La nouvelle édition du Dictionnaire National Australien, toute la saveur de l'anglais-australien

Australian National Dictionary 2nd Edition

La 2e édition du Dictionnaire National Australien. Photo de l'auteur.

Quand j'étais enseignant, un élève que je ne connaissais pas s'approcha un jour de moi dans la cour pendant play-lunch, la récréation du matin. “C'est vrai que vous lisez le dictionnaire pour le plaisir ?” s'enquit-il. Ma réponse positive provoqua de sa part un “Vous êtes malade !” Vous voilà prévenus.

Au long des années, les rédacteurs et traducteurs se sont posé bien des questions sur certains termes dans mes articles. Pour ceux qui se débattent avec, ou sont juste intéressés par les ‘australianismes’, la nouvelle édition augmentée du Dictionnaire National Australien tombe à pic pour compléter leur bibloithèque.

Pour la plupart des anglophones, l'anglais-australien, aussi appelé le Strine, sonne forcément comme une langue étrangère. Prenez par exemple la phrase suivante :

Any true blue, dinkum Aussie battler from Astraya's Deep North knows that Canberrans are really Mexicans.

Traduction:

[litt.: Tout vrai battant du Grand Nord de l'Australie sait que les habitants de Canberra sont de vrais Mexicains] Tout vrai Australien du nord du Queensland sait que les habitants de Canberra (la capitale administrative) viennent du sud de la frontière (et sont donc inférieurs).

Les antagonismes inter-Etats ou interrégionaaux down-under sont présents dans une masse de termes anglais-australiens (les deux références géographiques dans la phrase ci-dessus comportent des connotations péjoratives). Par exemple, les Taswegians, les habitants de la Tasmanie, l'île-Etat au sud, sont fiers de leurs contributions au Dictionnaire National Australien, une vantardise qui leur vaut le qualificatif de yaffler, grande gueule.

Les Taswegians voient le restant de l'Australie comme des ‘continentaux’ :

Slogan touristique : ‘sauver un continental’ [un à la fois]

Deux nouvelles entrées du dictionnaire ont rapport avec la capitale australienne, Canberra : le Canberran est un habitant de Canberra, et le Canberra bashing [action de dénigrer les gens de Canberra] tient du sport politique national. Le ministre en chef local a enjoint les oligarques de l'Internet de mettre à jour leurs correcteurs d’orthographe :

Canberran est enfin entré au dictionnaire mais il est temps que le soulignement disparaisse #Microsoft #Apple #Twitter

Un autre politicien de Canberra, le député à la Chambre des Représentants Andrew Leigh, a contribué au lancement de la deuxième édition du dictionnaire, 28 ans après la première. Dans son discours, il a offert un florilège de quelques-unes des expressions entrées dans l'ouvrage :

  • callithumpian (qui n'adhère à aucune religion, litt.: charivari)
  • rurosexual (Un jeune homme chic vivant à la campagne)
  • sea changer (un changement de mode de vie, notamment un déménagement de la grande ville à un patelin de bord de mer)
  • doesn't know whether he's Arthur or Martha (être en pleine confusion, litt.: ne pas savoir si on s'appelle Arthur ou Martha)
  • your blood's worth bottling (Tu es quelqu'un d'exceptionnel, litt.: ton sang devrait être mis en bouteille)
  • do a Bradbury (être le gagnant par défaut litt.: faire un Bradbury, allusion à un médaillé olympique de ce nom)
  • carry on like a pork chop (se conduire stupidement, faire du foin, litt.: continuer comme une côtelette de porc)
  • happy as a bastard on father’s day (profondément malheureux, litt.: heureux comme un bâtard le jour de la Fête des Pères)
  • straight to the pool room (pour dire la grande valeur d'un cadeau ou d'une récompense… litt.: direct à la salle de billard)
  • wouldn't know if a tram was up him unless the conductor rang the bell (complètement idiot, litt.: ne savoir qu'on est sous un tram que lorsque le contrôleur actionne la sonnette)

Il a aussi relevé quelques-uns des mots indigènes nouveaux-venus, comme gubinge, une variété de prune, et migaloo, un Blanc.

Migaloo est l'un des plus de 500 mots de 100 langues aborigènes et du détroit de Torres Strait, a expliqué le rédacteur du Dictionnaire National Australien Bruce Moore sur le site d'information et d'analyses The Conversation, dans son article intitulé ‘Quelle différence y a-t-il entre un Bunji et un Boorie ? Nous vous présentons les nouveaux mots indigènes de notre dictionnaire’.

Pendant que toutes ces entrées sont vantées comme neuves, beaucoup ne le sont que dans le dictionnaire. Pendant les années 1960, par exemple, mon père proclamait qu'il avait toujours écrit ‘callithumpian’ dans la rubrique religion du formulaire de recensement.

La Twittosphère ‘OS’ (d'outre-mer) a ressassé une des injures préférées d'Oz (d'Australie) :

“Tout à fait. L'Australie est la patrie du connard.”

Les injures foisonnent. Mes préférées : dropkick (un terme de sport qui rime avec prick (connard/bite] et a le même sens, et dickhead (tête de noeud). Outre le favori des médias bogan (un individu inculte et primaire), il y a une foule de termes et de nuances pour les individus, comme dag (plouc), hoon (pignouf) et tall poppy (quelqu'un d'important ou qui a réussi; litt.: grand coquelicot). A stunned mullet (hébété, litt.: mullet [poisson] estourbi) est un régal visuel.

Les récents premiers ministres ont eu les honneurs de notre langue vernaculaire. Julia Gillard a gagné ce mémorable titre de caricature : Head Ranga [rousse] in sanger [en sandwich] clanger [de boulettes)] ! (Les Australiens ne peuvent pas cependant pas revendiquer comme leur clanger, un mot d'origine britannique siginifiant gaffe retentissante.)

Son successeur Tony Abbott a obtenu une audience internationale avec les vocables empruntés au sport shirtfront (‘plastron’, un terme des règles du football australien désignant une charge frontale interdite contre un adversaire) et budgie smugglers (litt.: cachette de la perruche, un slip de bain moulant).

Même le New York Times a succombé au charme de cet ouvrage massif. Les deux volumes du Dictionnaire National Australien pèsent 4,54 kilos et comptent 1.864 pages. Les entrées sont maintenant au nombre de 16.000.

6.000 mots populaires sont entrés dans un dictionnaire australien. Testez vos connaissances [NdT : dans le tweet, ‘kwoedge’ serait une coquille pour ‘knowledge’].

Un autre apport du sport est falcon (faucon, un choc accidentel du ballon sur la tête). Son étymologie remonte à un joueur de ligue de rugby d'origine maltaise.

L'actuel premier ministre Malcolm Turnbull a inspiré les affiches fizza lors des dernières élections, un avatar de fizzer (un pétard qui n'explose pas). Cutting down tall poppies (litt.: couper les grands coquelicots, attaquer ou critiquer les privilégiés tels que les politiciens ou célébrités) fait partie du Canberra bashing.

Les associations avec des animaux sont un thème récurrent, avec une préférence pour les zoomorphismes (qui attribuent des qualités supposées d'animaux aux humains) :

Electeurs-ânes et pénis de dingo (chien sauvage) mort : la nouvelle édition du Dictionnaire National Australien

Dingo [le chien sauvage dr'Australie] s'applique à un lâche ou un traître. Two dog night (litt.: nuit à deux chiens), équivaut en français à ‘froid de canard’). Le dictionnaire se délecte du sens de l'humour Aussie, souvent dry as a dead dingo’s donger (sec comme le pénis d'un chien sauvage). A ne pas confondre avec l'homophone donga (habitation provisoire).

As dry as a dead dingo's donger

“Sec comme le pénis d'un dingo mort” dans le dictionnaire. Photo de l'auteur

Un de mes australianismes favoris est you wouldn't be dead for quids [vous ne voudriez pas mourir pour un sou]. Un quid était l'argot pour une livre (£) avant l'introduction de la monnaie décimale. Cela veut dire, en gros, ‘N'est-ce pas que la vie est belle ! Je n'aurai voulu manquer ça pour rien au monde’.

Je laisse le mot de fin à Marta Cooper, journaliste au site web d'information américain Quartz et membre vétéran de la communauté Global Voices :

Nous avons comparé les nouveaux mots dans les dictionnaires australien et Oxford [la référence en Grande-Bretagne], après quoi nous ne savons plus si nous sommes Arthur ou Martha

Le Dictionnaire National Australien est un élément essentiel de toute véritable bibliothèque ou salle de billard de maison. Ses 123.000 citations sont extra grouse (de qualité exceptionnelle). La première édition est disponible en ligne. Espérons que la deuxième suive prochainement.

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.