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Être un candidat pro-Chine aux législatives de Hong Kong ne vous protégera pas des menaces de Pékin

Catégories: Asie de l'Est, Chine, Hong Kong (Chine), Élections, Médias citoyens, Politique
Chow was forced to quit the Legislative election by Beijing secret department even though he and his party has always been pro-China. Photo from Chow's Facebook. [1]

Ken Chow a été contraint de se retirer de la course aux législatives par les membres d'un mystérieux département lié à Pékin, bien que lui et son parti aient toujours été en faveur de la Chine. Photo publiée sur la page Facebook de Chow.

Cet article résume une série de textes publiés sur le site de Hong Kong Free Press entre le 31 août et le 8 septembre 2016. Il est reproduit sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.  

Le départ soudain d'un candidat pro-Chine de la course des élections législatives qui se sont tenues le 4 septembre dernier à Hong Kong est l'un des derniers exemples en date de l'influence considérable que peut exercer Pékin sur la politique de cette « région administrative spéciale ».

Le 25 août 2016, à l'occasion d'un débat électoral télévisé, le candidat du parti Libéral Ken Chow Wing Kan a annoncé à la surprise générale qu'il se retirait de la course. Après être descendu de l'estrade, il a éclaté en pleurs devant les caméras, en disant qu'il ne voulait pas mettre en danger sa famille et ses amis, sans en révéler davantage — si ce n'est que les pressions [2]dont il faisait l'objet provenaient d'autorités bien plus puissantes que le Bureau de Liaison (la représentation du gouvernement central chinois à Hong Kong), ou que toute mafia locale.

Chow a quitté Hong Kong le lendemain avant de réapparaître le 6 septembre, une fois les élections terminées, et d'exposer en détails à l'agence anti-corruption locale, la Commission indépendante de lutte contre la corruption, ainsi qu'aux médias les menaces politiques l'ayant contraint à retirer sa candidature.

Selon lui, un « département secret » dirigé depuis Pékin a exercé des pressions à son égard pour qu'il abandonne la course. Après sa déposition à la police, il a expliqué à la presse qu'un ami l'avait fait venir à Shenzhen – une ville chinoise à la frontière de Hong Kong – sous de faux prétextes et lui avait présenté trois personnes venant de Chine continentale qui lui ont demandé de mettre un terme à sa campagne électorale. Le trio l'aurait ensuite menacé [3]en lui révélant des détails personnels des membres de sa famille et de ses amis proches :

I don’t know how they knew, including people very close to my family circle, important friends who support me, their backgrounds, income sources, habits – they read them out one by one, I started to feel afraid.

You realise this information is beyond the reach of all private investigators. Then they said if you don’t follow our orders, they will take action immediately, that those who support me will pay a heavy price.

Je ne sais pas comment ils ont eu accès à toutes ces informations, sur mes proches, mon cercle familial, les amis qui me soutiennent, leur passé, leurs sources de revenus, leurs habitudes — ils les ont énumérées une par une, et j'ai pris peur.

J'ai réalisé que même les détectives privés ne pouvaient avoir accès à ces informations. Ils ont ensuite dit que si je ne suivais pas leurs ordres, ils prendraient des mesures immédiates et que ceux qui me soutiennent paieraient le prix fort.

On lui ensuite intimé de cesser d'assister aux débats électoraux, de suspendre sa campagne et de quitter Hong Kong jusqu'à ce que le décompte des voix ait été clos.

Avant ces menaces, différents représentants du pouvoir l’avaient déjà incité à ne pas candidater [4]. Deux rencontres avaient eu lieu au Bureau de liaison, lors desquelles deux Chinois continentaux lui avaient dit qu'il ne bénéficierait pas de leur soutien — bien qu'il soit politiquement en faveur de la Chine — et lui avaient suggéré de quitter la course en échange d'une place au sein du gouvernement de Hong Kong.

La seconde fois, l'une de ses connaissances entretenant des liens avec Pékin et des dirigeants ruraux locaux lui avait offert la somme de 5 millions de dollars hongkongais (environ 570 000 euros) pour se retirer de la course, soit le double des dépenses engagées dans sa campagne électorale.

Chow estime qu'il a été écarté de force afin de laisser la place libre à un autre candidat pro-Pékin, Junius Ho Kwan Yiu, partisan notoire du dirigeant actuel de Hong Kong, le chef de l'Exécutif Leung Chun Ying.

En effet, bien que Chow soit en faveur de la Chine, il s'est montré très critique envers Leung, l’accusant [5]notamment d'avoir brisé l'harmonie qui existait dans les Nouveaux Territoires, la région la plus vaste de Hong Kong :

Since he took office, the harmony between rural and urban areas in the New Territories in the past has gone; The values of fairness and justice, the principles that Hong Kong people treasure, have been replaced by special privileges; The business sector was about ability in the past – but now it is about relationships.

Depuis qu'il est en fonction, l'harmonie qui prévalait par le passé entre les zones rurales et les zones urbaines des Nouveaux Territoires a disparu. Les valeurs d'équité et de justice, les principes que chérissent les Hongkongais, ont été remplacés par un système de privilèges. Le secteur des affaires, qui reposait autrefois sur les qualités d'une personne, n'est désormais plus qu'une histoire de relations.

Lors des débats qui ont opposé les candidats, Chow a également accusé [6]Junius Ho d'avoir menti aux communautés indigènes sur son statut d'autochtone, le village de Ho n'ayant été intégré à Hong Kong qu'après 1898, soit après la cession des Nouveaux territoires à la Couronne britannique.

Le statut d’ « autochtone des Nouveaux Territoires » est un terme juridique inventé par le gouvernement colonial britannique dans les années 1970. Il fait référence aux descendants en ligne patrilinéaire d’une personne résidant dans un village des Nouveaux Territoires avant 1898. Ces familles jouissent de droits spéciaux, comme celui de pouvoir réclamer auprès du gouvernement une parcelle de terre sur laquelle construire une petite habitation à moindre frais. Constituant un véritable groupe d'intérêt, les communautés autochtones ne votent que pour les candidats bénéficiant de ce statut.

Chow, qui avait jusqu'ici refusé toute tentative de corruption, a été contraint d'abandonner face aux menaces ciblant ses amis et sa famille. Ho a finalement remporté le siège de la circonscription de l'Ouest des Nouveaux Territoires avec 35 657 voix, soit moins de 6% du total des votes du district électoral.

Selon Ken Chow, il y a peu d'espoir que les autorités locales mènent une enquête approfondie sur ces menaces, ces dernières ne provenant pas de Hong Kong même. Ce qui n'est pas sans rappeler l'affaire des libraires disparus [7].