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Les appartements luxueux de « taille moustique » n'arrangeront pas les pauvres de Hong Kong

Catégories: Asie de l'Est, Hong Kong (Chine), Economie et entreprises, Médias citoyens, Photographie
How urban poor is "trapped" in subdivision units. Photo by Benny Lam [1]

Comment les pauvres des villes sont « coincés » dans des micro-appartements. Photo par Benny Lam. Usage non-commercial.

Beaucoup d’entre vous ont sans doute entendu dire que le marché immobilier à Hong Kong était le plus cher au monde [2]. Comment un coût de propriété si élevé affecte-t-il la vie quotidienne des gens ?

Eh bien, la majeure partie de la classe ouvrière urbaine est obligée de vivre dans des appartements subdivisés [3] de médiocre qualité, communément décrits comme étant de « taille moustique ». Pire encore, les gens fortunés achètent des appartements luxueux de taille moustique pour faire des investissements, aidés par la politique immobilière favorable au marché du gouvernement de Hong Kong. Ceci, bien sûr, n’arrange pas vraiment les plus pauvres.

Jetons un œil aux tarifs de One Prestige, entreprise de construction d’appartements récemment lancée à North Point, un quartier commercial et résidentiel de l’île de Hong Kong. L’immeuble comporte en tout 128 appartements, dont 126 sont des studios ouverts de surfaces allant de 15 à 19 m². La taille du plus petit des logements est plus ou moins équivalente à celle d’un emplacement de parking pour une camionnette scolaire. En se référant au plan du logement ci-dessous, on voit que le lit est juste à côté de la table de la cuisine ouverte.

Mais une petite surface ne veut pas dire un petit prix. Le prix moyen par pied carré (0,093 m²) peut aller jusqu’à 24 000 dollars de Hong Kong [4], soit approximativement 2800 euros le pied carré. Le plus petit logement de 15 m² vous coûtera jusqu’à 3,9 millions de dollars de Hong Kong, soit près d’un demi-million d’euros. De plus, les frais de gestion annuel par pied carré tournent autour de 5,60-7,60 dollars HK, ce qui signifie que l’acheteur du logement le plus petit aura à payer environ 1000-1200 dollars HK (120-140 euros) au promoteur tous les mois.

The floor plan of the smallest unit in One Prestige. Adapted from Apple Daily's photo. [5]

Plan du plus petit logement de One Prestige. D'après la photo dans l'Apple Daily.

En 2016, trois projets d'immeubles à appartements de taille moustique similaires ont été lancés. À chaque nouveau développement, la taille se réduit, mais les prix gonflent. Les développeurs justifient leur projets en arguant que la demande du marché pour de petits appartements est élevée dans les aires urbaines et que le développement des logements de taille moustique peut accroître efficacement l’offre. Ces projets sont aussi dans la lignée de la politique foncière du gouvernement qui encourage les développeurs à construire de grands buildings sur des bouts de terrain minuscules dans des secteurs résidentiels urbains déjà saturés pour atteindre l’objectif de 480 000 nouvelles habitations [6] d’ici 10 ans. Certaines parcelles font moins de 500 mètres carrés [7]; les gens de Hong Kong ont surnommé ces bâtiments, immeubles « de type aiguille ».

On estime que la ville introduira 5000 de ces minuscules appartements [4] chaque année dans le marché jusqu’à 2019. Toutefois, les projets ne sont pas là pour répondre aux besoins des habitants locaux, mais à l'intérêt des investisseurs. Près de 70 % des acheteurs de ces luxueux petits logements sont des investisseurs.

Pour pouvoir avoir un retour stable sur leur investissement, le loyer mensuel par pied carré chez One Prestige atteindra jusqu’à 80 dollars HK [8], ce qui signifie que le loyer mensuel pour l'appartement le plus petit sera de 13 040 dollars HK, ou 1540 euros. Il semble inévitable que de tels loyers vont dégrader le marché déjà fou de la location d'appartements urbains.

« Pas seulement un problème lié à la pauvreté, mais aussi un problème social important »

Hong Kong a en effet une forte demande pour les petits appartements dans les aires urbaines, mais la demande provient de ménages pauvres plutôt que de la jeune classe moyenne.

D’après le département de statistiques du gouvernement de Hong Kong, en 2015 [9], il y avait approximativement 200 000 personnes vivant dans 88 800 micro-appartements. L’espace de vie moyen par habitant était de 5,8 mètres carrés. Le revenu mensuel moyen des ménages est de 12 500 dollars HK et le loyer mensuel médian est de 4 200 dollars HK.

Les conditions de vie dans ces micro-appartements sont généralement très mauvaises. Benny Lam, un photographe qui a passé deux ans à prendre en photos les pauvres des villes vivant dans ces appartement minuscules, s’est exprimé [10] sur son projet via Facebook :

Ces deux dernières années, j’ai pris en photos les mauvaises conditions de vie à Hong Kong. Chaque session de photographie dans les vieux quartiers a été littéralement suffocante, j’ai vu la manière comment les appartements individuels étaient divisés en de minuscules appartements : il n’y a pas de fenêtres pour l’aération et les lits sont trop courts pour que les résidents puissent allonger complètement leurs jambes.
Il y a des dizaines de milliers de familles modestes tassées dans de tels endroits étouffants à Hong Kong. Vous pourriez vous demander pourquoi s’en préoccuper, puisque ces gens ne font pas partie de nos vies. Néanmoins, j’aimerais vous dire que ce sont ces mêmes gens que vous rencontrez dans le vie de tous les jours : ils vous servent au restaurant quand vous mangez, ce sont les agents de sécurité dans les magasins où vous vous promenez, les agents d'entretien ou les livreurs que vous croisez dans la rue. La seule différence entre nous et eux, c’est que leurs maisons sont des chambres divisés, ou même de simples loges de 6 pieds sur 2,5 (2 m sur 76 cm). Après leur journée de travail fatigante et ennuyeuse, ils ont gagné juste assez pour vivre dans ce genre d’endroit tout petit. Je crois que ce n’est pas seulement un problème lié à la pauvreté, mais aussi un problème social important.

La raison pour laquelle tant de travailleurs choisissent de vivre dans des environnements si étroits, c’est qu’ils sont dans le secteur du service et qu’ils doivent travailler de longues heures pour un salaire modeste. Vivre au centre-ville leur permet d’éviter près de deux heures de trajet et d’économiser 30 ou 40 dollars HK (environ 4 euros) en coût de transport quotidien. La hausse de la demande de luxueux appartements de taille moustique en ville ne va donc pas les aider.

Au contraire, la demande d’opportunité d’investissement aboutit à un forte hausse du loyer pour les petits appartements et par là-même aboutira probablement à des loyers plus hauts pour les micro-appartements dans les aires urbaines. En fait, entre 2013 et 2015, le loyer moyen pour un micro-appartement à Hong Kong a vu une augmentation de 10 % [11], et la tendance n’est pas près de s’arrêter, à moins que le gouvernement n’augmente le nombre de logements urbains publics à prix abordable.

Les photos de Benny Lam sur le logement populaire à Hong Kong ont été exposées [12] au Centre d’Art de Hong Kong du 3 au 9 octobre.