L'élection présidentielle a eu lieu le 27 août 2016 au Gabon. Le 31 août, le président sortant Ali Bongo Ondimba et son principal adversaire, Jean Ping, se sont tous deux proclamés élus. Les résultats officiels ont toutefois déclaré Ali Bongo Ondimba gagnant avec un total de 177.722 voix, tandis que Jean Ping et son parti politique, le Front uni de l'opposition pour l'alternance, ont recueilli 172.128 voix.
A la nouvelle, l'opposition est aussitôt massivement descendue dans la rue, et les heurts entre policiers et manifestants auraient fait au moins cinq morts. En outre, 200 magasins ont été saccagés et le bâtiment de l'Assemblée Nationale incendié :
#Gabon‘s national assembly set ablaze in the immediate aftermath of what many are calling a rigged election result: https://t.co/WjOEmyPZSa
— Jeffrey Smith (@Smith_JeffreyT) August 31, 2016
L'Assemblée Nationale gabonaise incendiée aussitôt après ce que beaucoup qualifient de résultat électoral truqué
🔴#Gabon2016 riots NOW people calling for HELP PLS @BreakingF24@JTAtv5monde@BFMTV@itele@BBCBreaking@cnnbrk@RFIpic.twitter.com/6TYkNTrljO
— Gloria Mika (@gloriamika) September 2, 2016
Gabon2016 Emeutes EN CE MOMENT Appels AU SECOURS
Les principaux protagonistes et les accusations de fraude
Ce n'est pas la première élection fortement contestée au Gabon. Le président sortant, Ali Bongo Ondimba, est le fils du despote Omar Bongo, qui a présidé le pays de 1967 jusqu'à sa mort en 2009. Pendant la présidence de son père, Ali Bongo Ondimba a été ministre des affaires étrangères (1989 – 1991) et de la défense (1999 – 2009). Il était aussi le candidat du Parti démocratique gabonais (PDG) à l'élection présidentielle d'août 2009, que selon les résultats officiels il a remportée avec 42 % des suffrages. Un de ses rivaux, André Mba Obame, a affirmé que les élections étaient entachées de fraudes et ses partisans ont manifesté en grand nombre dans les rues de Port-Gentil.
Des accusations similaires sont à présent émises par Jean Ping, qui a derrière lui une longue carrière diplomatique et politique. Pendant sa présidence de la Commission de l'Union Africaine de 2008 à 2012, M. Ping a souvent eu à s'impliquer dans la résolution de crises électorales : à Madagascar en 2009 et en Côte d'Ivoire en 2010. Ironie de l'histoire, c'est maintenant dans son propre pays qu'il est pris dans une tourmente politique et devra mettre en œuvre pour son propre intérêt ses talents de négociateur.
Alioune Tine, directeur d’Amnesty International pour l'Afrique de l'Ouest et Centrale, a expliqué ce qui est en jeu au Gabon :
Si vous multipliez les obstacles pour arriver à des élections transparentes et à une alternance pacifique, forcément vous aboutissez à des situations de cette nature. En Afrique centrale, on n’a pas l’impression que les gens veulent quitter le pouvoir. Surtout quand il s’agit d’une famille qui y est restée très longtemps. Il faut une équité dans la gestion des ressources. Il ne faut pas que ce soit un groupe, un clan ou une famille qui gardent tout. Les autres vont demander d’une façon ou d’une autre leur part du gâteau. Soit vous changez pacifiquement par des élections transparentes dont les résultats sont acceptés, et si vous ne le faites pas, vous ne pouvez espérer bénéficier d’une stabilité dans la durée. Il faut créer de véritables forces républicaines qui ne sont pas là pour défendre un régime. Nous avons demandé aux forces de sécurité gabonaises et aux autorités en place d’arrêter l’usage excessif de la force. Les gens doivent pouvoir exprimer leur mécontentement pacifiquement, sans avoir peur pour leur vie. Sans avoir peur pour leur intégrité physique.
Internet coupé
A part les allégations de fraude et les manifestations de rue, le Gabon s'est métamorphosé entre les élections de 2009 et 2016. Pour commencer, la société civile gabonaise a beaucoup avancé dans son organisation et sa mise en réseau. Dès l'apparition des allégations de fraude, les associations locales ont été nombreuses à pouvoir vérifier et fournir des preuves de malversations lorsque c'était le cas, d'où la phase suivante dans la crise gabonaise qui dénote les mauvaises intentions potentiellement à l'œuvre dans l'actuel pouvoir : la censure de l'internet.
Le tweet ci-dessous illustre sans grand doute que le gouvernement a délibérément coupé l'internet à la veille de la publication des résultats électoraux au Gabon :
Internet shutdown in Gabon started Wednesday night #Gabon2016#GabonVotepic.twitter.com/57zicxUWeQ
— Vote4Africa (@vote4africa) September 2, 2016
La coupure de l'Internet au Gabon a débuté mercredi soir
Julie Owono, auteur pour Global Voices et directrice du bureau Afrique à Internet sans Frontières, explique ce qui est censuré et comment l'information circule malgré tout :
Des coupures nettes d'internet se sont produites le 29, le 30 août et celle du 1er septembre. Nous avons été en contact avec des organisations de la société civile pour leur transmettre des outils qui permettent de contourner cette censure. Nous collaborons avec de nombreuses organisations internationales qui ont mis en place des tutoriels très simples pour mettre en place ces outils. Donc ça fonctionne quand même. Malheureusement, ce n'est pas toute la population gabonaise qui peut les utiliser. Ce sont seulement des comptes (des internautes, ndlr) qui ont un peu plus de connaissances technologiques, techniques, qui sont catalyseurs de tous les contenus qui sortent du Gabon. Donc aujourd'hui, c'est avec ces comptes-là que nous sommes en communication
Les heurts se poursuivent dans certaines villes, et le pays semble enlisé pour quelque temps dans une impasse politique.