre, voir ci-dessous les principales menaces contre l'environnement et les populations indigènes et traditionnelles — et pourquoi nous nous devons d'avoir l’œil sur chacune d'entre elles.

La fin du permis d'exploitation environnemental

Ce projet d'amendement constitutionnel PEC 65/2012, [3] doit tout simplement mettre fin au permis d'exploitation minière, principal instrument de contrôle et de prévention prévu par la loi contre les dommages écologiques. Il stipule que la simple présentation d'une étude de l'impact environnemental (EIA-Rima) réalisée par une entreprise, entrainera automatiquement son autorisation et qu'à partir de là, rien ne pourra plus la suspendre ni l'annuler.

Si le projet est approuvé, il n'y aura plus d'analyse approfondie concernant la viabilité socio-environnementale de quelque chantier que ce soit. Les populations et les écosystèmes touchés seront à la merci de la bonne volonté des industriels.

Le PEC est revenu devant la Commission Constitution et Justice (CCJ) du Sénat, qui doit rapidement se prononcer sur l'opinion contraire du sénateur Randolfe Rodrigues (Rede-AP). Ensuite, le projet sera présenté à la commission parlementaire et, si il est approuvé, soumis à la Chambre des Députés. Il est inclus dans “l'Agenda Brasil”, un ensemble de mesures prioritaires du Président du Sénat,  Renan Calheiros (PMDB-AL).

Il est possible de donner son avis sur le Portal do Senado [4]. Deux pétitions sont actuellement en cours sur les sites Avaaz [5] et Change.org [6] pour demander son retrait .

Un turbo-permis d'exploitation environnemental

Ce projet de loi du Sénat [7] (PLS) entend affaiblir le permis d'exploitation environnemental, en réduisant à huit mois le délai d'obtention du permis, tout du moins en ce qui concerne les grands chantiers considérés comme stratégiques par le gouvernement – un “turbo-permis”.

Le projet intéresse en premier lieu de grandes entreprises, comme les sociétés d'exploitation minières, dont un certain nombre impliquées dans les récents scandales de corruption. S'il passe, les risques de désastres écologiques seront de plus en plus nombreux, comme celui de Mariana en novembre 2015, lorsqu'un barrage [8] avait cédé, déversant des tonnes de résidus d'exploitations dans le bassin du Rio Doce. Il deviendra alors de plus en plus difficile d'éviter et d'atténuer les dommages socio-environnementaux causés par les sociétés d'exploitation minières.

Le projet ne prévoit pas d'auditions publiques et élimine toute une séries d'étapes du processus d'obtention du permis, y compris les trois phases de licence préalable, d'installation et d'exploitation.

L'amendement pourrait donc être voté à n'importe quel moment en assemblée plénière au Sénat. S'il était approuvé, il serait présenté à la Chambre des Députés. À l'origine de la proposition, se trouvent les sénateurs Romero Jucá (PMDB-RR) et Blairo Maggi (PR-MT), autrement dit, le ministre de l'agriculture en exercice et aussi, l'un des plus grands producteurs de soja au monde.

Jucá est l'un des principaux adversaires des droits indigènes, et fait l’objet de quatre enquêtes [9] au STF (Tribunal Suprême Fédéral ) et de deux actions en justice intentées contre lui devant le Tribunal Fédéral. Maggi, est quant à lui sous le coup [10] d'une enquête au STF, pour blanchiment d'argent, ainsi que d'une action intentée contre lui devant le Tribunal Fédéral pour improbité administrative.

En plus du Portail du Sénat [11], où l'on peut s'exprimer, une pétition contre le projet circule aussi sur Petição Pública [12]. On peut envoyer des messages contre le projet par la Panela de Pressão [13].

Biodiversité en danger

Un autre PLS [14] (Projet de Loi du Sénat) souhaite autoriser l'implantation d'aires et de parcs aquacoles jusqu'à 0,5% de la superficie des lacs, plans d'eau et retenues de barrages du domaine de l'Union (NdT: On rappelle, ici, que le Brésil est une république fédérative). Sous ce prétexte, il fragilise ou annule les dispositifs mis en place pour exercer un contrôle sur les activités dans ce secteur.

Il permettrait par exemple, la pratique de la pêche sans permis, ni concession, ni autorisation ou enregistrement émis par l'organisme compétent. Le projet de loi ouvre la route à l'introduction d'espèces non-natives dans ces zones, ce qui constitue évidemment une grande menace pour le biodiversité, la pêche et l'aquaculture des poissons de la région.

Le projet peut être voté à n'importe quel moment à la Commission Constitution et Justice du Sénat. S'il était approuvé devant les autres commissions, il pourrait se retrouver directement à la Chambre des Députés, sans passer par l'assemblée plénière.

L'auteur en est le sénateur Marcelo Crivella (PRB-RJ), candidat à la mairie de Rio de Janeiro et ministre de la Pêche du gouvernement Dilma Rousseff, et répond aux attentes des grandes entreprises du secteur. On peut voter contre ce PLS sur le Portail du Sénat [15].

PEC 215: La grande menace qui pèse sur les droits indigènes

La Proposition d'Amendement à la Constitution (PEC) 215/2000 [16] est une des atteintes les plus graves aux droits indigènes garantis par la Constitution et c'est aussi l'un des chevaux de batailles des ruralistes. La proposition prétend transférer du gouvernement fédéral au Congrès la possibilité d'avoir le dernier mot en ce qui concerne les Terres Indigènes. Selon les règles actuellement en vigueur, il revient à la Fondation Nationale de l'Indien (FUNAI), au Ministère de la Justice et à la Présidence de la République de prendre l'ultime décision dans les cas de litige sur les démarcations de terres [17].

Si le projet est approuvé, la reconnaissance des terres indigènes, en cours de réalisation, devrait être pour de bon paralysée [18]. Il sera voté en assemblée plénière à la Chambre des Députés et passera ensuite au Sénat. Trois pétitions sont en circulation sur Avaaz [19], Petição Pública [20] et Ipetitions [21].

Enfoncées, les portes des Terres Indigènes

Toujours du même auteur, le sénateur Blairo Maggi (PR-MT), le PEC 76/2011 [22] ambitionne d'ouvrir les Terres Indigènes à l'installation d'usines hydroélectriques, d'activités minières avec leur grand potentiel de destruction de l'environnement et des modes de vie des populations traditionnelles. En attente de décision en assemblée plénière au Sénat, s'il est approuvé, il passera devant la Chambre des Députés.

Avec les leaders indigènes, l’ISA [23] a dénoncé [24] le projet à la Conférence sur le Climat de Paris  (COP-21), l'un des plus grands rendez-vous sur l'environnement de l'histoire, en décembre 2015. On peut, là aussi, voter contre, sur le Portail du Sénat [25].

Retarder et compliquer les démarcations

Deux projets de loi (PLs 1.216/2015 et 1.218/2015 [26]) prétendent, dans la pratique, compliquer au maximum les démarcations de terres indigènes en instituant, par exemple, un “cadre temporel” pour prouver son droit à la terre : en cas d'approbation de ces textes, seuls seraient reconnus les territoires occupés par les indigènes à la date de la promulgation de la Constitution Fédérale, le 5 octobre 1988 (NdT: autant dire pas grand chose, puisque les démarcations ont commencé bien après cette date).

Les deux projets passent en ce moment à la Commission Constitution et Justice de la Chambre des Députés et seront ensuite présentés en assemblée plénière. En cas d'approbation, ils iront au Sénat. L'auteur du PL 1216, le député ruraliste Covatti Filho (PP-RS) est financé par l'industrie agro-alimentaire.

Exploitation minière en terre Indigène

Un autre projet [27] du sénateur Romero Jucá (PMDB-RR), a pour but de permettre l'activité minière en terres indigènes. La proposition est une menace pour les peuples indigènes et l'environnement, l'industrie minière étant une activité hautement préjudiciable dans le domaine socio-environnemental.  Les communautés indigènes n'ont pas été consultées sur le sujet, ce qui va à l'encontre de la Convention 169 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), que le Brésil a signée.

S'il est approuvé par la commission spéciale, le PL suivra en commission plénière. Depuis quelques année, l'ISA surveille le déroulement de la procédure du projet, ainsi que les demandes d'enquêtes et les procès en cours concernant les terres Indigènes en Amazonie [28] pour attirer l'attention sur cette menace.

Un nouveau Code de l'activité minière

Le nouveau Code de l'activité minière [29] entend simplifier les procédures nécessaires à leur mise en oeuvre, qui a en général de gros impacts socio-environnementaux. Il apporte peu de garanties environnementales, sociales ainsi qu'en termes de droit du travail, pour les populations et les zones affectées. La proposition intéresse bien évidemment l'industrie minière, puisqu'elle affaiblit le pouvoir de l'État, en termes de régulation de l'accès du secteur privé aux ressources minérales.

L'actuel rapporteur du projet, le député Laudívio Carvalho (SD-MG), peaufine une nouvelle proposition, mais on ne sait pas encore laquelle des deux sera soumise au vote, ni devant quelle instance (commission ou assemblée plénière) elle le sera, et encore moins quand. Parmi les donateurs de la campagne du député, se trouve la multinationale Vale (NdT: ex Vale do Rio Doce, en partie responsable du désastre écologique de Mariana).

Une pétition contre le Nouveau Code minier circule sur le site Petição Pública [30].

C'est transgénique ?

Le Projet de Loi nº 34 de 2015 de la Chambre des Députés [31] met fin à l'obligation d'apposer le symbole “T” sur l'emballage des produits transgéniques. La proposition a été approuvée par la Chambre des Députés mais rejetée ensuite par la Commission Sciences et Technologie du Sénat en audience publique, suite à la divulgation d'un avis contraire [32] et de manifestations [33] de la part de l'ISA et d'organisations partenaires.

La proposition passe aujourd'hui [le 8 août] devant la Commission Agriculture du Sénat et, ensuite, devant les Commissions de l'Action Sociale et de l'Environnement. L'auteur du PL, le député Luís Carlos Heinze (PP-RS), est l'un des parlementaires ruralistes les plus radicaux et l'un des principaux auteurs de projets anti-indigènes et anti-environnementaux à la Chambre des Députés.  En 2013, lors d'un discours [34] à Vicente Dutra, dans l'Etat du Rio Grande do Sul, il a soutenu que “les quilombolas (NdT: descendants d'esclaves vivant en communautés en milieu rural, mais plus généralement, les pauvres), les Indiens, les gays, les lesbiennes” étaient “tout ce qu'il y avait de pire”. Il fait l'objet de l’une des enquêtes de l'opération Lava Jato du STF [35].

Des pétitions circulent, toujours sur Avazz [36] et Petição Pública [37] contre ce projet.