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Mauvais signal pour l'Iran ? Plusieurs ministres potentiels de Trump sont proches des Moudjahiddine du peuple iranien

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MEK leader, Maryam Rajavi, pictured here at a rally in Paris, is a close ally of several prospective members of Donald Trump's cabinet. PHOTO: Public Domain [1]

La dirigeante des Moudjahiddine du peuple iranien, Maryam Rajavi, lors d'un rassemblement à Paris. Elle est une proche de plusieurs membres pressentis du gouvernement de Donald Trump. PHOTO: Domaine public

Parmi les think tanks et les experts de politique étrangère de New York et Washington, peu soutenaient Trump ou même envisageaient la possibilité de son élection. Maintenant que la poussière est retombée et que le magnat populiste s'apprête à emménager à la Maison Blanche, les spéculations pullulent sur ce que sera sa politique étrangère. 

Ce qui rend Trump imprévisible, c'est l'historique en zigzag du milliardaire septuagénaire. Plus qu'un véritable idéologue de droite, c'est un opportuniste, qui a vendu une série de ce qu'on ne peut que de très loin appeler des “politiques” avec la science que sa base d'extrême-droite y serait réceptive. Jusqu'en 1987, il était enregistré chez les Démocrates, avant de passer au parti Républicain, puis au Parti de la Réforme (marqué à droite) de Ross Perot, puis retour aux Démocrates et enfin, après la victoire d'Obama, le voilà une nouvelle fois chez les Républicains. 

Pendant la campagne aussi, il a pris des positions vagues et contradictoires, et a enchaîné les volte-faces sur les sujets essentiels. Misant sur la réputation de faucon de Hillary Clinton et le ras-le-bol de la population américaine contre les multiples aventures militaires de leur pays, Trump a souvent paru prendre une posture isolationniste, ce qui a hélas leurré même des gens de gauche, qui ont prétendu qu'il représentait une “moindre menace” pour le monde que son adversaire. Mais sur les sujets importants, ce qu'il voulait c'était souvent plus d'intervention militaire que moins.

Trump préconisait une augmentation du budget militaire [2] et une escalade du combat contre l'EI. Après avoir initialement exigé [3] 20 à 30.000 soldats américains sur le terrain, il a ensuite fait marche arrière et dit que l'Arabie Saoudite devrait fournir ces hommes [4]. Par moments, il a dit que la guerre menée avec l'autorisation de l'ONU en Afghanistan était une erreur et à d'autres il l'a soutenue [5]. A l'époque de l'intervention en Libye, autorisée par l'ONU, il voulait le renversement du chef de l'Etat libyen Mouammar Kaddhafi, mais a depuis changé d'avis [6] plus d'une fois. 

Mieux vaut reconnaître que nul ne peut se targuer de connaître quelle sera la direction de la politique étrangère de Trump. Elle semble évoluer maintenant que le Président élu voit se profiler la perspective de s'asseoir réellement derrière le bureau le plus puissant du monde.

Quelles prédictions peut-on alors avancer sur les possibles politiques iraniennes de l'administration Trump ?

Même s'il a promis pendant les trois débats présidentiels de déchirer l'accord avec l'Iran, les analystes ont souligné qu'il n'en fera “probablement” rien [7], d'autant que l'accord a le soutien des autres puissances mondiales comme l'UE et la Russie, dont Trump a courtisé quelque temps le président Poutine, allié de Téhéran. En revanche, le commentateur israélien Zvi Bar’el a expliqué [8] que si Trump décide réellement de “jouer avec l'accord nucléaire”, cela profitera à l'Iran, qui pourrait appeler les autres parties à l'aide face aux USA apparaissant comme le pays ne respectant pas ses engagements. Le non-dit est que toute belligérance de la sorte de la part de Trump renforcerait aussi la ligne dure des anti-réformes et anti-accord dans l'establishment iranien, dont certains ont parlé en bons termes de Trump. Le Guide Suprême de l'Iran Ali Khamenei a été près de donner son aval au magnat [9] quand il a déclaré que “ils l'appellent un populiste parce qu'il dit la vérité”. 

Ce qui est susceptible de clarifier un peu les intentions de Trump, c'est le choix de ses ministres, et en particulier son équipe de sécurité nationale. C'est là que les défenseurs de la paix et de la démocratie en Iran et au Moyen Orient trouvent matière à s'inquiéter. 

Les deux principaux concurrents au poste de Secrétaire d'Etat sont l'ancien président de la Chambre des représentants Newt Gingrich et l'ancien ambassadeur à l'ONU John Bolton. Les deux hommes ne se sont pas contentés d'être en faveur d'une attaque militaire contre l'Iran avec “changement de régime” à la clé. Ils font partie des “amis” américains les plus proches d'une sulfureuse organisation politico-militante iranienne, les Mojahedin-e-Khalq [10] (MEK, en français Organisation des moudjahiddines du peuple iranien, OMPI) presque universellement haïe en Iran depuis sa collaboration avec Saddam Hussein pendant la guerre Iran-Irak. 

L'OMPI a été désignée organisation terroriste par les Etats-Unis qui ne l'ont retirée de la liste qu'en 2012. Après le renversement de son parrain Saddam Hussein en 2003, le mouvement a perdu presque toute crédibilité et aucune personnalité qui se respecte dans la politique iranienne ne s'en approche depuis la révélation ces dernières années des abus majeurs que le groupe a commis. 

John Bolton a aussi des antécédents anciens de soutien aux Moudjahiddines du peuple iranien, et est souvent l'invité de peurs rassemblements. En mars 2015, quand les négociations autour de l’Accord nucléaire iranien [11] atteignirent une phase sensible, il appela [12] à une attaque militaire contre l'Iran et à un “vigoureux secours américain” à l'OMPI “en vue d'un changement de régime à Téhéran”. L'été dernier, Gingrich a fait un discours devant le rassemblement de l'OMPI à Paris, aux côtés de Turki ben Faisal, l'ancien chef du renseignement saoudien. Gingrich est allé jusqu'à s'incliner solennellement devant la dirigeante de l'OMPI [13], Maryam Rajavi, qu'il a gratifiée de son titre favori, “Présidente-élue”. Lors de sa candidature à la primaire républicaine pour l'élection de 2012, Gingrich appela ouvertement au “remplacement de la direction iranienne”, disant que cela pouvait être réalisé en l'espace d'une année. 

La probable nomination de Gingrich et Bolton à deux des plus hauts postes de la sécurité nationale dans l'administration Trump permettra-t-elle au culte totalitaire de Rajavi de gagner en influence ?

D'autres membres potentiels d'une administration Trump sont également d'éminents faucons anti-Iran hawks. L'ex-maire de New York Rudy Giuliani, pressenti pour le poste d'attorney general (ministre de la Justice), s'est fait payer des sommes rondelettes pour paraître aux rassemblements de l'OMPI [14]. Le gouverneur du New Jersey Chris Christie, à la tête de l'équipe de transition, a qualifié l'Iran de “menace plus grande que l'EI [15]”. Mike Flynn, potentiellement le prochain secrétaire à la Défense, a dit expessément [16], “Cela fait dix ans que je suis en guerre avec l'Islam, ou une composante de l'Islam” en se plaignant des “mensonges de l'Iran, leurs mensonges sur toute la ligne, et ensuite la haine constante qu'ils crachent, chaque fois qu'ils ouvrent la bouche”. 

Dernier point, mais non le moindre, un des principaux financeurs de la campagne de Trump est le propriétaire de casinos Sheldon G. Adelson, qui lui a apporté son soutien en mai et a donné 25 millions de dollars à un Super PAC anti-Clinton la semaine dernière. Adelson est aussi connu pour avoir défendu une frappe nucléaire sur l'Iran [17]. 25ème homme le plus riche du monde, il est aussi un allié proche du Premier ministre israélien très à droite Benjamin Netanyahu, ainsi qu'un proche partenaire de Gingrich, dont il a aidé la campagne de 2012. Adelson est si proche de Netanyahu qu'il injecte 50 millions de dollars par an dans un quotidien gratuit, Israel Hayom, qui attaque les ennemis intérieurs de Netanyahu tant à gauche qu'à droite. Une amitié si étroite que lorsqu'une proposition de loi qui aurait contrarié Israel Hayom a été mis à l'ordre du jour de la Knesset, le parlement israélien, Netanyahu n'a pas craint de faire chuter son propre gouvernement de coalition pour le faire retirer. Le gouvernement de coalition suivant n'a été formé qu'après la promesse de ses partenaires de ne pas introduire de propositions de loi sur la presse gênant Adelson. 

De nombreux facteurs peuvent impacter la politique iranienne de Trump : ses relations avec Moscou, Riyad et Tel Aviv, sa position sur l'engagement étatsunien en Irak, en Syrie et au Yémen, et les exigences du Congrès dominé par les Républicains, dont la majeure partie s'est opposée à l'Accord avec l'Iran. Mais les liens avec l'OMPI sont un grave souci, et doivent inciter les Iraniens à la vigilance. Ceux-ci doivent dire clairement que ce culte ne parle pas au peuple d'Iran, et que ce ne sont pas de sincères défenseurs de la démocratie pour le pays.