Ethiopie : un massacre pour intimider les Oromos

Une capture d'écran d'une vidéo publiée sur Facebook par Jawar Mohammed sur la bousculade pendant Irreecha, dans lequel les forces de sécurité regardent des gens qui fuient. On peut entendre les tirs alors qu'une fumée monte de la scène.

Capture d'écran d'une vidéo publiée sur Facebook par Jawar Mohammed sur la bousculade pendant Irreecha : les forces de sécurité regardent des gens qui fuient. On peut entendre les tirs alors qu'une fumée monte de la scène.

Une combinaison de bombes fumigènes et de balles réelles tirées par les forces de sécurité à l'occasion du plus grand rassemblement pour la fête d'Irreecha dans l'Etat éthiopien d'Oromia a provoqué une bousculade meurtrière dimanche, 2 octobre. Au moins 52 personnes ont été tuées, selon le gouvernement, mais un important mouvement activiste a déclaré que le nombre de morts pourrait atteindre 600 personnes [amharique].

Par ailleurs, un nombre indéterminé de personnes ont été tuées dans de nombreuses autres villes à travers l'Oromia, le plus grand Etat éthiopien, pendant qu'on signalait de récentes manifestations, selon le groupe militant [amh] et des centaines d'autres arrestations au cours du week – end.

Des manifestations ont lieu avec une fréquence régulière en Oromia [en] depuis novembre 2015, pour demander une plus grande autonomie ainsi que la liberté et le respect de l'identité ethnique du peuple oromo, qui a connu une marginalisation systématique et la persécution au cours du dernier quart de siècle. Les autorités ont utilisé une force meurtrière [fr] contre les manifestants à plus d'une occasion.

Qu'est-ce qui a déclenché le mouvement de foule lors des célébrations de l'Irreecha ?

L'incident sanglant de dimanche s'est déroulé au lac Hora [fr], lieu de pèlerinage, dans la ville appelée Bishoftu, à environ 48 km au sud-est d'Addis-Abeba, la capitale éthiopienne. On estime que des centaines de milliers de personnes provenant de tous les coins de l'Ethiopie se sont réunies, non seulement pour la fête d'Irreecha, un jour férié qui marque le début de la nouvelle saison des récoltes en Oromia, mais aussi pour organiser une manifestation pacifique.

Les rues de Bishoftu et les terrains autour du lac Hora étaient bondés de milliers de personnes qui attendaient pour placer l'herbe verte et des fleurs sur la rive du lac, un rituel de l'Irreecha qui marque le début de la nouvelle saison. Dans le même temps, il y avait aussi une forte présence des forces de sécurité en tenue anti-émeute avec des masques à gaz, de longues matraques et des canons sur des véhicules militaires. Certains participants scandaient des slogans en se déplaçant partout, croisant leurs bras en forme d'X – un signe utilisé par le peuple oromo pour protester contre la répression du gouvernement éthiopien.

Quand un représentant du gouvernement a essayé de prononcer un discours devant la procession, les manifestants l'ont accueilli par une chahut [amh] Une vidéo montre un manifestant prenant la parole pour faire scander au public “À bas, à bas TPLF”. Le TPLF est le Front de libération populaire du Tigré, le principal parti de la coalition au pouvoir en Ethiopie.

Ensuite, une série de coups de feu a retenti [amh] sur les lieux. Pendant ce temps, un hélicoptère tournait au-dessus du rassemblement. Le chaos s'est produit lorsque les manifestants ont fui pour se mettre à l'abri. “Les gens ont commencé à fuir dans toutes les directions en criant “ils tirent en provoquant la chute d'un grand nombre de personnes du haut d'une falaise” m'a dit un survivant qui était sur les lieux.

Pourquoi Irreecha ?

Irreecha est la fête la plus populaire en Oromia, connue pour sa valeur culturelle et religieuse pour le peuple oromo, le plus grand groupe ethnique éthiopien. C'est ainsi que la célébration biannuelle de l'Irreecha est étroitement liée à la signification politique de ce que veut dire être Oromo.

En outre, depuis de nombreuses années, l'opposition des militants oromos exprime explicitement son mécontentement du système politico-économique éthiopien lors des célébrations d'Irreecha. Même autrefois, en des temps politiquement plus calmes, les participants aux célébrations d'Irreecha en Oromia ont ouvertement manifesté leur allégeance à des partis politiques oromos interdits tels que le Front de libération Oromo. Faire des déclarations politiques lors des célébrations d'Irreecha révélait les sentiments de marginalisation et de dépossession vieux de décennies.

Cependant, les célébrations d'Irreecha 2016 ont été encore plus ressenties que d'habitude parce qu'elles ont eu lieu à un moment de deuil pour ceux qui sont morts dans des manifestations au cours des onze derniers mois. En quelques chiffres, au moins 700 personnes ont été tuées en relation avec des manifestations au cours de 2016. Depuis novembre 2015, les informations que quelqu'un a reçu des balles, a été arrêté ou soumis à un harcèlement violent de la part des forces de sécurité sont devenues  quotidiennes.

Dimanche, le peuple oromo avait transformé le pèlerinage pour l'Irreecha en un moment de célébration de son identité, mais aussi d'expression de ses griefs. La violence qui s'y est vérifiée a secoué l'Ethiopie, car elle semble être la première répression par les forces de sécurité d'une manifestation culturelle et religieuse importante du peuple oromo, mais aussi la plus violente répression [amh] jamais perpétrée spécifiquement contre l'identité oromo. Elle devait probablement servir à intimider [en] les organisateurs des protestations récurrentes dans cet Etat ainsi que dans celui d'Amhara, pour montrer que le gouvernement éthiopien était fort et que quiconque ose contester son autorité en pâtirait.

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