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Une fuite de documents révèle l'ampleur des maltraitances dans le centre de rétention australien à Nauru

Catégories: Océanie, Australie, Droits humains, Médias citoyens, Réfugiés
A Melbourne rally protesting the return of asylum seekers and refugees to Nauru. Photo from Flickr page of Takver (CC license) [1]

‘Mettez-vous à leur place’ Manifestation à Melbourne contre le renvoi des demandeurs d'asile et réfugiés à Nauru. Photo de la page Flickr de Takver (licence CC)

La fuite de plus de deux mille fichiers [2] a révélé un chapelet dérangeant d'agressions sexuelles, de voies de fait et d'auto-mutilations au centre de détention de demandeurs d'asile confié par l'Australie au micro-Etat de Nauru dans l'océan Pacifique. Les documents expurgés ont été publiés par le Guardian cette semaine. Les plus de 8.000 pages de fuites couvrent la période courant de mai 2013 à octobre 2015. Plus de la moitié des incidents concernent des enfants.

Une fois, c'est un gardien du centre qui aurait frappé une fillette de cinq ans [3] “si fort qu'elle a sauté en l'air avant de percuter le sol”. Un autre document [4] détaille comment un père a menacé à de multiples reprises de se tuer ainsi que ses enfants, sans avoir dès la première fois été adressé à un service de psychiatrie. Dans autre rapport, on lit qu'une demandeuse d'asile s'est entendu dire qu'elle était ‘sur une liste’ de femmes célibataires ‘attendues’ par les gardiens de Nauru.

Les documents qui ont fuité exposaient aussi une ribambelle de traitements sadiques et intolérables : des femmes souffrant d'incontinence à qui on refusait des serviettes hygiéniques ; les ordres de médecins de suivis médicaux urgents systématiquement ignorés ; les toilettes immondes pas nettoyées pendant des semaines ; et les détenus contraints à vivre dans des tentes infestées de cafards.

Le scandale provoqué a retenti sur Twitter :

Cessons de tourner autour du pot. Les centres de détention offshore de l'Australie ne sont autres que des goulags offshore de violation des droits humains.

Commissaire et Service d'information de la Police Australienne, veuillez enquêter sur la torture des réfugiés par le gouvernement du Parti national libéral. Documents Nauru – Manus

Honte honte honte sur l'Australie. Tirez au clair maintenant la maltraitance, arrêter de refiler à d'autres la responsabilité. Une lecture qui rend malade.

En juin dernier, 442 demandeurs d'asile [17] et réfugiés étaient enfermés dans le “centre de traitement régional” de Nauru, dont 49 enfants. Plusieurs centaines d'autres vivent “parmi la population” de Nauru, hors du radar des statistiques du gouvernement. La politique actuelle du gouvernement australien consiste à ce qu'aucun individu arrivant par bateau sur ses côtes en quête d'asile ne puisse s'installer dans le pays. Au lieu de quoi, ils sont expédiés à Nauru, ou en Papouasie-Nouvelle Guinée sur l'île de Manus pour une détention arbitraire et indéfinie à fins de “traitement offshore”. Résultat, des centaines de personnes ayant fui des environnements dangereux et destructeurs en bravant des eaux mortelles sont à nouveau placées dans une situation inhumaine par le gouvernement australien.

Le Haut-Commissaire aux Réfugiés des Nations Unies et des dizaines d'autres organisations juridiques, médicales et de défense de droits humains se sont aussi alignées pour critiquer le traitement réservé aux réfugiés par l'Australie à la lumière des #NauruFiles.

Ni la première ni la dernière

La récente fuite de documents est d'importance, mais ce n'est de loin pas la première – ni sans doute la dernière – fois qu'est exposée au grand jour la politique controversée de détention offshore de l'Australie. Une multitude de rapports à l'initiative du gouvernement ou indépendants, dont le rapport ‘Enfants Oubliés [18]‘ de la Commission australienne des droits de l'homme en 2014, le rapport Moss [19] et une enquête conjointe d'Amnesty International et de Human Rights Watch [20], avaient déjà signalé bon nombre des conditions abusives sur Nauru.

La mollesse apparente de la réaction publique aux #NauruFiles amène toutefois certains à désespérer que ces révélations puissent suffire à catalyser un changement significatif :

Les #Naurufiles sont en une du Guardian de mercredi au Royaume-Uni. Les médias australiens seront eux obsédés par les médailles d'or

La réaction aux #Naurufiles montre cette cruauté désinvolte des Australiens qui se contentent de regarder ailleurs.

De fait, les réactions aux #NauruFiles du gouvernement australien ont jusqu'à présent suivi un modèle familier de faux-fuyants et de déni.

Le ministre de l'Immigration Peter Dutton n'a pas tardé à accuser les demandeurs d'asile d'inventer des récits de maltraitance à l'appuide tentatives malavisées de pénétrer en Australie, disant que “certaines personnes ont effectivement une motivation pour faire une fausse déclaration de plainte”. Le Premier ministre Malcolm Turnbull a déclaré que les documents seraient “soigneusement examinés”, mais a refusé de donner suite aux appels à une commission [d'enquête[ royale. Pendant ce temps, le chef du Parti Travailliste dans l'opposition Bill Shorten a réclamé un défenseur des enfants indépendant, sans aller jusqu'à demander la fermeture du centre de Nauru.

Si la durée et la gravité des allégations de maltraitance ont pris beaucoup de monde par surprise, ceux qui suivent depuis dix ans la trajectoire de la politique d'asile de l'Australie ne sont pas de leur nombre. Les deux grands partis australien orchestrent de conserve ce qu'on appelle ‘la solution Pacifique’, l'envoi des demandeurs d'asile dans des nations insulaires lointaines plutôt que de les gérer sur le continent australien.

rappel : si vous êtes atterré par ce que vous lisez dans les #NauruFiles, souvenez-vous : cette maltraitance a l'approbation des deux principaux partis. terreur bipartisane.

Pas de doute que quiconque a été premier ministre australien depuis la Solution Pacifique est coupable de violation des droits humains ?