En France, n'oublier ni les attentats, ni les actes d'héroïsme

Depuis dix-huit mois l'Europe connaît une vague d'attentats qui a attisé les tensions sociales et mis au coeur de beaucoup de débats la religion et l'immigration, plus particulièrement en France. Tandis que la question qui semble monopoliser l'attention des médias est de savoir s'il faut autoriser ou interdire le port du burkini à la plage, des actes qui mériteraient davantage de faire l'actualité passent à la trappe —des actes d'exception plus propres à renforcer le tissu social que des histoires de tenues de bain. Global Voices revient sur plusieurs histoires d'héroïsme de gens ordinaires lors des dernières attaques de masse sur le sol français.

L'attaque du 14 juillet à Nice

Franck, the hero of Nice - photo posted on twitter by @Pabliteau

Franck, le héros de Nice. Photo: Twitter / @Pabliteau

Franck, 49 ans, est père de deux enfants. Lorsque Mohamed Lahouaiej Boulhel a foncé avec son camion dans la foule rassemblée à Nice pour le feu d'artifice de la fête nationale, il roulait en scooter à proximité, et a assisté au début de la tragédie. Voilà ses mots pour raconter ce qui s'est passé :

On a pris la Promenade au niveau des Bosquets. On avançait tranquillement. En fait, je voulais aller au feu d’artifice, mais on est parti trop tard. Alors j’ai dit à ma femme, ce n’est pas grave allons manger une glace sur le Cours Saleya. On a senti un mouvement de foule venir dans notre dos. On a entendu des cris et des voitures se mettaient en travers. Ma femme m’a dit: ‘Arrête-toi, il y a un truc qui ne va pas’. Et le temps de se retourner, on a vu la foule courir dans tous les sens, comme si elle fuyait quelque chose. C’est alors que l’on a vu le camion arriver.

Nous, nous étions au milieu de la route. Il y avait peu de voitures. Je devais rouler à 60 km/h. Je n’ai même pas eu le temps de regarder dans mon rétroviseur. Et là, il m’a doublé à fond. Il roulait sur le trottoir. J’ai en tête les images des corps qui volaient de partout. J’ai tout de suite compris. J’ai alors décidé d’accélérer. Ma femme, derrière moi, me tirait le bras et me demandait où j’allais. Je me suis arrêté. Je lui ai dit: dégage! Et j’ai accéléré à fond.

Pour le rattraper, il fallait slalomer. Entre les gens, vivants et morts. J’étais à fond. Je ne pouvais freiner que de l’arrière car j’avais la poignée bloquée. Je me souviens même de crier dans le casque. Je criais à la mort en fait… Je n’avais que l’arrière du camion dans les yeux. J’étais déterminé à aller jusqu’au bout. Je voulais à tout prix l’arrêter. J’étais dans un état second mais à la fois lucide. Je suis donc parvenu à me mettre sur sa gauche, mon objectif était d’atteindre la cabine.

J’étais sur les marches au niveau de la fenêtre ouverte. Face à lui. Je l’ai frappé, frappé, et frappé encore. De toutes mes forces avec ma main gauche même si je suis droitier. Des coups au visage. Il ne disait rien. Il ne bronchait pas

Aymeric et Sam Monrocq, un couple qui habite la Normandie, ont monté un site de financement participatif pour acheter un nouveau scooter à Franck. L'appel a levé 25.466 euros. Franck a utilisé moins du tiers de la somme pour acquérir un nouveau scooter, et a fait don du reste à des hôpitaux, des associations locales, et à d'autres projets d'intérêt général.

Les attentats du 13 novembre 2015 à Paris

Ludovic Boumbas as published on twitter by his friend @chilavertlille

Ludovic Boumbas, photo sur Twitter de son ami @chilavertlille

Ludovic Boumbas avait 40 ans et était un ingénieur en informatique de Lille. Il était attablé au café-bar La Belle Equipe à Paris lorsque les terroristes de Daech ont ouvert le feu sur le restaurant. Son amie était assise avec lui, alors il lui a fait un rempart de son corps pour la protéger des balles. Ludovic est mort sur le coup, son amie a aussi été atteinte mais a survécu. Ludovic est originaire de la République du Congo. Ses amis se souviennent affectueusement de lui :

Des amis ont décrit M. Boumbas comme quelqu'un aimant les gens et les voyages. “C'était juste une des bonnes, très bonnes personnes de la vie”.

Nicolas Cantinat, 37 ans, et Julien Galisson 32 ans, ont eu la même réaction dans la fusillade que Ludovic, pour faire bouclier à leur entourage lorsque les tirs ont retenti. Nicolas et Julien sont tous deux morts de leurs blessures. Au Bataclan, scène du pire carnage de cette nuit, Sébastien, un jeune homme de 34 ans d'Arles, tentait d'échapper à la fusillade meurtrière lorsqu'il vit une femme enceinte suspendue à une fenêtre. Elle suppliait les gens au-dessous de l'attraper si elle lâchait prise. La fenêtre était à 15 mètres du sol. Sébastien raconte la suite :

 À l'une d'elles, était suspendue une femme enceinte qui suppliait les gens en bas de la réceptionner si elle sautait. En bas aussi c'était le chaos. Je suis passé par l'autre fenêtre et je me suis accroché à une bouche d'aération. À 15 mètres du sol. J'ai tenu cinq minutes puis la femme enceinte, qui n'en pouvait plus, m'a demandé de l'aider à revenir à l'intérieur. C'est ce que j'ai fait.

La scène a été entièrement enregistrée sur vidéo :

La prise d'otage du 9 janvier 2015 à Paris

Lassana Bathily est Malien. Il travaillait au supermarché Hyper Cacher à Paris lorsque Amedy Coulibaly, un affilié de Daech, entra avec un fusil et tua quatre personnes avant de prendre les autres en otage. Lassana dissimula au moins six personnes et un bébé dans la chambre froide du magasin, dont il ressortit seul pour parlementer avec Coulibaly. Voici une vidéo de son témoignage immédiatement après l'épreuve :

Pendant l'attaque, Yoann Cohen, collègue de Bathily au supermarché, tenta de désarmer l'assaillant. Coulibaly le tua d'une balle dans la tête. Le père de Yoann est algérien, et sa mère, tunisienne.

Ces individus ordinaires ont été pris par surprise dans la tragédie, et ils ont réagi de façon instinctive et altruiste. De fait, il y a eu de multiples autres actes de bravoure lors de ces attentats, depuis ce policier s'attaquant seul à tous les assaillants du Bataclan jusqu'à tous ceux qui ont ouvert leurs portes aux noctambules en déroute.

Face aux discours populistes de plus en plus bruyants et au climat de peur qui semble balayer une grande partie de l'Europe (et notamment la France), garder à l'esprit ces histoires d'altruisme et de sacrifice est plus vital que jamais.

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